case 2
-Lilas, il faut que tu passes en caisse, s'il-te-plaît.
La jeune femme fronce les sourcils en sortant la tête du carton plein de guirlandes qu'elle est occupée à déballer pour apercevoir Fatima, sa cheffe.
-Je termine pas mon rayon ?
-Non, Jonas va s'en occuper.
Lilas hausse les épaules.
-D'accord.
La demande ne l'étonne pas : Jonas, le collègue avec lequel elle s'entend le mieux, a encore des difficultés en caisse. Pas pour scanner les articles, mais plutôt dans le relationnel avec les clients. Cela fait toujours rire Lilas, mais Fatima, elle, ne trouve pas ça très drôle.
-Tu penses vraiment que les gens ne viennent plus parce qu'ils se sont disputés avec Jonas à la caisse ? Lilas lui avait demandé une fois, et Fatima avait haussé un sourcil.
-Bien sûr que oui, Lilas.
-Mais les prix valent plus le coup qu'un désaccord avec le caissier.
-La plupart reviennent, mais on perd quand même du monde. Et on ne veut pas perdre de monde. Pour l'instant, on ne laisse pas Jonas seul en caisse, noté ?
Elle avait acquiescé, et comme aujourd'hui, avait été couvrir son service. Elle, elle aimait mieux être en caisse, de toute façon. Ça lui cassait moins son dos que de ranger et remplir les rayons, et aucun client ne venait lui hurler dessus pour des ruptures de stock dont elle n'était pas coupable.
Elle aimait bien observer les achats des clients et décider dans sa tête si elle aussi, elle avait envie d'acheter l'article. Elle finit toujours par se demander comment elle en est arrivée là. Un job étudiant qui est devenu un CDI de 35 h après plusieurs années. Pour dépanner au début, puis définitivement.
-Bonjour, c'est pour un remboursement.
Lilas sourit et abandonne la file de sa caisse pour s'en occuper. La personne est polie, c'est généralement le cas quand c'est pour ce genre de situation qu'on s'adresse à elle. D'habitude, les clients de la caisse rechignent d'être mis en pause, mais elle n'a pas le choix : la caisse 1 fonctionne comme ça. Aujourd'hui, personne ne dit rien, peut-être parce qu'elle ne met finalement pas beaucoup de temps.
Le reste de sa journée se déroule plutôt calmement, comme si l'univers voulait se faire pardonner l'altercation ayant eu lieu plus tôt dans la journée. Lilas soupire en y repensant. Souvent, en rayon, les gens ne sont pas forcément polis pour demander à ce que du stock soit remis, mais en ce moment, les perles provoquent des réactions vives. Il ne passe pas une journée sans que quelqu'un vienne se plaindre du rayon décimé. Aucun autre article n'a provoqué ça, pas même les couvertures lestées que les clients se sont arrachées : même lorsque les stocks étaient réduits à néant, tout le monde restait courtois.
Quand elle le mentionna à Jonas, quelques minutes avant la fermeture, il haussa les épaules.
-Ouais, c'est la mode, en ce moment.
-Mais ce sont des perles.
-Des perles pas chers. On est les moins chers du marché sur ce coup-là.
-Mais pour les décorations de Noël aussi. Pour à peu près tout, en fait.
-Les gens deviennent dingues dès que ça touche à leurs gosses.
Lilas se fit la remarque que c'était très vrai.
-Tu t'es fait engueuler par combien de clients sur le sujet, aujourd'hui ? demanda-t-il, et elle soupire.
-Trois.
Il rit.
-Petite joueuse. C'est parce que tu es passée en caisse au moment où le rayon était vide. Quelqu'un est même venu m'engueuler alors que j'étais en train d'organiser le rayon bonbons...c'est-à-dire, à l'autre bout du magasin.
-Notre vie, c'est vraiment de se faire engueuler.
Jonas hausse les épaules.
-Ouais, on peut dire ça.
Elle soupire, et ils se disent au revoir, partant chacun rejoindre leur voiture pour rentrer chez eux. Lilas ne rêve que d'être dans son lit, loin de tous ces clients et de cette absence de perles.
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