Chapitre 26, ou la suite de nos péripéties

On est là, tous les deux, bouillants, tremblants, pantelants, effrayés, mais on est là. Et je viens de comprendre que ça n'a pas de prix. Bon, on respire pas le sex-appeal, je vous l'accorde.

 Nos poignets saignent ; leur ficelles sont visiblement tranchantes.  Ma peau sur un de mes omoplates me brûle. La douleur irradie dans tout mon corps, alors je roule sur le ventre. Nos muscles crient au supplice, j'ai les épaules et les abdos en feu. Enfin pas littéralement, mais vous avez saisi.

-J'ai le corps en feu ! s'exclame Marius. 

Il lit en moi, commente a t-il fait ? 

-Au sens figuré. Arrête de me parler de feu, je suis assez servie ici. 

-Plus pour longtemps ! Regarde, on voit la porte qu'on doit atteindre. 

Il me relève et commence à me traîner vers la porte d'un pas décidé. Il est donc si naïf. C'est presque mignon. Une braise s'écrase juste à côté de moi, et je pile net. 

-Les boules adhésives. Tu les as vues tout à l'heure ? Moi oui, et elles ont disparues. Elles devraient être juste ... ici. 

Je scrute aux alentours. Il n'y a aucune trace de ces petites saletés, nulle part. Je suis violemment projetée au sol par ... Marius ? Qu'est-ce qui lui a pris cette fois-ci? 

Nous avons roulé sur le côté. Je suis sur le dos, lui au-dessus de moi, l'affreuse douleur dans mon dos reprend de plus belle. Je m'apprête à lui crier dessus pour m'avoir fait si peur, quand il prend la parole. 

-Les boules. Elles sont au plafond. Il y en a une qui est tombée juste à côté de moi. On doit bouger. 

J'ouvre les yeux, et lui balbutie un faible remerciement. Là, il vient de me sauver la vie, sans aucun doute. Tout en moi respire la gratitude, mais je ne parviens pas à le verbaliser. Il est toujours sur moi, il me fixe, me scrute, m'examine. Je rougis, enfin j'ai l'impression. 

-Chut. Pour une fois. m'intime t-il, en posant un doigt sur ma bouche. 

 Il laisse courir son doigt sur mon visage, remonte ma mâchoire, ma tempe, dessine mes sourcils, trace le contour de mes yeux. Son doigt est réconfortant sur mon visage. Je ne sais pas pourquoi je le laisse faire. Nos regards sont perdus l'un dans l'autre, ses iris forment une jolie fleur grise, avec des éclats bleus. Il a de longs cils bruns, ses lèvres se rapprochent. Ses lèvres se rapprochent ! Je fais quoi ? C'est pas le moment là, si ? Je suis en totale panique. 

Quelque chose siffle à mon oreille.

Une liquide rose s'étend juste à côté de moi à une vitesse spectaculaire. Un boule rose rejoint le liquide qui continue à fondre. Il faut qu'on se carapate ! Si on reste ici, on va mourir étouffés de l'intérieur par ses horribles boules adhésives. Je roule sur le côté entrainant Marius avec moi. Je me relève vite, donc lui aussi et nous courons comme nous pouvons sur le sol d'acier. Je pile net, le retenant de justesse devant une fosse infranchissable.

Cette fois-ci, de grands pics en acier d'au moins cinquante centimètres de hauteur montent et descendent devant nous. Ils sont trop serrés pour qu'on puisse slalomer, ou les éviter. Et leur pointes a sans doute été trempée dans une substance au mieux soporifique, au pire meurtrière. Je jette un regard perplexe à Marius. Pas de cordes, de passerelles, rien.

Les murs de braises semblent redoubler d'ardeur; j'ai deux fois plus chaud. Aucune vague d'adrénaline ne vient m'aider à tenir la chaleur et le stress. Là, je dois avouer que je compte beaucoup sur mon acolyte. Sans lui, notre réussite parais franchement compromise. Je refuse de me laisser abattre, alors je mobilise mes dernières forces pour tenir. Il se rapproche de moi, collant un peu plus sa peau moite contre l'épiderme brûlant de mon coude.

-Il y a une solution. Il faut réfléchir. Leur but, c'est qu'on s'échappe. En galérant, certes, mais qu'on s'échappe quand même. Donc, ils ont du laisser quelque chose, un indice, une clé, n'importe quoi. Et il faut le trouver vite.

