16.

Je suis submergée par tout ce qui jaillit de la muraille désormais brisée. Des dizaines, des centaines, des milliers de mots s'évadent de leur prison immaculée.

J'essaie dans lire certains, mais je ne les comprends pas. Ils sont dans une langue étrangère, j'en suis certaine.

J'ai le tournis. L'enceinte commence à se reformer.

Je regarde la muraille, qui se referme petit à petit. J'ai mal à la nuque, ça m'empêche de réfléchir. Je titube, il n'y a plus rien autour de moi.

Mon corps s'affale par terre. J'ai l'impression qu'un flux d'informations vient se nicher dans un recoin de mon cerveau, mais impossible de mettre la main dessus. De les ressortir, de les trier, de les comprendre. Comme si elles ne m'appartenaient pas, qu'il n'était pas en mon pouvoir de les mobiliser.

Je me relève, et cherche Marius. Il est juste à côté.

-Toi aussi ?

-Oui, je crois. Mais... je n'arrive pas à...

-Moi non plus, je le coupe.

-J'ai envie de retourner au studio. Avec les autres.

Je l'aide à se relever, et par je ne sais quel miracle, on parvient à sortir de la pièce tous seuls, et même à retrouver notre cellule commune.

On déambule seuls dans les corridors. On ne croise personne, personne ne nous parle, personne ne nous arrête. On ne songe même pas à s'enfuir. On est obsédé par notre cellule, on doit y retourner. Je ne pense à rien d'autre. J'ai presque oublié ce que nous venons de vivre, les parois qui se rapprochaient de nous, le sang du faux Marius sur mes mains, tout est relégué au second plan.

On est devant la porte de notre cellule, qui s'ouvre pour nous laisser y entrer. A peine a t-on franchit le seuil de la pièce, que tout me revient nettement.

-C'était quoi, ça ?

-Non lo so, è successo tutto in una volta....

J'écarquille les yeux. Marius m'a spontanément répondu dans une autre langue. Mais le plus étrange, c'est que je l'ai compris ! Qu'est-ce qu'ils viennent de nous faire ?

Il hausse les épaules, comme si il avait deviné ce que je comptais lui demander.

-Me demande plus rien, le génie. J'ai mon compte de découvertes et d'émotions pour un bon mois.

C'est vrai qu'il paraît extenué. Il s'est bien mieux sorti que moi de la deuxième épreuve, mais je suppose que c'était tout aussi éprouvant. Surtout qu'il a du enchaîner sur le sauvetage de la demoiselle en détresse.

-T'es chiant quand même, je réponds pour la forme.

- Au plaisir. Je préférais quand tu me trouvais mignon, mais je suppose qu'il faudra que j'attende qu'on soit à deux doigts de clamser pour avoir de si belles déclarations.

-Rappelle moi à quel moment j'ai été assez désespérée pour te dire ça.

Je lui ai quand même pas dit ça, si ? Je devais être vraiment perturbée. J'espère sincèrement qu'il plaisante et que je n'ai pas dit ça, ça serait affreusement gênant.

-Quand il a fallu craquer le code de l'ordinateur. Au fait, t'es rudement efficace face à un ordi, la limace.

Je lâche un discret soupir de soulagement. Il sait très bien que c'était de l'ironie, alors je ne prends même pas la peine de lui répondre.

- Au plaisir. Tu devrais montrer un peu plus de gratitude envers la personne qui t'as sauvé la vie. Mais bon, je ne t'en tiens pas rigueur, il te manque deux ou trois neurones pour comprendre. Où sont les deux énergumènes qui nous servent de colocataires ?

La voix malicieuse de Gabriel retentit dans la pièce.

-Tu vois Vic ! Je te l'avais dit.

Je me retourne et voit sa bouille malicieuse qui dépasse de la douche.

Marius leur jette un regard amusé.

-Mais qu'est-ce que vous foutiez là-dedans ? On dérange peut-être ?

Victoire s'extirpe à son tour de l'habitacle de la douche, et glisse un regard furibond à Gabi.

