Chapitre 2

La Casa del Padrino était un lieu terriblement intimidant.

Il suffisait d'y passer quelques secondes pour sentir la lourdeur de l'atmosphère. L'endroit était d'un calme que seul le cliquetis des armes troublait de temps en temps. Les hommes et femmes qui en longeait les couloirs avançaient à pas de loup, à la façon de statues. Chacun avait une place et un rôle précis, et chacun s'y conformait.

On sentait que l'œil aiguisé du Parrain lui permettait de guetter le moindre mouvement. Les visiteurs avaient l'impression d'être constamment épié de toute part. Les caméras à chaque deux mètres y étaient probablement pour quelque chose.

Nul n'osait y poser pied sans l'invitation du maitre des lieux. Quelques idiots en avaient eu l'idée, mais leur mort brutal avait suffi à dissuader leurs successeurs d'en faire de même.

C'était le cœur battant du monde criminel, le centre de commandement, là où toutes les décisions capitales étaient prises. Amaris y était venue à plusieurs reprises pour assister aux grandes réunions aux côtés de ses parents, et plus récemment seule.

Traverser ces couloirs donnerait des frissons à n'importe qui, mais la chair de poule qu'elle venait avoir était due à une toute autre raison : Elle attendait impatiemment le moment où ce serait elle qui résidait ici. L'excitation et l'adrénaline prenait le contrôle. Elle n'avait jamais rien désiré plus que de devenir la Marraine, et quand Amaris désirait quelque chose, rien ne l'arrêtait.

Arrivée au dernier détour avant le bureau du parrain, elle tourna à droite, sa main tremblant dans la poche de son pantalon de tailleur. Son autre main tirait sur les bretelles larges qui y était attachées. Elle ferma ses yeux, poussa un soupir pour se donner contenance, ravala le rictus arrogant qui étirait ses lèvres et s'apprêta à signaler sa présence.

Quand elle les rouvrit, son cœur manqua de louper un battement et l'air se chargea d'électricité.

Berkay Fulmen était là. Aussi imposant et agaçant que toujours. Et elle qui était aux anges après l'invitation du Parrain.

Ils n'avaient pas échangé depuis leur dernière rencontre

-"Mais qui voilà ! Ma chère Perséphone."

Elle ne se laissa pas leurrer par sa fausse affection.

-"Tes surnoms de merde, tu peux te les foutre là où je pense."

-"Ah, cette douceur légendaire, la raison principale qui me donne envie de te pendre par les entrailles !"

-"Crois-moi, le sentiment est réciproque."

-"Qu'est-ce que tu fous ici ? Tu es décidée à rendre chaque seconde de ma vie misérable ?"

-"On se croise une fois par mois pour les compte-rendu mensuels. Arrête de dramatiser deux secondes. A moins que tu ne sois si obsédé par ma personne que tu penses constamment à moi ?"

Il fit un pas avant, le tissu de sa chemise s'étirant quand il inspira une bouffée da sa cigarette pour la lui souffler au visage.

-"Ce à quoi je pense en permanence, c'est l'expression sur ton visage quand le parrain annoncera que c'est de moi qu'il compte faire son héritier."

-"Tu fais bien d'y penser, car la seule fois où tu la verras est en rêve."

Et elle se détourna de lui, ses prunelles se posant sur le garde à l'entrée du bureau pour lui signaler de faire part de sa présence au parrain.

Quand elle pénétra dans la pièce et que le maitre des lieux signala au brun d'entrer aussi, elle manqua de s'étouffer avec sa salive. Qu'est-ce qu'il leur voulait à eux deux ?

Il les accueillit les bras grands ouverts avec un sourire éclatant. Impossible de se douter du pouvoir titanesque qu'il détenait dans la paume de sa main.

-"Mes enfants. J'ai à vous parler."

Si la simple vue de Berkay ne lui donnait pas envie de vomir, elle aurait échanger volontiers un regard inquiet avec lui. Amaris aurait aimé avoir Roberto à ses côtés en ce moment où l'excitation avait laissé place à l'appréhension, mais l'invitation lui était clairement adressée à elle, et à nul autre personne.

-"Je ne vous apprends rien en vous disant que vous êtes les deux favoris pour me succéder. Amaris Occisor : Héritière d'une famille d'assassins d'élite et au contrôle du marché d'armes. Tu as un pouvoir immense et tu as prouvé être à la hauteur de cette possession. Tu es maligne, ambitieuse et déterminée."énuméra le sexagénaire, "Berkay Fullmen, tu supervises le réseau de piraterie au plan mondiale et le détournement de fonds est la spécialité de ta famille. Tu as la fougue, la ruse et la volonté de prendre des risques. Vous êtes tous les deux des profils très intéressants. Plus que les autres candidats en tout cas."

