Chapitre 8
« Je suis très content pour toi, Perce ! Il faut que tu laisses parler ton cœur pour le rendez-vous, tant que tu es sincère dans tes intentions (et je sais que tu l'es absolument), elle appréciera. Il faut quelque chose qui te ressemble, je ne peux pas te donner d'autres conseils. J'espère que tout se passera bien, tiens-moi au courant ! Nous t'embrassons avec Fleur (qui tient à te dire « c'est pas trop tôt ! »), Bill. »
La réponse de son frère, griffonnée sur un bout de parchemin lui fit chaud au cœur mais elle angoissa aussi Percy. Il fallait qu'il trouve quelque chose qui lui ressemble. Ça ne l'aidait pas. Il n'y avait pas grand-chose qui lui ressemblait. Peut-être que son appartement lui ressemblait un peu, triste, pas très coloré et bien rangé. Il était comme ça et il n'était pas certain du potentiel de séduction de cet appartement. Et l'inviter chez lui pour une première sortie, il n'était pas sûr que ce soit une bonne idée. Il repensa au petit restaurant en bas du Chemin de Traverse, il alla un soir flâner devant pour observer les gens à l'intérieur. Quelques couples, une famille avec de jeunes enfants, deux ou trois retraités qui semblaient heureux. Ça pourrait être bien mais il regarda le menu et grimaça. C'était un peu au dessus de ses moyens.
Il pensa au bar dans lequel Bill allait régulièrement avec ses amis mais il avait peur d'y rencontrer des personnes qu'il connaissait, même de loin. S'ils croisaient Vivian ou Bobby par exemple, il ne le supporterait pas. Et il n'était pas très à l'aise avec l'ambiance de toute façon.
Il se balada dans le Londres moldu et chercha un endroit sympathique mais il n'avait pas beaucoup d'argent moldu et ça serait compliqué, il faudrait faire attention à ne rien aborder concernant la magie dans la conversation et ça restreindrait trop les sujets. Il avait une peur bleue de ne rien avoir à lui dire.
C'était un casse-tête sans nom. Il envisagea un moment d'aller directement lui demander ce qu'elle voulait faire mais il avait peur qu'elle se moque de lui. Il pensa même à lui organiser un pique-nique dans un joli parc mais il y avait trop de choses qu'il ne pourrait pas maîtriser en extérieur. Le seul lieu dans lequel il se serait senti à l'aise aurait été la librairie elle-même, finalement. Mais il ne pouvait pas l'inviter à aller chez elle, ça n'avait aucun sens.
Percy tarda à revenir à la librairie. Il était infiniment stressé. Il ne trouvait pas l'endroit parfait, ni même un endroit convenable. Il n'en dormait presque plus. Il savait qu'elle devait attendre sa réponse mais ça le terrifiait. Il ne lisait plus, ne travaillait plus vraiment. Il ne voyait pas comment ce rendez-vous, qu'ils n'avaient même pas encore convenu, pourrait ne pas être un désastre. Il avait honte d'avance. Il avait failli plusieurs fois envoyer des lettres de désespoir à Bill mais il se retint. Il fallait que ça vienne de lui. Mais de lui, rien ne voulait sortir.
Il finit par conclure qu'il ferait des économies et qu'il devait l'inviter dans le petit restaurant. Il n'y avait rien d'autre qui lui venait en tête.
A présent, il devait aller lui demander directement si ça l'intéressait d'aller là-bas. Il avait les mains moites et le cœur qui battait trop fort, ça résonnait dans ses oreilles. Sa tête était envahie de petites pensées parasites et de questionnements divers et invasifs, allant de l'heure qu'il devait proposer aux chaussures qu'il devait mettre. Il était devant la petite librairie. Elle pouvait certainement le voir de l'intérieur. Il rougissait déjà jusqu'aux oreilles. Il fronça les sourcils, se concentra sur ce qu'il avait prévu de lui dire et posa la main sur la poignée. Il hésita encore quelque peu et prit son courage à deux mains.
