6.
Je suis tirée d'un agréable sommeil par le bruit de ma tête qui cogne le sol froid et dur. Aie. J'ai horreur qu'on me réveille, je viens de m'en rendre compte. Je suppose que je ne suis pas seule dans la pièce, car généralement une tête, ça ne glisse pas toute seule.
J'espère simplement que le responsable de cet incident a de bonnes jambes, il risque d'en avoir besoin.
J'écarquille faiblement les yeux, m' attendant à être éblouie par la lumière, pour tenter d'apercevoir mon feu matelas. Je suis certaine que je ne suis pas seule dans cette pièce. En effet, une silhouette me tourne le dos, assise en tailleur face à l'unique fenêtre de la pièce, la tête dans les étoiles, si je puis dire ainsi.
Ah ! C'est donc pour ça que je ne voyais rien : il fait nuit. Je me reconcentre sur la silhouette face à moi et une bouffée d'espoir me donne le courage de l'apostropher poliment. Non, je rigole, j'ai juste poussé un grognement de bête sauvage. Quoi ? Dois-je vous rappeler qu'il ou elle a osé me réveiller ?
Bref, je tente une approche subtile digne de la grande stratège que j'ai toujours été.
Toujours est-il que la silhouette fait volte-face.
Oh. Mon. Dieu. Mon cœur rate un battement devant le spécimen qui se tient devant moi.
Je détaille délibérément un ado d'environ 17 ans, très bien taillé, aux cheveux bruns légèrement torsadés qui dépassent de sa capuche noire. Je crois voir passer dans son regard gris anthracite une lueur d'amusement, qui laisse vite place à de l'impatience. Il se retourne finalement vers ses étoiles, après m'en avoir laissée quelques-unes dans les yeux. Non je plaisante. Enfin je crois.
Je suis incapable de décrocher un mot, trop surprise de cette présence, et un peu soulagée, je dois l'admettre, de ne pas être seule. L'inconnu se charge finalement de me sortir de mon étrange torpeur.
-T'as la tête lourde, commence t-il calmement.
-Aha.
Waow. Mais quelle répartie ! Je me désespère moi-même. Je suis tellement gênée. Sans doute à cause de ma sieste où je devais être complètement affalée sur lui.
-Je ne plaisante pas.
-Comment tu t'appelles ? dis-je, plus pour changer de sujet qu'autre chose.
-Et toi ? rétorque t-il
- je...hmm
-Alors occupe toi de tes affaires et tout ira bien. Il ponctue sa phrase d'un léger sourire en coin qui me donne envie de lacérer sa gueule d'ange. J'ai dit gueule d'ange ? Pachyderme est sans doute plus adapté, autant pour moi.
Oui, je suis légèrement sanguine, mais pour qui se prend t-il ?
J'évalue rapidement la situation ; il est beaucoup plus fort que moi. Cependant, je n'ai pas l'impression d'être totalement démunie de force et d'agilité. Cela dit, je n'en sais rien.
Je n'ai donc a priori aucun moyen de lui faire ravaler ses paroles. Je suis obligée d'opter pour la deuxième méthode, un peu plus douce (un peu plus lâche aussi ). La diplomatie. Oui je vous l'accorde, ce n'est pas très courageux, mais dois-je vous rappeler que je suis en position de faiblesse ?
J'ai dit diplomatie, pas lâcheté !
-Bon, on est pas obligé d'être meilleurs amis, surtout vu ta gentillesse naturelle, mais si on doit cohabiter dans cet... dans ce bâtiment pour fous, hum, pour amnésiques, autant le faire avec cordialité, non ?
- Je me trouve plutôt sympa comme mec étant donné que je t'ai laissé dormir sur moi pendant au moins dix heure, rétorque t-il d'un air complètement désinvolte
Je lève les yeux aux ciels et tourne la tête, autant pour cacher ma honte que pour garder la face. J'étais clairement affalée sur lui pendant... dix heures ?! Oui tout compte fait, ce mec est plutôt patient. Mais plutôt crever que lui avouer, j'ai encore un peu d'honneur !
Enfin j'espère.
La gêne passée, un millier de questions m'assaillent d'un coup, comme une déferlante d'interrogations auxquelles je n'aurais sans doute pas de réponse vu l'amabilité de mon compagnon d'infortune.
L'individu en face de moi à l'air de se suffire à lui-même, puisqu'il ne daigne pas m'accorder une quelconque attention. Et nous sommes sans doute deux dans cette pièce à avoir un regain de fierté, car je n'engage pas la conversation et tente de me rendormir sur un sol glacial.
Il ne se passe pas lus de quelques minutes avant que je ne brise la glace. Autre chose que je viens d'apprendre sur moi : je n'aime pas la solitude. Pas du tout en fait. Et encore moins le silence.
Je m'approche à pas de loup de la silhouette qui est toujours face aux étoiles, et m'assied à ses côtés.
-On est pas dans un hôpital. On est où alors ?
