07

Méduse n'était plus. Sa tête était retombée au pied de Persée qui s'empressa de fermer les yeux de la gorgone pour s'éviter le même sort que Eleon. Il était juste en face, épée au-dessus de lui, faisant diversion pendant que Persée s'occupait de porter le coup final, par terre, gisait le corps inerte de la gorgone. Quelques larmes glissèrent sur son visage qu'elle ne chercha même pas à faire disparaître. Perdu dans ses pensées, un hennissement la ramena à la réalité. Un majestueux cheval ailé se dessinait devant elle, issu du sang qu'avait perdu Méduse.

— Tu dois être la progéniture de Poséidon et Méduse et ce qui coûta à ta mère sa malédiction..., chuchota-t-elle.

Persée s'approcha doucement, évitant tout geste brusque afin de ne pas effrayer l'animal devant elle. Il était magnifique, aussi noir que la nuit et n'avait pas l'air sauvage. Quand elle tendit une main vers lui, ce dernier s'avança, la laissant le caresser.

— Pégase, t'en penses quoi comme nom ? lui demanda-t-elle.

Pour réponse, elle eut un hennissement qui semblait s'approcher d'une affirmation. Dans le sac qu'ils avaient emporté, elle plaça correctement la tête de Méduse sans oublier de reprendre le bouclier. Elle lança un dernier regard en la direction de Eleon avant de quitter la grotte et reprendre le chemin inverse.

Elle devait faire vite, le délai que les Grées lui avaient annoncé avant la destruction du palais et des alentours arrivait bientôt à échéance. Heureusement, Pégase lui sauva la mise, lui permettant de s'installer sur lui pour faire le chemin retour.

— Dommage qu'on ne t'ai pas eu plutôt, ça nous aurait évité ces longues journées de marches..., supposa-t-elle tandis que l'animal fendait les airs avec vitesse et grâce.

Aussi haut dans le ciel, elle dominait tout. Elle n'était plus cette jeune fille recueillie gamine par la famille royale pour devenir leur domestique. C'était comme si elle était la reine. Elle profitait de cette liberté que lui procurait Pégase, évitant de repenser à Eleon qu'elle ne reverra plus jamais. Elle devait se l'avouer, elle s'était attachée à lui durant cette quête et elle aurait préféré qu'il ne se sacrifie pas afin qu'elle puisse repartir saine et sauve secourir la princesse et le peuple. Elle s'était même demandé si un moyen n'existait pas pour délivrer tous ces êtres transformés en statue par un simple regard. Au loin, elle pouvait reconnaître Atlas qui ne semblait toujours pas la porter dans son cœur et qui lui faisait de la peine.

Son voyage retour se fit si rapidement qu'elle n'en revenait pas. Elle était partie il y a de cela presque deux semaines à pied, et en seulement un battement d'aile, elle se retrouvait là, chez elle, devant le palais. La foule s'affolait pendant que les eaux se déchaînaient encore plus. Les cieux bien que toujours sombres, semblaient laisser entrevoir une mince éclaircie. Comme si Zeus faisait un signe à sa fille qui s'empressa de remercier Pégase et de rejoindre le palais afin de trouver le roi sans oublier le sac où se trouvait la raison de son départ.

C'était actuellement une panique sans nom. Entre ceux qui ne souhaitaient qu'une chose : le sacrifice de la princesse et les autres qui la défendaient, le chaos régnait, faisant très certainement plaisir à Hadès qui devait se délecter de ce magnifique spectacle dans son royaume que sont les Enfers. Persée se faufila du mieux qu'elle le pouvait à travers la population qui ne semblait pas lui porter plus d'attention que cela. Instinctivement, elle se rendit dans la grande salle, lieu où elle servait avant tout les jours les repas, mais surtout lieu qui lui permit de prouver qu'une femme était aussi bien capable de résoudre une quête.

— Quand est-ce que vous accepterez que la gamine soit morte et que la seule et unique solution est le sacrifice de votre fille ? s'énerva le chef des armées.
— Désolé de vous décevoir, mais je suis bien en vie.

La jeune fille avait ouvert les portes sans grandes discrétions, interrompant net la discussion, du moins les reproches du chef envers le roi. D'ailleurs, ce dernier semblait voir rouge en voyant la demoiselle se tenir face à lui en chair et en os, bien que de nombreuses blessures étaient voyantes sur son corps, signe que la mission n'avait pas été si simple. Cèpheus, quant à lui, esquissa un sourire. Il avait eut raison de faire confiance en cette simple domestique. D'ailleurs, il sut reconnaître que, contrairement à ce que son père ou encore son grand-père avaient pu lu raconter, les femmes étaient tout aussi apte à sa battre, du moins celles qui se trouvaient la force et le courage.