« Bonjour, dit-il d'une voix faible en entrant. Il y a quelqu'un ? »
Il ne la voyait nulle part. Il y avait la petite vieille qui ricanait dans son coin en tournant les pages de son livre à une vitesse surprenante. Mais il n'y avait pas le joli sourire d'Audrey. Percy serra contre lui le livre où il y avait le message, les quelques mots soulignés délicatement, tous ses espoirs. Il avait relu le livre, il avait beaucoup aimé. C'était tout en finesse, comme le sourire d'Audrey. Il ferma les yeux pour essayer de penser à autre chose que son sourire mais son absence dans la boutique le faisait revenir comme un fantôme dans son esprit. Il entendit soudain quelques rires à l'étage.
Ça lui donna des sueurs froides. Il se surprit même à ressentir une colère profonde et certainement une jalousie sourde. Il reconnaissait ces rires. Il les avait entendu trop souvent déjà. L'étudiant en Botanique était revenu. Malgré tous ses efforts, Percy était à nouveau distancé par ce morveux. Il déglutit et ne dit rien de plus. Il se fit discret, attrapa une plume qui traînait sur le comptoir et trouva un bout de parchemin dans le fond de sa poche. Il écrivit rapidement :
« Je crois que le dernier livre est devenu mon préféré aussi. J'attends avec impatience vos nouvelles propositions. »
Il regarda avec un certain dédain ce qu'il avait marqué et entendit à nouveau les éclats de rire. Il reconnaîtrait celui un peu grave de l'étudiant entre mille. Il fixa durement le bout de parchemin et le froissa en le serrant dans son poing avec colère. Il souffla pour se calmer et entendit des chaises bouger à l'étage. Il ne voulait pas être vu. Il ne savait plus s'il devait laisser le parchemin ou pas. S'il ne le laissait pas, elle penserait peut-être qu'il refusait de la voir. Il hésita longuement, ouvrit la main, relâchant la petite boule qui roula sur le comptoir et tomba par terre, de l'autre côté. Percy n'avait plus le temps d'aller la chercher, il cru percevoir les grincements des petits escaliers et s'en alla aussi vite que possible. C'était au sort de décider à présent si elle trouverait ou non le mot. Il s'enfuit, laissant juste derrière lui le tintement de la porte et ses regrets.
Il marcha, ou plutôt, il erra, dans les rues du quartier magique de Londres. Il passa même dans l'Allée des Embrumes, indifférent aux regards curieux et aux mains crochues qui tentaient de lui prendre discrètement ses quelques mornilles. Il se laissait guider par ses pieds, l'esprit presque détaché de son corps. Il retrouva les rues plus fréquentées, la foule, les mouvements de cape et les plis des robes. Il mit quelques temps à comprendre que la boule qu'il avait dans la gorge était de la peur. Il avait terriblement peur de s'être fait des idées, d'avoir pensé que sa vie pouvait être romanesque, qu'il pouvait vivre une histoire d'amour comme on ne la trouve que dans les livres. Il sortit le précieux ouvrage de sa veste et l'observa quelques instants. Était-ce donc une illusion ? Il avait envie de pleurer et de jeter au loin ces maudites pages.
« Percy ! »
Une voix l'en empêcha. Quelqu'un l'appelait de l'autre côté de la rue. Ce n'était pas Audrey, ce n'était pas sa voix, c'était une autre voix qu'il connaissait bien. Une voix qu'il n'avait pas entendu depuis longtemps.
« Percy Weasley, ça fait un sacré bout de temps qu'on ne s'est pas croisé ! Comment ça va ? »
C'était Olivier Dubois, qui sortait juste de la boutique d'accessoires de Quidditch et qui fonçait vers lui, les bras ouverts et l'air content de le voir. Percy resta stupéfait quelques secondes, à observer son ancien camarade de Poudlard s'approcher de lui, puis il esquissa un sourire et lui serra la main avec un certain enthousiasme. Il remonta ses lunettes sur le haut de son nez avant de répondre :
« Olivier, quelle surprise ! »
Il observa le grand garçon qui semblait en forme et plus athlétique que jamais. Il savait par les journaux et par sa fratrie qui suivait attentivement les résultats de la Coupe de la Ligue que son ancien ami faisait une carrière prestigieuse dans le Quidditch. Il avait d'abord été dans le Club de Flaquemare, comme Bobby, et depuis deux saisons, il avait intégré les Pies de Montrose. De ce dont Percy se souvenait, son club était bien placé au classement mais il ne s'essaya pas à le féliciter, peu sûr des informations que son cerveau, un peu ralenti par la pensée de la librairie à quelques rues de là, lui transmettait. Olivier semblait heureux de le croiser. Ça étonna un peu le rouquin à lunettes.
