•} Jour 1 {•

Mardi 14 janvier 2025

Six ans déjà. Le temps passe si vite. Je pensais que la douleur s'atténuerait au fil des années, mais non. La plaie est aussi fraîche qu'il y a six ans, la douleur aussi vive.

Je ne suis pas allée travailler aujourd'hui. J'ai écrit à l'administration pour dire que je suis malade. En soit, ce n'est pas faux. Je suis malade du cœur. Malade de l'âme. Ils devraient nous donner quelques jours de congé pour pleurer nos morts, parfois.

Je suis allée la voir. J'ai pris le train jusqu'à Lyon, puis la voiture pour aller à Chaley, le petit village où nous habitions. Comme chaque année, j'ai été assaillie par les souvenirs. Chaque maison, chaque rue, chaque arbre me rappelle sa présence, ou plutôt son absence. Les gens ont changé. J'ai reconnu d'anciens camarades, mais si peu. Tout le monde part en ville.

Je n'ai salué personne. Personne ne m'a saluée. Et pourtant, je sais qu'ils m'ont vue, vue et reconnue. Mais c'est comme ça chaque fois que je reviens : pour eux, je suis un fantôme. Une ombre. Un souvenir. Parfois, j'ai presque l'impression de faire partie du folklore de ce village. Depuis sa mort, je suis passée au rang de légende, que ce soit celle de la reine déchue ou de l'ange aux ailes brisées. On me craint.

Je n'étais pas seule au cimetière. Il y avait un jeune couple, pas beaucoup plus vieux que moi, qui pleuraient près d'une tombe fraîche, enlacés comme pour se raccrocher à quelque chose de tangible. Au moins, eux, ils sont ensemble. Je ne suis pas restée longtemps. Juste le temps de poser quelques fleurs sur sa tombe – les roses, ses fleurs préférées – et de la saluer. J'ai effleuré du bout des doigts son nom, gravé dans le marbre comme une promesse d'éternité. Je n'ai pas pleuré. Je crois que je n'ai plus de larmes.

Je suis partie, le couple était toujours agenouillé sur la terre encore fraîche. Ils m'ont ignorée, mais je ne pense pas que ce soit volontaire. En franchissant les grilles, j'ai eu l'impression que je laissais un morceau de mon cœur dans les allées de tombes blanches. Pour la sixième fois, je me suis retenue de m'enfuir en courant.

J'ai repris la voiture jusqu'à Lyon, le train jusqu'à Angers. Loin. Si loin d'elle. Si loin des souvenirs. Sans doute cela vaut-il mieux. Pour moi. Pour elle. Pour les autres.

Je n'ai pas mangé. J'avais le ventre trop noué pour ça.

Demain, ma vie reprendra comme avant. Je retournerai donner mes cours, avec la douleur à mes côtés qui me suit partout comme une vieille amie. Je voudrais dire que je me suis habituée à sa présence. Mais peut-on vraiment s'habituer à une telle souffrance ?

***

Alors ? Que pensez-vous de ce premier chapitre ? Des remarques, des questions ? Je publierai tous les jours à 17h (ou vers 17h si j'oublie de programmer) mais pour l'instant je n'ai que trois chapitres sur ordi et le reste est dans un cahier. En tout cas, ne vous inquiétez pas, ils viendront !

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