-En effet. Il vous reste quinze minutes, vous n'êtes pas à la moitié de cette salle, lui répond la voix grésillante.

Mon coeur s'emballe. Il va falloir être efficace, très efficace. Le problème, c'est qu'on est toujours attachés, ce qui complique considérablement la suite des opérations. Je me force à creuser dans ma tête, à trier tout ce que je sais. J'y met toute ma conviction, mon coeur, mon âme, l'once de combativité qu'il me reste. 

Je crois que je viens de parvenir à accéder à une zone de ma mémoire que je connais pas. Des mots défilent dans ma tête, ils ont quelque chose d'étrange, mais je les comprend. Des images, des vidéos, des hologrammes. Des gens qui se battent, des chiffres, d'autres mots étranges. Des armes, des gestes, des mouvements, des techniques, des objets... Je titube sous le poid de toutes ces connaissances, ma nuque me brûle encore plus que le reste de mon corps, j'entraîne Marius à ma suite au sol.

Il me regarde étrgement, mais ne dit rien. Il m'interroge du regard, simplement. Je fais tout défiler, je trie, j'essaye de comprendre, de lire, d'assimiler. Mes yeux se posent sur les murs de braise. De petits trous noirs sont visibles de là où je suis. Peut-être des trous pour une arme, peut être des trous pour...

-J'ai une idée ! Viens !

Marius se lève sans discuter et me suit en s'abstenant de commentaires. Je m'approche précautionneusement de la paroi rougeoyante, et passe avec appréhension mon doigt dans un des orifices métalliques. Une braise tombe sur ma peau nue, je réprime un cri. Ma grimace doit sans doute parler d'elle même, car Marius attrape vite mon doigt, et le fourre dans son t-shirt. Je lui jette un regard interloqué.

-Ça atténue la brûlure. Je crois.

Je hoche la tête en retirant mon doigt pour l'entrainer vers un autre trou. Cela n'a pas marché pour celui là, mais je garde espoir. Le prochain trou est juste à côté du premier pique en mouvement. Il ne faut surtout pas qu'il me touche. Je passe un doigt rapide dans l'orifice mais rien ne se produit. Je suis déçue, c'était notre seule piste. Une braise plus grosse que les autres fonce sur nous, mais Marius, resté vigilant, nous tire sur le côté et aucun de nous n'est brûlé. Je supporte mal la chaleur, je m'en rend compte maintenant. Je m'affale, mais Marius reste debout, les yeux ronds. Je suis trop fatiguée pour réfléchir à quoi que ce soit. Un filet de sang s'échappe de mon poignet, cisaillé parla ficelle que mon ami s'obstine à tirer vers lui.

-Olympe. Reste là, s'il te plaît. Je ne sais pas comment t'as fait, mais t'as réussi à faire apparaître un autre hologramme.

Je sursaute. J'avais raison ! Les orifices ressemblaient à des niches à hologramme, je le savais ! Je ne sais pas comment, mais j'ai peut être trouvé la solution d'une épreuve ! L'excitation prend le contrôle de mon corps meurtri, et je bondis sur mes pieds. Un hologramme est projeté juste au-dessus d'un pique acéré. Ça ressemble à un ordinateur, ça peut être celui qui contrôle le système. Je me penche doucement au-dessus du clavier, pour éviter les dents de fer qui surgissent de nulle part. Je tire Marius avec moi, mais il ne bronche pas. L'ordinateur holographique demande un mot de passe. J'interroge Marius du regard.

-Mot de passe ?

-Essaye nos numéros, nos numéros avec nos prénoms, nos prénoms sans numéro, essaye le mot de passe de la dernière épreuve, essaye le nom de la secrétaire, essaye quelque chose en rapport avec...

-C'est bon ! Je vais essayer.

Je tape frénétiquement sur le clavier, me penchant de temps à autre pour éviter une braise volante. Mes doigts volent si vite sur le clavier virtuel que je suis incapable de dire quel mot de passe je viens d'essayer : je suis déjà passée au suivant. Aucune des propositions de Marius ne fonctionne, je m'en rends compte. Je me remet à creuser. Comment fait-on pour trouver un mot de passe ? Il faut savoir à qui appartient l'ordi.