« Alors, raconte-moi, toujours au Ministère ? »
Olivier lui avait pris le bras et l'entraînait déjà vers le Chaudron Baveur. Percy se laissa faire, finalement content de cette distraction dans ses pensées moroses.
« Le Ministère ? Oui, fit Percy en haussant les épaules, ils m'ont gardé. Mais, honnêtement, le travail de bureau ne m'intéresse plus autant qu'avant.
– Tu m'étonnes ! Je n'ai jamais compris comment tu faisais pour tenir aussi longtemps assis derrière un bureau, s'exclama Olivier en s'approchant du comptoir. Tu veux une bièraubeurre, comme au bon vieux temps ? »
Le bon vieux temps. Celui-là où Percy se laissait entraîner par Olivier aux Trois-Balais parce que ce dernier voulait absolument lui sortir la tête de ses cours. Percy n'avait jamais avoué que lorsqu'il avait cédé la première fois, c'était surtout parce que Pénélope y allait aussi. Mais le bon vieux temps était révolu. Il n'y avait plus Pénélope, il n'y avait plus ses frères qui gloussaient en les espionnant, il n'y avait plus la bande de Serpentard qui semblaient vouloir lui casser ses lunettes à tout moment. C'était fini, le bon vieux temps. Il accepta quand même de prendre une bièraubeurre avec Dubois. Ils allèrent s'installer dans un coin, sur une petite table.
« Tu fais une bonne saison ? demanda Percy, pour combler le silence qui s'insinuait entre eux.
– Mieux que la dernière, c'est sûr ! Cet idiot des Vagabonds de Wigtown, Achille Rosenthal, tu te souviens de lui ? Il m'a envoyé un cognard dans le dos. Il n'y a pas plus lâche, il m'a cassé quelques côtes, j'ai dû arrêter ma saison en mars. Mais ça va mieux, cette année, on est en course pour la première place.
– Tu le mérites, Dubois. Je suis content pour toi, tu vis ta passion. »
Olivier leva ses yeux marrons vers son ancien camarade de classe. Percy avait un sourire figé en regardant le fond de sa chope. Visiblement, quelque chose tourmentait le Weasley. Ses lunettes risquaient bien de tomber de son nez et de s'écraser dans la mousse. Olivier avait toujours apprécié ce grand garçon mince aux mille taches de rousseurs. Ils n'étaient pas toujours d'accord sur tout mais il le respectait et il avait toujours tenu à lui montrer son amitié. Percy savait qu'il était en présence de quelqu'un de bienveillant mais il restait persuadé qu'il ne pouvait pas avoir d'amis. Ça ne convenait pas à l'idée qu'il se faisait de sa propre existence. Il ne méritait pas tellement d'avoir des amis. Des collègues, des supérieurs, des connaissances vagues, des gens qui l'entouraient mais pas d'amis à proprement parler. Si Olivier ne l'avait pas emmené là sans lui demander vraiment son avis, il serait certainement rentré chez lui directement. Le joueur de Quidditch afficha un sourire et lui demanda :
« Et si tu n'es pas heureux au Ministère, pourquoi tu ne le quittes pas ? »
Percy releva le menton brusquement, ce qui remit ses lunettes à leur place initiale. Il secoua la tête en riant presque.
« Quitter le Ministère ? »
L'idée ne lui avait, à vrai dire, jamais traversé l'esprit. Pour quoi faire ? Il ne savait pas faire grand-chose d'autres que des dossiers et des projets de lois pour des régulations idiotes que personne ne lisait jamais. Il avait passé sa vie à travailler dur pour être là où il était, c'est-à-dire à stagner dans un poste au département de la Justice Magique qui lui convenait parce qu'on ne l'y embêtait pas. Il n'avait plus l'ambition d'aller plus loin depuis que ses premiers supérieurs avaient perdus de leur superbe, ou pire, n'étaient plus là du tout. Il déglutit en voyant le visage sérieux de son camarade.