-T'es vraiment perspicace toi, s'amuse t-il
-Et tu es ici depuis quand ? je continue, pas perturbée par ces petits piques, et puis c'est quoi cette pièce ?
Oups, ça y est, je me laisse emporter par le flot de questions qui se bousculent dans ma tête...
Monsieur-je-me-la-pète, eh oui je ne connais toujours pas son nom, ne se laisse pas démonter pour autant, et il commence avec un petit sourire amusé.
-Alors, je vais essayer de répondre dans l'ordre, se moque t-il, on a pas de lit car nous sommes prisonniers ou quelque chose du genre.
Mes yeux s'écarquillent comme des soucoupes, mais il poursuit quand même.
-Cet endroit est... je n'en ai aucune idée. Disons qu'on doit se barrer d'ici le plus vite possible. Et je suis arrivé environ quatre heure avant toi. Satisfaite, la chieuse ? finit-il d'un regard froid.
Mes yeux deviennent cette fois ci de petites fentes, et je le scrute d'un air mauvais.
-Commence pas à jouer à ce jeu là, pauvre abruti, je siffle, mécontente de l'insulte.
Il rit un instant avant de se désintéresser de moi.
Le sentiment d'insécurité qui m'avait pourtant quittée lorsque je m'étais assoupie dans la cellule me regagne aussitôt. Je suis captive. Loin de ma mère. Sans souvenirs. Avec un inconnu. Très arrogant en plus. J'arrive à la conclusion que je dois absolument lui soutirer d'autres informations, pour pouvoir m'échapper ; je suis certaine d'être en meilleure condition physique maintenant.
Je lui repose une question, cette fois-ci avec plus d'aplomb.
-Tu t'appelles comment ?
Il ricane froidement, et me répond sèchement.
-C'est tout ce que t'as à dire ? Je t'apprends qu'on est captifs dans je ne sais quel bâtiment militaire, et tu me demandes comment je m'appelle ? Y'a décidément quelque chose qui tourne pas rond chez toi.
-Au contraire, je tourne parfaitement rond, je te remercie l'abruti. J'essaie juste de connaître le nom de la prochaine personne que je vais étrangler sans pitié, je finis en m'inspectant les ongles.
J'ai dit ça d'un ton parfaitement sérieux, mais ma pique avait plus pour but de détendre un peu l'atmosphère que de l'attaquer. J'ai compris qu'il n'est pas très malin, j'espère juste qu'il ne va pas me prendre au mot.
Je lui jette un coup d'oeil l'air détaché, pour scruter sa réaction. Il fronce d'abord les sourcils, sans doute en train de se demander comment il va pouvoir se débarrasser de mon cadavre, puis éclate d'un rire franc.
Ce mec à un grain. C'est définitif.
Bon, je ne lui en veux pas, je n'ai pas l'air tout à fait saine d'esprit moi non plus, mais à ce point ?
Il retrouve son sérieux après quelque éclats de rire. Ses yeux brillent. Il a toujours sa capuche noire.
-Je m'appelle... hésite t-il
Un éclair de génie me traverse. Eh oui ça arrive.
-Je sais ! Tu es comme moi ! Tu ne connais pas ton prénom...
L'excitation de ma découverte retombe d'un coup.
- ... et nous sommes deux à être coincés ici sans souvenirs, je conclus la mine sombre.
-Marius. Je m'appelle Marius, petit génie.
Un peu soulagée, je lui tends la main.
-Ravie de faire ta connaissance, Marius.
-Je t'aurais bien retourner le compliment mais je n'aime pas mentir.
-Arrête ton char, je me fiche royalement de ce que tu penses, je rétorque
Je reprend contenance. Monsieur Marius a donc des failles. Intéressant. Malheureusement, ses failles apparaissent quand je trouve moi-même la réponse à mes questions, donc pas très utiles ces failles. J'ai beau faire la grande gueule, je n'en mène pas large. Ce type est tellement agaçant. C'est humain d'être aussi... horripilant ?
-Et toi, le génie, c'est quoi ton petit nom ? reprend t-il
Œil pour œil, dent pour dent. Apparemment, je suis un peu rancunière.
-Ravie que tu me reconnaisses à ma juste valeur.
Il sourit, amusé, mais finit par tourner la tête vers la fenêtre. Je vois. Monsieur ne veut pas s'abaisser à me supplier.
-Qu'est ce que t'en as a faire de toute façon ? On veut juste sortir de là, point final.
-Rien, je m'ennuie. T'as raison, je dois juste me barrer loin d'ici.
Ah. Le semblant d'ego qu'il venait de me rendre semble s'envoler sitôt la fin de sa phrase.
-Plus sérieusement, tu t'appelles comment ?
-Olympe, je lui réponds encore fatiguée par mon transfert.
Sur ces douces paroles, je lui tourne le dos. As t-on déjà vu quelqu'un d'aussi têtu ?
Ah oui. Mince. Il y a peut-être... moi, pensai-je avec amusement.
Après ces pensées pleines de bon sens, je me laisser aller dans les bras de Morphée.
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