Nulle part
Je peine à rouvrir les yeux et reste hébétée pendant un temps indiscernable, mon esprit lutte atteint d'amnésie temporaire. Il refuse de me donner accès à mes souvenirs et préfère les cacher sous un traumatisme apparent. Je me persuade en pleurant que je ne peux être que dans mon lit confortable et chaud. Mais des bribes s'imposent à mon esprit meurti et par rafale je revis tous ces douloureux événements sans pouvoir y échapper.
Je reste allongée, stoïque le noir est total, mon corps me rappelle bien vite que rien de tous ceci n'est irréel. Un gémissement passe ma bouche j'hésite si la chose était encore là, elle n'hésiterait pas à me donner le coup fatal. Puis l'image de ma soeur et de ma mère s'insinue dans tous mon être comme une bouffée d'air frais me donnant le courage qui me manquait. Je tends l'oreille aux aguets dans l'attente d'un quelconque bruit, mais seul le silence meurtrier et inquiétant est là prêt à m'avaler. Malgré la peur qui me tenaille, je finis par tenter de soulever cette lourde masse qu'est devenu ma dépouille m'arrachant plusieurs plaintes que je tente d'étouffer en serrant les dents.
Quand je réussis enfin à me mettre debout je titube la douleur est telle que je voudrais mourir. Au supplice par petits pas, tout en soutenant ma tête tombante je fais glisser mes pieds défaillants sur le sol irrégulier. Seul un souffle ténu filtre de mes lèvres et mon corps réagit au moindre son qui me parvient. Alors, quand un beuglement assourdissant empli l'espace mon cerveau enclenche le mode automatique et mes membres s'agitent dans tous les sens.
Me faisant trébucher lamentablement sur un obstacle inanimé, je m'étale de tout mon long tête la première par terre. Je recrache des brins de blé et d'autres substances non identifiées âcre mélangé à un goût métallique que je reconnais comme du sang.Je préfère ne pas savoir ce qui a touché ma bouche et j'essaye frénétiquement de mon mieux de la nettoyer tout en crachant et tentant de l'essuyer avec ma manche. Mes mains gémissantes sont prises de soubresauts, ma voix est hystérique et glapissante la nausée comprime mon estomac affamée. Je dois pourtant m'asseoir, action plus compliquée, très doucement en prenant appui sur mes coudes je fais revenir mes genoux vers le haut de mon corps. Ensuite malgré les tremblements j'appuie sur mes mains pour me placer sur mes genoux, mon visage est tuméfié et rougit par l'effort.
Dois-je continuer dans cette lutte stérile?
Sur des brasiers ardents, je m'attends à tout moment à voir la chose débarquée, au détour d'un coin de broussaille, venant des cieux, peut-être même qu'elle est tout à côté en train de m'épier prête à bondir sur sa proie.
Inlassablement, voûtée, claudiquante, les nerfs à vifs, je me traîne dans la nuit noire au milieu de nulle part et sans but. Je sursaute quand je sens sa présence derrière moi, la chose me susurre à l'oreille et je m'efforce à fuir " Tu m'appartiens, ta vie est à moi." Je chute et me relève craignant pour ma vie pendant ce qui me parait être une éternité . Ô bénédiction! Au loin, je vois les lumières de la ville... une route.
Je soupire de soulagement, mais mon intuition me dit que c'est beaucoup trop facile. Les derniers mots de "la chose" me reviennent . A quelques mètres de la ville je me heurte à un mur invisible, pleine de colère je prends de l'élan pour me précipiter dessus, mais il reste infranchissable. Je ne peux plus...., je me couche au milieu de la route, les bras écartés et les jambes serrés. Quoiqu'il arrive on ne me permettra jamais de rentrer, je me résigne et accepte cette fatalité. Des larmes glissent sur mes joues, et je sens un poids se poser autour de mon cou. Je veux me libérer de sa prise, mes bras chassent l'air à la recherche de mon assaillant invisible, je suffoque et ne peut plus respirer, mes membres sont pris de spasmes incoercibles. Mon regard est attiré par une lumière blanche et vive, elle semble se rapprocher. A présent, la clarté est aveuglante et l'emprise se resserre comprimant ma trachée, je n'ai plus la force de me débattre. Je sens que ma vie m'échappe, mon corps se ramollir, j' abandonne cette bataille perdue d'avance.
Soudain, je perçois un feulement furieux la prise se relâche. Je vois de plus en plus distinctement ce qui s'avance vers moi, mais mon corps pétrifié refuse de bouger. Il faut crier...je veux crier mais c'est impossible...Ce cri reste coincé dans ma gorge, mes yeux fixent mon futur assassin horrifiés. Plus que quelques secondes avant que tout soit fini. Je prie pour que se soit rapide et indolore.
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