18.
On nous jette dans une pièce, avec deux colosses en costard. Je les dévisage, je crois en reconnaître un, un de ceux qui m'avaient jetés dans ma première cellule après l'hôpital. Je décide d'attaquer avant eux.
-Albert ! Les lunettes, c'est pour le style ou ça fait partie du nouvel uniforme ? Non parce que ça fait pas super mystérieux, plutôt ridicule étant donné qu'on n'y voit déjà rien dans cette pièce.
Mes trois amis écarquillent les yeux. Ils sont encore étonnés, les malheureux ! Je les avais prévenus pourtant, ils devraient le savoir : je suis folle !
Je ne m'attends pas à ce que l'homme me réponde, ce n'est qu'un mouton qui obéit aux ordres. Mais j'ai tort. Car non seulement l'homme me réponds, mais il prend une initiative qui me fait presque regretter mon intervention. Il s'approche de moi, m'adresse un sourire à vous glacer les os, et passe sa main entre le bas de mon t-shirt décidément trop court et le haut de mon pantalon remonté sur mes hanches.
-Fais pas trop la maligne, aujourd'hui j'ai carte blanche, poupée.
Il ponctue sa phrase en tirant sur le bas de mon pantalon, dévoilant la longue estafilade sur mon ventre. Je redresse la tête, fièrement. Il n'a pas le droit de faire ça. Il espère me détruire, me rendre faible, mais il va perdre. Je ne me laisserai pas abattre, je me le promet. Avec son geste, il a ouvert les hostilités. La guerre est déclarée, poupée.
Je vois Victoire qui laisse elle aussi son pantalon glisser, dévoilant sa cicatrice à son tour. Marius ne décroche pas un mot. Gabriel lui, s'agite avant de déclarer.
-Je suppose qu'on est pas là pour qu'elles fassent un streap-tease.
Je le remercie d'un regard. Qu'il occupe un peu le gorille sans cervelle qui me tripote, ou je sens que je vais vriller.
-Puisque qu'is ont l'air si pressés, je propose qu'on commence par les femelles, ça te va Ken ?
Ken ? Je réprime un gloussement. Le gorille s'appelle Ken. Quel nom ridicule ! Je tente de cacher mon hilarité, mais un regard avec Marius, et j'explose de rire. Le dénommé Ken s'approche une nouvelle fois de moi, et fait courir ses doigts gelés le long de ma cicatrice. Décidément, tout est froid chez cette homme. J'étouffe un frisson.
-Bonne idée.
A ces mots, les deux hommes nous empoignent, Vic et moi, et nous plaque face au mur.
-Vous, vous restez collées à ce mur. Sur la pointe des pieds, et vous bougez plus. Nous, on s'occupe de vos copains. Alors, c'est qui ta gonzesse, dit-il en se tournant vers Marius. Je pencherais plus pour la brune complètement frappée.
Marius ne répond rien, sans doute impassible. Je résiste à l'envie de me retourner vers lui, il ne faut pas. Les battements de mon coeur s'accélèrent.
-Et toi, c'est la rousse. Zack, ils sont vachement mordus quand même. Regarde, ils les lâchent pas des yeux. Eh, détendez-vous, aujourd'hui, l'objectif c'est pas de les violer devant vous ! On attend un peu pour cette partie.
Il part dans un rire gras. Mais quel porc. Je fulmine, mais Victoire détourne vite la tête pour me supplier de la fermer, pour une fois. Je commence à sentir mes orteils. Ils sont écrabouillés dans les chaussures de sécurité, et le bout en fer me coupe presque la circulation sanguine. Ca ne fait que quelques minutes que nous sommes dans cette position ... Je suis tentée de poser discrètement mon talon gauche, pendant que les deux singes sont occupés à ligoter les garçons à leur chaise.
J'entends un cri qui se veut contrôlé. Un bruit de taser l'accompagne.
-Non non, chérie. On vient à peine de commencer. Tu commences à comprendre ?
C'est encore pire que ce que je pouvais imaginer. On va devoir tenir pendant des heures sur la pointe des pieds avec ses foutues chaussures de sécurité, sinon ils les frappent. Ma parole, ceux qui ont inventé cette torture ne peuvent pas être humain. Ce ne sont pas des Savants, ils sont possédés !
Des pas lourds s'approchent de moi. Une main rugueuse glisse le long de l'élastique de mon pantalon, avant de descendre plus bas, presque jusqu'à mes fesses. Je réprime un frisson. C'est immonde. Les doigts parcourent les quatre ponts laiteux à la naissance de mes fesses. Je ne peux pas le laisser faire. Je fais brusquement volte-face, choppe la main qui se baladait trop près de moi et lui tord les doigts. Je ne sais même pas d'où m'est venu ce réflexe. Un sourire mauvais s'étire que la mâchoire carrée de mon bourreau, et un cri grave retentit.
