XVII : Je suis un oiseau de feu, et aucun filet ne m'enveloppe
Hermione souriait toujours lorsque le sommeil finit par la gagner ; il lui semblait qu'elle était un âtre abritant en son sein un brasier crépitant. Ses camarades étaient déjà endormies lorsqu'elle avait poussé la porte de son dortoir, leurs respirations régulières marquant des temps paresseux ; aussi avait-elle pu laisser libre cours à la joie incontrôlable, qui la transperçait, qui la brûlait, irradiant de la moindre fibre de son être ! Quoique, elles auraient été présentes que cela n'aurait pas changé grand-chose. Elle se sentait plus légère, maintenant délestée du poids infernal que représente le regard du monde ; plus libre. Oui, c'était bien cela : libre ! Libre de danser au lieu de simplement marcher, de saluer avec emphase les portraits suspendus jusqu'en haut des murs parés de tapisseries écarlates, de virevolter seule au milieu des tapis si cela lui chantait ! Comme c'était agréable, et terrifiant à la fois, quand elle commençait à penser à tout ce qu'elle pourrait accomplir en étant ainsi affranchie de ces chaînes, de ces entraves scrutatrices, qui lui envoyaient jadis les flèches de leurs mesquineries ! Elle était protégée, maintenant ; son cœur avait fait l'acquisition d'un bouclier indestructible.
Tout était possible en cet instant de grâce ; et la lueur des bougies reflétait l'ombre mobile de sa silhouette tournoyante. Comme elle était heureuse ! Et comme elle était belle, ainsi allégée des rides inquiètes qui craquelaient habituellement son front, débarrassée des angoisses quotidiennes qui alourdissaient ses épaules, son pas, sa vie ! Elle touchait, du bout de sa chevelure voletant aux quatre vents, une vérité immense, infinie ; elle valsait avec son âme délivrée, sur une musique qui ne résonnait qu'en elle, au seul rythme des battements de son cœur. Les autres, le monde, plus rien n'existait alors ; il ne restait qu'elle, ses rires volatiles de jeune femme affranchie, et une transcendance qui accompagnait chacun de ses mouvements joyeux. Le temps n'existait plus ; ou plutôt, il avait ouvert un de ses rares lambeaux qui n'existaient qu'une seule fois dans les vies ; les minutes n'étaient plus égrenées, les aiguilles n'avançaient plus. Cet instant n'appartenait qu'à elle. Peut-être était-il minuit ; peut-être qu'un peu de la journée flamboyante qu'elle venait de vivre subsistait encore. Mais sûrement avait-elle dix-neuf ans maintenant ; ou alors une cendre rougeoyante du feu bientôt éteint de sa dix-huitième année se consumait encore.
Peu importait ; un flou qui portait la marque de l'infini entourait ce moment hors du temps.
Hermione sentait son corps palpiter de joie, comme s'il avait été mis lui aussi dans la confidence. Chaque partie d'elle-même était réconciliée avec les autres ; son cœur se réconciliait avec son esprit si raisonnable ; son corps, renonçant à son rôle maussade de simple enveloppe, accueillait avec des gentillesses d'hôte empressé son âme enflammée. Tout se mettait en place et tout coïncidait.
L'Univers entier se faisait lumière, comme pour lui offrir le plus somptueux des cadeaux d'anniversaire.
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