case 8
-Ça va, Lils ? T'as l'air au bout de ta vie, là.
-Tu m'étouffes de compliment, Jonas, vas-y doucement.
Il pouffe de rire.
-T'es de repos dans deux jours. Courage, soldat.
Elle acquiesce et reprend son travail. Il a beau être son collègue préféré, elle ne veut pas lui donner la vraie raison de sa petite mine aujourd'hui.
Elle ne peut pas admettre devant lui qu'elle est déçue parce qu'Esteban Ocon n'est pas venu faire des achats chez Action aujourd'hui.
Il ne veut pas l'entendre à nouveau se moquer d'elle et son intérêt pour lui. Il ne veut pas l'entendre se moquer d'elle parce qu'elle est triste qu'un client ne vienne pas pour le quatrième jour de suite. Elle ne veut pas l'entendre se moquer tout court. Pas parce qu'elle n'aime pas les moqueries–c'est un peu leur love language, avec Jonas, toujours se moquer l'un de l'autre—mais parce que ce serait admettre toute cette situation.
Elle n'est pas forcément fière de ce sentiment. Elle ne s'est pas levée ce matin en attendant sa venue, n'abusons pas. Mais à mesure que la journée passait, elle le cherchait dans les allées, dans les clients qui passaient en caisse. Elle ne l'a pas vu. Elle a essayé de se rassurer en se disant que, peut-être, elle était simplement occupée lors de son passage, alors elle avait subtilement mis le sujet sur le tapis. Elle avait profité de croiser Servane et Jonas au rayon vaisselle pour sortir son meilleur jeu d'actrice.
-Demain, c'est la livraison, souffle-t-elle, un peu pour parler d'Esteban et beaucoup pour se plaindre, en vérité.
-M'en parle pas, marmonne Servane, et Jonas fait la moue.
-Ouais, bah, on va encore passer la matinée dans les rayons. Au moins, tu pourras donner ses perles à Esteban. Il est pas venu, aujourd'hui ?
Jonas voyait tout et tout le monde dans le magasin. S'il ne l'avait pas vu, personne ne l'avait vu. C'est comme ça que Lilas a eu confirmation de son absence aujourd'hui dans le magasin.
-Oh, tu nous casses la tête avec ton pilote de moto, Jonas, on le connaît pas, nous.
-C'est un pilote de Formule 1, Servane ! Tu l'as vu, Lils ?
-Non, pas vu, répond-elle rapidement avant de s'éloigner pour prétendre remettre en ordre l'espace des bols, empêchant Jonas de poursuivre toute conversation.
Il hausse simplement les épaules.
-En même temps, il va pas venir tous les jours.
Lilas s'empêche de rétorquer que si, il l'a bien fait jusqu'à aujourd'hui, donc il aurait pu continuer, mais elle secoue la tête et disparaît.
Depuis, elle erre dans le magasin comme l'ombre d'elle-même. Il sera là demain, c'est certain, puisqu'il a ses perles à récupérer. Mais après ? Elle ne le verrait plus jamais. Elle a développé un crush basé sur l'information qu'il était gentil, qu'il avait donné le paquet de perles qui lui appartenait presque à une femme alors qu'il le voulait aussi. Elle a développé un crush sur un sourire et un rire.
-T'as compté ta caisse ?
Lilas secoue la tête, et Jonas lui tend un paquet de Duplo accompagné de deux pièces de deux euros.
-J'ai pas la monnaie, déso.
Elle hausse les épaules et récupère les pièces qu'elle doit lui rendre dans la caisse.
-Tu manges ça, toi ? demande-t-elle en lui rendant les pièces, et il les fourre dans sa poche avant de lui tendre le paquet.
-C'est pour toi. Je vois bien que ça va pas trop en ce moment. Je crois que c'est un truc pas mal pour ton moral.
Elle rit.
-Merci, Jo. Je vais les savourer.
En se glissant dans son lit, quelques heures plus tard, Lilas est reconnaissante d'avoir des collègues comme ça. Sans eux, elle sait qu'elle aurait déjà sombré.
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