Chapitre 22, ou le mot qui n'aurais pas du m'échapper
Je ne lâche pas sa main depuis qu'il s'est réveillé. Gabriel et Victoire l'ont porté jusqu'à notre cellule. Nous n'avons même pas évoquer l'idée de nous échapper. On sait pertinement que chacun des corridors est truffé de caméras, et puis il y a la puce, plantée en nous, comme des androïdes.
J'ouvre la porte de la cellule, et j'allonge Marius sur les matelas. Il dort. J'ai vérifié ses blessures: tout est cicatrisé, je ne comprends pas pourquoi ils le gardaient. Peut-être attendaient-ils que nous venions le chercher nous-même? Je ne sais pas, mais toujours est-il que Marius est bien là, avec nous, et qu'il va le rester. Je ne m'inquiète pas, il dort beaucoup, mais c'est normal: il vient d'émerger du coma!
J'ai une faim de loup, je me dirige vers la cuisine en inspectant d'un oeil circonspect le placard de l'hologramme. Quand va t-elle se décider à nous annoncer les mauvaises nouvelles? J'ai vraiment les crocs moi! Je toque à la vitre du placard. Elle apparait presque instantanément dans un couac sonore. Toujours aussi propre sur elle, la Cassandre. Tailleur, chignon banane ultra-serré, maquillage parfait, escarpins ... C'est le genre de fille qui vous fait sentir sentir affreuse par sa simple présence. Je la déteste, je vous l'avais déjà dit?
-Vic! Gabi! Devinez qui nous rend visite.
Gabriel entre dans la pièce, un air faussement honoré collé au visage.
-Mais non! La miss en personne! Mais que nous valons donc cet honneur?
-Mademoiselle. C'est Mademoiselle. Je vous fais grâce de ma présence pour vous prévenir qu'il va dormir, et que c'est normal. Les Savants ont tenté quelque chose pour résoudre ça, mais cela n'a rien changé, il est trop détraqué. Bref, vous continuez vos épreuves, lui il dort.
-Que lui avez-vous fait?
-Malheureusement, nous n'y sommes pour rien. C'est ... Passons!
-Est-ce que nous sommes à la fin de l'expérience? Avons-nous réussi? Demande Vic.
-Pas du tout. Vous êtes de très mauvais sujets. Dommage pour vous, hausse t-elle les épaules, comme si elle nous prévoyait une funeste fin.
-Mais ... Nous sommes tous là! Personne n'est mort!
-Encore heureux! Les Savants ne sont qu'à la phase un de l'expérience!
J'écarquille grand les yeux. La première phase? C'est quoi ce délire? On a failli crever quatre fois en moins de trois jours!
-Parce qu'il y a combien de phases?
-Je vous laisses, j'ai à faire. Bon appétit !
-Je vous promets qu'un jour je suis l'étanglerai. Pas avec mes mains, ça me salirait. Mais avec une ficelle. C'est bien ça! Une ficelle. Et puis, c'est "propre" comme mort. Pas de sang, pas de boyaux déchiquetés, donc pas de tâches. C'est symbolique : finir étranglée par une ficelle, c'est vraiment une fin de merde pour une folle comme elle. Sadique, narcissique, mégalo, tout y passe avec cette sorcière, déclare Victoire.
-Je suis contre la violence bella, c'est un principe. Je serais obligé de te balancer aux f ...
Victoire s'est jeté sur le blond. Elle l'embrasse avec passion, ardeur et conviction. Comme une promesse. Elle l'a même fait tituber. Sans doute le petit surnom qui lui a plus. Il passe les bras autour d'elle et se dégage deux secondes de son étreinte pour finir sa phrase.
-Ok. Pour toi, je ferais une exception. Mais c'est juste parce que t'embrasses comme une déesse. Sinon, j'aurais témoigné contre toi sans hésitation. Mesurer ta chance que je sois vraiment un mec trop cool. Apprécie, savoure, avant que je ne me fasse arracher les boyaux.
-Je mesure surtout ma chance que les maîtres de ton corps soient tes hormones d'adolescent frustré et pas ton minuscule cerveau . J'ose même pas imaginer ce que ça serait, sinon. Et puis, tu veux pas te servir de ta langue pour autre choses que pour déblatérer des conneries plus grosses que toi ? Le coupe mon amie en levant les yeux au ciel, l'air ravi, quoi qu'en disent ses yeux.
-OK. OK ! Mes petits potes. Je suis là. Merci de vous chauffer un peu moins fort par respect pour mon célibat. Ça serait sympa de votre part, j'apprécierai beaucoup.
Les deux imbéciles en chaleur en face de moi échangent un regard lubrique, avant de commencer à se bidonner comme deux gamins. Ils sont fous! Je suis catégorique.
-Attend. T'as osé nous faisons croire que t'étais pas à fond sur la princesse? On apprend pas au vieux singe à faire des grimaces, ma belle, m'explique sournoisement Gabi.
Les lèvres de Victoire s'étirent en un grand sourire, encore un peu roses de l'ardent baiser échangé un peu plus tôt avec l'autre gamin de service, avant qu'elle ne reparte dans un fou rire. Elle rayonne. Elle est beaucoup plus heureuse, plus spontanée et joyeuse depuis que Gabriel lui a déclaré sa flamme. Sans doute son potentiel de conneries qui déteint sur elle.