- Ça va, murmure Marius.
Mais je sais que ça ne va pas. A côté de moi, Victoire remue et un second râle grave résonne. Gabriel. Victoire inspire profondément, pour se calmer. Ils sont horribles, diaboliques, machiavéliques, mauvais... je n'ai plus de mots assez fort pour décrire leur cruauté et leur barbarie. L'homme qui me touchait s'approche maintenant de Victoire, et lui demande de lever les bras au dessus de la tête. Elle lui jette un regard meurtrier, le défiant de la toucher. Un bruit sourd retentit. Gabriel n'a pas crié, mais elle a entendu le taser. Elle s'éxécute, le regard dur.
Il commence à balader ses mains velues sur elle. Sa cicatrice est exposée au grand jour. Il la remonte de sa grosse patte, jusqu'à arriver à son soutien gorge. Son t-shirt est complètement relevé. Mon estomac se tord. Elle ne dit toujours rien, mais je suppose que Gabriel a du s'agiter car un nouveau bruit retentit. Je crois que je vais vomir. Un liquide acide remonte le long de mon œsophage, prêt à jaillir au prochain mouvement du gorille.
Le second gorille, Zack, commence à râler.
-Ken. C'est à moi. C'est toujours moi qui me tape le sale boulot, regarde, j'ai déjà du sang plein les mains et on commencé il y a à peine quinze minutes ! On échange.
D'autres rangers s'approchent de nous. Albert alias Ken s'éloigne, sans baisser le t-shirt de Victoire. Elle s'agite pour le faire descendre, sans succès. Je crois qu'elle n'ose pas bouger ses bras, elle a peur pour Gabriel.
-T'as été trop propre. Regarde, ils sont presque indemnes. Toi et l'éléctricité ! Je préfère mon bon vieux couteau, si ça ne te dérange pas.
Pour joindre le geste à la parole, il fait glisser son couteau contre les parois métalliques de la pièce dans un grincement atroce. Enfin, toujours moins atroce que ce qu'il pourrait faire aux garçons avec.
Je sue. J'ai mal aux pieds, mes mollets tremblent, mais il est hors de question que j'envisage de poser mon pied. Les garçons ont déjà assez morflé. Je prends le relai.
-Vous êtes vraiment des hommes forts.
Je ne récolte qu'un regard désintéressé du dénommé Zack, en train de s'approcher de Victoire.
-Non, c'est vrai. S'y prendre à deux pour traumatiser quatre ados amnésiques et pucés. Vous êtes deux fois moins nombreux ! Franchement, respect.
Enfin, l'homme délaisse Victoire et se rapproche de moi. Elle m'adresse un regard dépité, l'air de dire que je vais prendre pour elle, et que c'est vraiment, mais vraiment très con. Il s'approche de moi m'ordonne de lever les bras, et se colle à moi. Il commence à remuer son bassin contre moi et je mobilise tout mon self-control pour ne pas l'étrangler.
-Ouvre les yeux !
C'est le deuxième bourreau. Je ne sais pas auxquels des deux garçons il s'adresse.
-Ordure !
C'est Gabriel.
Je ne peux pas savoir quand ils les blessent, l'homme est passé au couteau. C'est silencieux. Et les garçons font tout pour retenir leur cris. Ça me tue de ne pas savoir dans quel état ils sont.
Le gorille qui se frotte contre moi passe un doigt poisseux dans mon dos. Il remonte le long de ma colonne vertébrale, et noue mon t-shirt en haut, sur ma nuque. Il passe sa main sur mon ventre. Je sens son souffle putride dans mon cou. Je ne dois pas bouger. Je ne dois pas réagir. Rien. La soumission. Sa main suit ma cicatrice. Je baisse brièvement les yeux.
Ma marque est désormais souillée d'une traînée écarlate. Du sang. Son sang.
Je serre la mâchoire à m'en briser les dents.
Un cri perçant me traverse le cœur. Un cri rauque et déchirant. Marius vient de hurler à s'en déchirer l'âme. Je sursaute, l'homme ricane. Une larme solitaire, silencieuse m'échappe. Ils ne peuvent pas la voir, je leur tourne toujours le dos. Je me mords les joues pour faire taire les sanglots qui menacent d'inonder mes joues. Je ne peux pas leur montrer qu'ils ont gagné. Car ils vont perdre. On est toujours là, nous quatre, et on va s'en sortir. Un goût métallique m'envahit la bouche. J'y crois.
Les épaulettes du t-shirt me rentre dans la peau, pénètre ma chair, mais je ne sens plus rien. Je ferme les yeux et aperçois une petite flamme. C'est la flamme, notre flamme, à lui et moi.
