Je suis assisse dans un fauteuil à mémoire qui épouse mon corps. Il émet de faibles vibrations qui le dénoue et me détendent. Je garde les yeux fermés pour profiter pleinement de cet instant. Une main se pose délicatement sur mon épaule et quelqu'un se frotte contre mon cou. Son odeur me frappe les narines. Cela fait plus de 400 révolutions que nous partageons des instants de grande complicité... Arshan mon aimé.

- Es-tu prête ma douce ? Me susurre-t-il.

Il me contourne et s'arrête devant moi. Il est grand et mince. sa fourrure, d'un blanc immaculé, se confond presque avec son uniforme. Il me tend la main et m'aide à me lever. Nous nous dirigeons vers son laboratoire. Il m'a demandé d'être sa cobaye. Il espère tant résoudre le problème de fertilité de notre race. Il y a si longtemps que nous voulons avoir un enfant. J'ai presque perdu espoir. Mais si lui n'y arrive pas, nul n'y parviendra il est prévu qu'il me prélève un millier de cellules en tout genre et qu'il les teste pour créer un mutant fertile...il me regarde avant d'ouvrir la porte.

- Es-tu prête ? me demande-t-il de nouveau le regard plein de douceur et d'espoir.

Un nouveau souvenir surgit, je me souviens que plus de deux révolutions se sont écoulés depuis le prélèvement, presque tous mes échantillons ont été utilisés. Et, cela n'a été qu'une succession d'échec. Malgré le système de détente du fauteuil, je suis effondrée... J'étouffe. J'ai besoin d'air frais. Je sors de notre logement et me retrouve dans le couloir qui nous sépare de nos voisins. J'emprunte un module de circulation. La sphère entame un mouvement descendant et prend une forme plus aérodynamique avant d'emprunter la circulaire qui m'amène vers le bloc de vie suivant. De là, je pourrais accéder au cœur d'Eckard, notre ville. Pardonne-moi, Arshan me suis je dis à ce moment là... ta voie est une impasse... peut-être que la voie qu'offre Tyr Na-Ogg nous donnera une chance...

Le module s'est immobilisé. Je me trouve à présent face à un vaste hall où de nombreux fauteuils sont placés. Il s'y trouve une vingtaine de personnes qui semblent toutes petites dans ce lieu. Un rapide tour d'horizon me permet de constater qu'il n'y a que deux personnes qui sont assissent dans des bulles d'isolement. Mon arrivée ne passe pas inaperçue parmi les autres. Rares, sont parmi les nôtres, à avoir des yeux dorés. Je croise mon propre reflet dans la surface de l'interface d'accueil. ma fourrure brune et ocre a perdu de son éclat c'est souvent comme cela quand je suis malade...

Je m'assois sur l'un des fauteuils, son interface s'active. Je programme mes réglages et active ma bulle d'isolement. Un film translucide surgit et environne le fauteuil. Je ne deviens qu'une simple silhouette complètement isolée des bruits extérieurs.

La présentation du procédé débute. Tyr Na-Ogg apparait. C'est un écailleux, ainsi sont qualifié ceux des nôtres dépourvus de fourrure sur une majorité du corps. Il se lance dans l'explication de sa technologie. Il va implanter une série de sondes dans mon corps. Elles vont injecter des machines qui, dans un premier temps, vont migrer vers mon système nerveux et commenceront selon l'option choisie, soit la transcription : la reproduction de mon réseau neurale dans un cerveau artificiel, soit à tisser un cocon protecteur autour de lui afin qu'il soit extrait pour être implanté dans le corps artificiel de mon choix...

Je comprends alors pourquoi la population est réticente à la transformation. Mais, si je ne puis devenir mère alors autant que je renonce à ce corps et profite pleinement de mon existence sans plus me morfondre à ce sujet...

Les yeux me piquent, j'ai envie de pleurer, mais mon corps n'est pas prévu pour. Ce n'est qu'une réminiscence de mon passé d'Organique. C'est comme ce jour là, ce jour où j'aurais tant voulu pouvoir verser des larmes pour me libérer mais que cela m'était désormais interdit.

Je ne suis pas devenue une machine depuis bien longtemps. Arshan ignore même la raison de mon absence. Il savait juste que je serais absente durant quelques temps. J'avais enfin réussit à contrôler mon nouveau corps.

J'étais revenue dans notre logement et avait opté pour des vêtements plus en accord avec mon humeur du moment : une longue robe droite avec un décolleté. Je modifie également la couleur de ma peau artificielle et rétracte mes poils, me créant des sortes de gants. Remarquera-il les changements ? J'ai choisi à mon nouveau corps l'image de mon ancien moi-Organique

Arshan est de très bonne humeur quand il rentre... nous dinons tout à la joie de nos retrouvailles... Une fois le repas fini, il me tend la main pour m'aider à me lever. C'est un premier test. Je scrute son visage. Un court instant je crois qu'il a remarqué quelque chose. Nous nous tenons face à face, les yeux dans les yeux lorsqu'il dit :

- Je crois que j'ai réussi ! Une nouvelle génération de Dutélia pourra voir le jour... La voie est ouverte.

- Non ! Non ! Non ! Tu ne peux pas me dire ça! Pas maintenant ! Pas maintenant que ....

- Qu'y a-t-il ma douce...

- J'ai ... je suis ...

Les paroles restent bloquées dans ma gorge. J'active l'interface mentale de contrôle de mon corps et lui donnait son aspect d'origine : les filaments qui reproduisent ma fourrure se rétractent dans mon corps laissant un fin duvet, ma peau reprend sa couleur bleue métallique.

Il est choqué. Il m'attrape les bras et les serre fortement. Bien que mon corps soit capable de supporter cette pression, il m'envoi un signal de douleur qui me force à me dégager. Je le repousse avec un peu trop de force à mon gout. il chute lourdement. Il me lance un regard plein de peur... Est-ce donc ce que je suis devenu à ses yeux : un monstre ?

Je ne peux supporter son regard et me dérobe. Il ne me parle plus pendant plusieurs jours. Une grande tristesse se lit, jour après jour, dans son regard... Je le quitte finalement pour rejoindre la communauté des mécanisés : les Cacinem ainsi qu'ils aiment à se faire appeler. Je change par la-même de nom... ainsi, je coupe tout lien avec mon passé... et avec mon aimé. Dorénavant, je serais Ran Er-Xos