Je les laisse à leurs spéculations sans prendre la peine de répondre à Gabriel, et retourne m'allonger près de la "princesse" comme mes amis l'appelle, plus connu sous le nom de crapaud.
Il dort. Encore et toujours. C'est incroyable de dormir autant ! Qu'est-ce qu'il arrive ? Peut-être à une maladie du sommeil? La secrétaire avait laissé sous-entendre qu'il avait un problème avant l'expérience, et que les Savants n'y pouvaient rien. J'avoue que je me fiche un peu de savoir si ils peuvent le résoudre, je veux retrouver le Marius que je connaissais. Celui qui est souvent de mauvais poil, mais qui me taquine dès qu'il le peut. Celui qui râle souvent mais qui est le premier à vouloir sauver le monde dès qu'il en a l'occasion. Celui qui déteste Gabriel mais qui lui donne des conseils sur sa vie sentimentale. Et par dessus tout, celui qui me parle du cosmos, du ciel, des heures durant. Son truc, c'est les étoiles. Soit. Moi, c'est la Lune! On se complète plutôt bien, non?
-Tu pourrais pas arrêter de me regarder dormir? Ça va, je vais bien. Dors maintenant, t'as vraiment une sale tête.
Ouch. Uppercut. Tu voulais qu'il se réveille ? Te voilà servie! Le retour du Marius à l'humeur éxécrable. Le détestable, celui qui blesse les gens gratuitement, qui ne parle plus à personne. Qu'est-ce que j'ai fais pour réveiller cette facette de lui? Je me retourne sans lui répondre et ferme les yeux instantanément. Il ne s'excuse pas de m'avoir mal parlé. Non, évidement non! A quoi bon ?
Je suis emportée dans un sommeil sans rêves. Le matin, ou du moins à l'heure à laquelle la Fenonoctem s'active en mode "jour", Marius ne dors plus. Tout comme Gabriel et Victoire. En fait, je suis la dernière. Je suis accueillie par deux zombies à l'air béat et un mort-vivant un peu moins grognon qu'hier. Je marmonne quelque chose avant de lancer la machine à café. Trente secondes après, j'ai un café chaud et bien serré comme je les aimes : je me suis découverte une passion insoupçonnée pour cette boisson amère, mais je suis bien la seule. Je crois même me souvenir que le crapaud ne supporte pas l'odeur ! Ils ne savent pas ce qu'ils rate.
Le liquide brûlant coule le long de ma gorge, avant de venir réchauffer mon estomac qui comme souvent en ce moment, crie famine. Quelqu'un me passe ma conserve, et je ne relève pas le nez de mon déjeuner. Je sens qu'on me regarde, mais je suis de mauvaise humeur. Le crapaud m'a parlé n'importe comment, et Gabriel et Victoire on été un peu...bruyants cette nuit, si vous voyez ce que je veux dire. A croire qu'ils ne dorment jamais !
-Excuse moi.
Je relève le nez. Il ne reste plus que Marius dans la kitchenette translucide. Il vient de marmonner quelque chose à sa conserve, la tête baissée. Il n'a plus sa capuche. En fait... il a enlevé son sweat gris, ce qui en soit constitue un évènement. J'imagine l'effort surhumain que ça a du lui demander... le Grand Marius a dû avoir le coeur brisé. Maintenant, il porte un t-shirt gris, mais surtout, son visage est dégagé : plus de capuche pour se cacher.
Je recommence à manger, quand il marmonne quelque chose. Je me retourne vers lui et hausse les sourcils. Il relève enfin la tête et je croise son regard. (N'oubliez pas que je parlais à sa touffe de cheveux jusqu'à maintenant, c'est assez perturbant je dois l'avouer. )
-Je suis désolé. Je ne contrôle pas ces...enfin...ça.
Ah ! Parce que Monsieur croit qu'il lui suffit de se pointer comme une fleur avec deux trois excuses pourries dans son sac pour que je lui saute dans les bars ? C'est raté, le crapaud, vraiment raté. Je décide de l'ignorer royalement.
-Je suis sérieux, Olympe. Je contrôle pas. C'est comme des crises de... enfin... comme si des avalanches de sentiments et de ressentiments déferlaient sur moi sans explication. Et je dors. Beaucoup, dans ces moments-là.
-La secrétaire a dit que tu étais détraqué. J'y crois pas. Mais y a quand même un truc qui cloche. Je sais pas ce qu'ils t'ont fait, mais on va trouver. T'es beaucoup trop chiant dans ces moments.
Il a baissé le regard, quand j'ai parlé de "détraquage".Mais je suis débile ou quoi ? Si il a vraiment été détraqué, qu'il a un vrai problème, et qu'il n'y est pour rien ! Je me maudis pour mon manque de tact.
-Excuse-moi. C'est pas ce que je voulais dire. On va trouver, c'est tout. Parles-en, quand tu peux. C'est important.
-C'est bon, t'inquiètes. Bien dormi cette nuit ?
-Pas vraiment. J'étais préoccupée.
-Par quoi, la marmotte ?
Je n'arrive même pas à rire.
-Toi. Je lâche cette info calmement et retourne à ma conserve tout aussi tranquillement.
Et merde.
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