-Ce gamin m'a traînée de force là-dedans juste avant que vous n'arriviez.

Notre imagination fait le reste, Victoire n'a pas besoin de continuer. Gabriel glousse.

-Ah non ! C'est pas ce que vous croyez ! Il voulait vous faire peur ! Crétin, dit-elle en lui assénant une tape sur le crâne.

- Et elle omet un détail. Elle m'a forcée à rester là-dedans quand vous avez commencé à vous chamailler. Elle était persuadée que vous alliez

-Nous trouver tout seuls, finit Vic en faisant les gros yeux au blond.

Je n'ai jamais été aussi contente de voir quelqu'un. Ils sont là, il est là, je suis là, tout le monde est là. Ça paraît presque trop beau pour être vrai.

Un gloussement suraigü m'échappe.

-Je suis trop contente. Regardez, on est tous là !

Je saute dans les bras de Vic, qui lève les yeux aux ciels avant de me serrer plus fort.

Les lèvres de Gabriel s'étire en un sourire machiavélique, avant que son bras ne choppe celui de Marius, qui tentait de s'éclipser en douce.

-Oh oui ! Marius, la vie est géniale, se moque t-il de moi, en imitant ma voix d'une manière totalement ridicule. Embrasse-moi pour la peine. Allez !

Il tend les lèvres vers Marius, qui le regarde d'un air mi- dégoûté, mi- amusé.

Il se penche à son oreille et murmure quelque chose, qui amuse le brun le temps d'une seconde, avant qu'il ne tourne les talons, sans doute lassé des gamineries de Gabi. Il lui répond tout de même.

-Mon pauvre vieux, ça ne s'arrange pas pour toi ! Concentre toi sur toi, ça serait déjà pas mal. On en rediscute après, quant tu pourras crier victoire.

Oh, je n'aime pas ça, j'ai bien l'impression que Gabriel lui parlait de Je vais le tuer. Maintenant.

-Gabriel, viens-là mon chou. J'ai un truc à te dire.

Il ramène son popotin près de moi en moins de deux secondes. C'est le "mon chou". Arme infaillible. Même Marius s'est retourné, sans doute étonné de me voir employer un tel surnom. Je lui fait un discret clin d'il avant de me pencher vers l'oreille de Gabriel.

-Même pas en rêve, trésor. Arrête ça tout de suite, tu fais fausse route.

Je souffle discrètement dans son cou, il frissonne. J'effleure sa peau légèrement hâlée de mes lèvres.

-Je suis pas très garçon. D'ailleurs Victoire. Tu crois qu'elle ?

J'ai largué ma bombe. Il relève le visage vers moi. Il est blanc comme un linge, le pauvre ! Je lui ai parlé de sa Victoire. C'est déloyal, je sais, mais je sens qu'il ne nous aurait pas lâchés sinon.

J'avoue que je suis plutôt fière de mon coup. C'est le sourire victorieux que j'esquisse qui me trahit. Que voulez-vous, je n'ai pas la manipulation dans le sang !

Gabriel hausse les sourcils.

-Bien joué, ma belle. J'ai failli y croire.

Il me serre la main. Je lui adresse un sourire innocent.

-On est quittes ?

- Tu peux toujours courir ! me répond t-il, en s'approchant cahin-caha de Marius.

- Je peux me doucher ? demande Victoire. On discutera de notre journée après, en mangeant.

Gabriel se retourne vers elle.

-C'est une invitation ? dit-il, l'air faussement blasé.

-Ouais ouais, c'est ça. Victoire me supplie du regard de faire sortir les garçons de la pièce. J'attrape Gabriel par le bras. Il se dégage, et proteste.

-Désolé ma belle, nous deux se sera pour une autre fois. Je suis invité là.

Je soupire. Il devient lourd là. Marius a déjà quitté la pièce. Victoire fusille Gabriel du regard, et il tourne aussitôt les talons, dépité.

-Ah, ces femmes ! Elles me tueront un jour.

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