-A qui appartient l'ordi, qui est susceptible d'avoir choisi ce mot de passe ?

-La secrétaire, un des gorilles, ou le vieux.

J'acquiesce. Le vieux, le Monsieur. C'est lui, obligatoirement, c'est le chef. Le problème, c'est que je ne sais rien de lui. Vraiment rien. Je suis censée trouver son pattern, son mot de passe initial, sans informations sur sa vie. Ça ne marche pas, ça ne peut pas être ça. C'est un mot de passe en rapport avec l'épreuve, avec quelque chose qu'on connait, qui devrait nous sembler évident. J'ai déjà essayé tout ce que je connaissais sur cette putain d'épreuve !

Ça défile à toute vitesse dans ma tête, des lignes de code, des mots étranges, des procédés informatiques, je ne comprends plus !

Mon regard désespéré se ballade de nouveau sur la salle, à la recherche d'un autre indice.

-Les autres trous ! Olympe, faut qu'on essaye les autres.

Il a raison, pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ? Je me sens bête, mais alors vraiment très bête. Il se rue vers un trou, m'arrachant un peu plus le poignet à chaque fois. Il passe fébrilement son doigt dans chaque trou qu'il trouve, sans succès. Il en reste un, le dernier, celui qui se situe exactement en face du trou de l'hordinagramme. Rien. Aucun autre hologramme n'apparait. Il soupire bruyamment et je glisse un regard découragé. Je hausse les épaules dans une grimace : la brûlure infligée par la lave me dévore le dos.

Mon acolyte m'attrape brutalement la main, il a une idée. Marius prend mon doigt et l'insère sans aucune délicatesse dans un orifice de la paroi ardente. Un hordinagramme apparait presque instantanément. J'ouvre la bouche pour poser une question, mais il me coupe rapidement.

-Arrête de me poser des questions auxquelles je n'ai pas de réponse. C'est assez déprimant.

Il esquisse une moue boudeuse, je suis touchée malgré moi. Le retour de la Olympe sentimentale ! "Tu voudrais pas t'occuper de l'hologramme plutôt ? " me résonne la voix dans ma tête. Je pique quand même un léger baiser sur la tempe de Marius avant de m'occuper de la paperasse digitale qui défile devant nous, c'était plus fort que moi. Il réagit à peine, trop absorbé par sa lecture. Je vois quand même son regard dévier légèrement , avant qu'il ne se replonge dans l'hologramme. Je jette un coup d'oeil par dessus son épaule, je vous rappelle que nous sommes attachés, et qu'il est clairement en train de me déboiter sans scrupules le poignet. Le document parle d'espace, c'est tout ce que je parviens à comprendre. Il s'arrache à sa lecture, pour faire défiler les informations. Il m'annonce solennellement une très mauvaise nouvelle.

-On va devoir tester sur l'ordinateur d'en face chaque nom de constellation.

-On n'aura jamais le temps ! Ni l'énergie !

Je rappelle à toute fin utile que nous devons traverser la pièce dans sa largeur pour atteindre l'autre hologramme.

-Écoute, on a pas le choix. Je vais essayer de retenir un maximum de nom à chaque fois. Laisse moi vingt secondes.

Il n'attend pas ma réponse et se met à faire défiler les fiches frénétiquement. Il les survole à peine, je suis quasi sure qu'il va oublier la moitié des noms qu'il aura lu. Il arrive presque à la moitié de la pile et m'anonce qu'on peut y aller. Son regard est dans le vide, il se concentre uniquement sur le nom des constellations.

On trottine comme on peut jusqu'à l'hordinagramme. Il me halette des noms, essouflé comme si il avait couru des kilomètres. Il n'y a qu'une cinquantaine de mètre entre les deux parois, je ne comprend pas sa fatigue, mais ne commente pas non plus.

-Saggitae, Orpheus, Pyxis....

Il continue de déblatérer son charabia que je teste au fur et à mesure sur l'hologramme, qui refuse obstinément de nous laisser accès à l'ordinateur. Il est à la fin de sa liste. Je teste le dernier mot et retiens ma respiration. Ce n'est pas exactement notre dernière chance, mais ça nous plomberait sacrément le moral si nous devions retourner à la chasse au mot de passe. J'échange un regard avec Marius avant de river mes yeux sur l'ordinateur. 


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