— Où se trouve Andromède ? Je ne te le redemanderai pas mon vieil ami, s'impatienta le roi.
— Là où se trouve sa place, cracha le chef. Sacrifier comme cet endroit qui ne devient que l'ombre d'elle-même. Vous ne vous rendez même pas compte ! Vous avez envoyé une femme, qui plus est encore qu'une gamine, se battre ! Ce n'est pas leur rôle. Si j'étais à votre place, elle n'aurait même pas eu l'occasion de dire un seul mot sans risquer le bannissement.
— Ose-tu avouer qu'en sacrifiant ma fille, tu souhaitait également provoquer un coup d'état ?

Autour du roi s'éleva une aura noire qui pouvait faire pâlir plus d'une personne. Persée, cependant, ne broncha pas. Restant là, à observer la scène. Elle savait que le moment n'était pas venu encore pour intervenir, mais qu'il n'allait pas tarder à arriver.

— De toute manière, vous ne pouvez rien contre moi.

Comme pour appuyer ses propos, le chef fit un simple geste afin de commander ses troupes. Certains ne semblaient pas convaincus, comme si c'était le mauvais chemin à emprunter. D'autres n'hésitèrent pas, suivant les ordres de leur supérieur, s'emparant ainsi du roi qui ne pût réagir sous la rapidité de l'exécution.

— Bien, maintenant, c'est moi qui régnerai ici, et la ville se portera beaucoup mieux ! Dégage gamine, ton compte arrivera mais avant je dois donner la princesse à Poséidon.

Persée ne bougea point. La tête haute, ses yeux bleus auraient pu lancer des éclairs si elle en avait la capacité. Le chef hésita un instant à reculer, mais repris bien vite ses esprits. Ce n'était pas pour rien qu'il était à la tête de l'armée. Une pauvre gamine ne pouvait donc rien contre lui.

— Je ne te le redemanderai pas, bouge ou tu seras aussi sacrifiée en même temps que ta...

Il ne finira jamais sa phrase, pétrifié en regardant dans les yeux le regard envoûtant de Méduse. Persée soupira de soulagement en voyant que bien que morte, elle pouvait toujours transformer les êtres en statue.

— Que quiconque tente quelque chose contre le roi, connaîtra le même sort que lui, clama-t-elle.

Les soldats qui encerclaient le roi le libérèrent. Ils n'étaient pas assez fous pour risquer de subir une malédiction. La demi-déesse approuva leur changement de camp. Cependant, elle ne pouvait pas se reposer. Andromède n'était pas encore sauvée. Il fallait qu'elle la trouve au plus vite avant que le drame ne se produise. Des clameurs s'élevaient à l'extérieur du palais. La princesse était attachée, face aux vagues plus déchaînées que jamais. Au loin, on pouvait sentir comme un tremblement de terre. Le monstre de Poséidon n'était plus très loin. Elle devait agir vite sinon tous ses efforts auront été vains.

Quittant d'un pas vif la pièce, espérant trouver Pégase là où elle l'avait laissé afin de rejoindre l'opposé du palais. Evidemment, les mouvements de foules ne s'étaient pas interrompus, ralentissant au maximum sa course alors qu'elle jurait, maudissant tout ce qui lui venait à l'instant présent. Heureusement, une fois à l'extérieur, elle le trouva alors qu'il hennissait à sa vue. S'installant précipitamment et tenant précieusement la tête de Méduse, elle donna le départ au cheval ailé pour qu'il l'amène vers la mer.

Face à elle, Poséidon lança l'attaque. Un kraken sortit des eaux. Immense. Il faisait pratiquement la taille d'une île. A lui tout seul, il aurait la capacité de raser toute la cité. Cependant, la seule et unique chose qui occupait son attention actuellement n'était autre que Andromède, attachée par quelques partisans du chef des armées. Elle ne pouvait qu'observer le spectacle, attendant le coup final. Le sang de Persée ne fit qu'un tour. La fille de Zeus ne laisserait pas se monstre lui faire du mal. Pégase fendit une nouvelle fois l'air, provoquant une bourrasque derrière eux. En un temps record, elle faisait face au monstre qui ressemblait beaucoup à un calamar géant.

— A nous deux mon grand !

Alors que le kraken n'était plus très loin de l'héritière du trône, la châtain brandit Méduse face à la mer tout en attirant l'attention de son adversaire qui, en ne détournant que légèrement les yeux, fut pétrifié sous les regards apeurés de la population. Persée s'empressa de délivrée son amie. Les yeux toujours fermées, elle n'osait pas les réouvrit. Elle tremblait de tout son corps, encore effrayé par cet évènement. Elle se laissa tomber dans les bras de sa professeure d'arme, ne retenant plus ses larmes qui dévalèrent son magnifique visage.

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