L'homme me délaisse pour Victoire, et j'ai honte de laisser échapper un soupir de soulagement. Mes bras me brûlent, il faut que je les baisse. A peine ai-je commencé à baisser ma main qu'un ricanement sonore retentit.
-T'as gagné, petite garce ! On passe à l'étape supérieure.
Un claquement fend l'air d'un sifflement, avant de venir me mordre la peau du dos. Un fouet. Ils sont fous. Serre les dents, supporte ta douleur, pour eux Olympe, pour eux, merde !
-Stop ! Une voix rauque interrompt mon tortionnaire.
-T'es pas d'accord, le preux chevalier ? Ah c'est bête, je m'en balance.
-Ken ! Étape deux. Tiens toi prêt.
-Déjà ? On a même pas commencé !
A peine eut-il fini sa phrase qu'un flot d'images me traverse le cerveau. Je n'ai même pas le temps de comprendre que le mur blanc dans ma tête s'est réouvert, qu'il se referme aussitôt. Ma tête tourne, il faut que je m'asseoit.
Un sifflement claque juste à côté de mon oreille. Un liquide chaud se répand sur le côté de mon crâne, mais je suis trop étourdie pour me rendre compte de quoi que ce soit. Ce tourbillon d'images ressemble de près à celui d'hier. Je suis toujours face au mur, le corps étiré, le t-shirt relevé, souillée du sang de mes amis et un peu du mien, mais je sais quoi faire. Une brusque vague d'adrénaline déferle en moi, s'empare de chaque parcelle de mon corps. Le sang bat dans mes tempes, mes mains deviennent moites.
J'attends le bon moment pour bondir sur mon bourreau. Je lui immobilise facilement les poignets, le plaque au sol face contre à terre et lui enserre la nuque.
Étrangement, il ne se débat pas vraiment.
Je tourne la tête, m'attendant à voir le deuxième molosse me sauter dessus, ou pire, me tirer dessus, mais rien. Victoire a sauté en même temps que moi sur le dénommé Zack, l'a plaqué contre un mur, un bras sur son cou, l'autre tenant ses poignets.
Les garçons sont dans les vapes, au milieu d'une petite mare d'un liquide que je ne préfère pas identifier, sans doute un mélange de sang et d'urine. Je m'adresse à Vic, en lui désignant les gorilles.
-On fait quoi avec eux ?
-Je pense qu'il était prévu qu'on se révolte et qu'on se libère : ils ne sont que deux. Je suis prête à mettre ma main à couper qu'ils vont nous laisser repartir tranquillement vers notre studio-cellule.
-Comme hier.
Elle hoche la tête, pendant que je ligote mon gorille, qui ne se débat plus, comme l'avait prévu Victoire. Je me précipite sur Marius et lui défait ses liens, en essayant de ne pas appuyer sur ses blessures, ce qui rend la chose laborieuse, car il est couvert de plaies.
Il bat des cils, il ne faut pas qu'il s'évanouisse ! Il a perdu trop de sang, son pronostic vital est engagé.
-Fais pas ta princesse Marius ! C'est pas le moment, on va te soigner. Résiste encore un peu !
Il me sourit faiblement et hoche la tête. Victoire mène le même combat avec Gabriel juste à côté. Un des deux molosses ligotés s'adresse à moi.
-L'infirmerie. C'est la porte à côté, à gauche. Ils vous attendent.
J'acquiesce. "Ils" ? On va enfin rencontrer les responsables de ce massacre ? J'aurais deux mots à leur dire, à ceux-là !
J'essaye de faire glisser le corps poisseux de Marius sur mon épaule, sans succès. Mes muscles sont tendus par la fatigue, j'ai l'impression de ne même pas être capable de lever le bras, alors soulever Marius ! Victoire a réussi avec Gabriel. Je dois bien pouvoir le faire ! Allez, pour lui. Je compte jusqu'à trois dans ma tête avant de l'empoigner et de le faire rouler sur mon dos. Mes jambes tremblent, je n'ai pas le droit à l'erreur. Je ne pense pas qu'il résisterait à une chute dans cet état.
Je me traine avec difficulté hors de la pièce et guide Victoire vers ladite infirmerie, avant d'ouvrir la porte d'un grand coup de pied. C'est une pièce toute grise, avec deux femmes en blanc qui nous attendent, chacune une civière étendue devant elle.
Je dépose le plus délicatement possible le corps que je transporte, et lève la tête vers l'infirmière. Son visage fait partie du peu de choses qui me sont familières. J'écarquille aussi grand les yeux que mon état me le permet. Elle esquisse un sourire désolé. Que fait-elle ici ?
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