« C'est vrai, tu es doué comme garçon, tu peux faire autre chose. »
Percy eut un petit sourire un brin ironique. Doué. Doué pour quoi ? Pour obéir aux ordres et respecter les règles. Ça, il savait faire. Il ne pouvait pas faire autre chose. Mais Olivier soupira.
« Tu m'as l'air d'être comme éteint, Percy. Ne le prends pas mal, se défendit Olivier, mais j'aurais cru que tu serais déjà en train de se battre pour la direction d'un Département et je te vois tout triste. Je sais tout ce que tu as traversé. Mais je pense que tu es capable de mieux. »
Percy plongea sa bouche dans la mousse de la bièraubeurre pour éviter d'affronter le regard de l'ancien Gryffondor. La vérité était un peu difficile à entendre. Il n'aimait pas ce sentiment qui montait petit à petit en lui, insidieusement, lentement. Un peu de colère peut-être. Il n'avait pas de raison d'en vouloir à Dubois, mais sa fierté en prenait un coup. Pourtant, Olivier continua :
« Excuse-moi, ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vu. Mais, Percy, réfléchis-y, s'il te plaît. Tu ne penses pas que tu as les capacités de faire plus ?
– Il semble bien loin, le temps où j'en étais persuadé, Olivier, maugréa le roux en secouant la tête. Et je n'ai franchement pas envie de reproduire ... »
Il s'arrêta. De reproduire les mêmes erreurs que par le passé ? De redevenir celui qu'il avait été ? Olivier sembla comprendre et dodelina de la tête pensivement. Il esquissa finalement un sourire.
« Et sinon, tu as quoi de beau à me raconter ? »
Percy regarda sa montre. Une belle montre dont le fond bleu nuit était constellé d'étoiles toujours en mouvement. Il soupira. Ce qu'il avait de beau à raconter lui restait en travers de la gorge. Il aurait pu lui parler d'Audrey, de livres et de ces merveilleux petits mots soulignés discrètement. Mais il n'en dit rien. Il entendait encore le rire de l'étudiant en Botanique qui était revenu et ses poils se hérissaient à cette seule pensée. Mais Olivier dut percevoir en lui quelque chose de suspect parce qu'il afficha un sourire amusé et le taquina, comme il l'avait fait des années auparavant à propos de Pénélope :
« Dis-donc, j'ai déjà vu ce petit air piteux, Percy. Qu'est-ce qu'il y a ? Autre chose que le travail te tourmente ?
– Ce n'est rien, des broutilles.
– Des broutilles ? Tu es sûr ? Si tu le dis, je ne veux pas t'embêter plus alors. »
Olivier esquissa un mouvement pour finir sa bièraubeurre et Percy évita son regard, les joues rosies, il le savait.
« Mais comme je te connais, Percy, sourit le joueur de quidditch, il y a un strangulot dans la marre. »
Pour toute réponse, il haussa les épaules. Il ne savait plus où il en était. Ni avec Audrey, ni nulle part dans sa vie. Olivier tapa du plat de sa main sur la table.
« Bon, je vais devoir y aller. Envoie-moi un hibou pour me donner des nouvelles. J'ai été très content de te recroiser aujourd'hui, on pourrait se faire ça de temps en temps.
– Si tu veux, marmonna le Weasley en souriant.
– Et, j'allais oublier, j'ai deux places de disponibles pour un match Pies de Montrose-Harpies de Holyhead. Je sais que ta petite sœur, diablement douée d'ailleurs, va passer en titulaire sûrement bientôt. Je peux te les envoyer si ça t'intéresse, ce sera l'occasion de se revoir !
– Deux places ?
– Oui, je les avais prises pour mes parents mais ils ont un empêchement. Viens avec qui tu veux.
– D'accord. »
Percy hocha la tête en se levant pour serrer la main de son camarade qui lui offrit sa poignée chaleureuse. Olivier et lui quittèrent le Chaudron Baveur du côté moldu et se saluèrent, partant chacun de leur côté.
« Alors, à bientôt ! »
Percy regarda Dubois s'en aller de sa démarche dynamique et enfouit ses mains dans le fond de ses poches. Deux places pour un match de quidditch de haut niveau. Qu'allait-il donc faire de ces places ?
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