Amaris ne comprenait rien. Tout ceci, ils le savaient déjà. A quoi bon le leur répéter ?

-"Cependant, je ne peux choisir aucun de vous deux pour prendre ma relève."

Cette phrase eut l'effet d'un coup de poing dans le ventre et malgré son choc, Amaris devait avouer que la gueule que tirait Berkay à l'entente de cette conclusion innatendue rendait ces mots plus simples à digérer.

-"Et... pourquoi ?"articula difficilement le brun.

-"Car quel que soit la personne d'entre vous que je choisis pour me succéder, il devra coopérer avec l'autre. Chacun de vous détient assez de pouvoirs pour ne se soumettre à personne, même un parrain. Ou du moins, vous évoluez en des mafieux qui pourront se libérer de mon emprise. Si l'un de vous prend ma place mais qu'il ne parvient pas à travailler avec l'autre, qu'est-ce qui m'assure que ça ne tournera pas en un champ de bataille."

-"Mais nous sommes capables d'être plus ou moins civiles en présence de l'autre ! Ce n'est pas-"

Un regard noir du parrain suffit pour figer Amaris sur place.

-"Cependant, je vous apprécie beaucoup. Donc je veux bien vous donner une seconde chance pour agir en adultes matures. Vous aurez une mission, tous les deux. Un homme à tuer. Faites le et vous serez à nouveau les favoris. Échouez et vous perdrez tout. Vous pouvez disposer."

Le cerveau d'Amaris tentait encore de tout assimiler quand on lui claqua la porte au nez et que Berkay, aussi sonné qu'elle, prit la parole.

-"On va devoir... bosser... ensemble ?"

-"Putain..."souffla t-elle en contrôlant son envie de casser quelque chose.

-"Non non, c'est pas possible. Il se fout de notre gueule."

-"Surtout ne te retiens pas. Pars le lui dire en face pour qu'il te bute et que je me débarrasse enfin de toi!"grogna t-elle en tournant les talons et se dirigeant vers la porte.

-"Comme si j'allais te faire ce plaisir. Parce que toi, ça te plait de coopérer avec moi ? MOI ? Berkay Fullmen ?"lanca t-elle en lui enjambant le pas.

-"ce n'est pas ce qu'on allait faire pour ruiner la relation d'Ewan et d'Oriel ?"

-"Là on va devoir tuer un homme ! Ça veut dire qu'on devra se faire confiance ! Tu vas devoir assurer mes arrièreset je devrais en faire de même !"

-"Ah, j'ai oublié que tu avais un problème avec les concepts de confiance et de loyauté."cracha t-elle en continuant à aller tout droit, ne posant pas ses yeux sur lui une seule seconde, comme si sa vue la dégoûtait. Ce qui était le cas.

Il la fusilla du regard et l'attrapa par le bras pour la forcer à lui faire face.

-"Si tu n'enlève pas tes sales doigts de mon bras, je vais te les couper et te les faire bouffer un par un."

Aussi remonté qu'elle, Berkay ne la lâcha pas sur le champ, et quand il le fit, il s'empressa de la désigner d'un doigt accusateur.

-"Ne mélange pas les choses."

-"L'idée de travailler avec toi, ne m'enchante pas, mais à moins que l'un de nous ne bouge son cul pour aller contester, on n'a aucun autre choix. Je ne sais pas pour toi, mais je tiens trop à la vie. Alors on va s'empresser de buter ce connard, où qu'il soit, on foutera le mariage des deux autres en l'air, et on recommencera à se détester."

Il se passa une main sur le visage et il lui tourna le dos pour soupirer lourdement. Le regard de la jeune femme tomba sur sa nuque, normalement cachée par ses boucles au son bandana. À la base, un petit tatouage, presque imperceptible. Elle ne laissa pas ses yeux s'attarder assez longtemps dessus pour en dessiner les contours, comme si cela le ferait disparaître, lui et tout ce qu'il représentait.

-"D'accord. Je passe à la Casa Blanca pour en discuter demain."

Elle hocha la tête distraitement et s'en alla.

Au volant de sa voiture, ses pensées convergèrent dans tous les sens.

Amaris devant en finir avec ces histoires aussi vite que possible et reprendre ses distances. Elle devait sur concentrer sur l'empire qu'elle batissait, pas sur une stupide rivalité.

Et un nouveau chapitre ! Des avis ? Des remarques ? Dites moi tout !

~Caporal Neko

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