Chapitre 7
Percy prit à peine le temps de lire le roman d'aventure qu'elle lui avait conseillé. Il l'apprécia beaucoup mais il avait envie de lire les autres. Il lirait tout ce qu'elle lui proposerait, compulsivement, sans réfléchir car il savait qu'il aimerait. Il revint vite à la librairie, une fin d'après-midi, une heure avant la fermeture.
Elle était toujours là avec son sourire. Il eut l'impression qu'elle l'attendait, ça lui remuait le cœur, il concentrait tous ses efforts sur ses joues pour les empêcher de rougir trop vite et trop fort. Elle le regardait depuis le comptoir où elle était accoudée.
« Bonjour, Monsieur Weasley. Avez-vous passé une bonne journée ? »
Il avait l'impression de vivre dans un rêve éveillé. Elle voulait délibérément engager une conversation avec lui. Il sourit mécaniquement, trop stressé pour paraître réellement naturel. Il remonta ses lunettes sur son nez et haussa les épaules.
« Plutôt bonne, dit-il après quelques secondes d'hésitation.
– Et le livre de la dernière fois vous a-t-il plu ? »
Elle s'était redressée un peu pour le regarder plus intensément encore, toujours avec ce sourire ravissant. Percy hocha la tête. Il regarda tout autour de lui, il lui semblait bien qu'ils étaient seuls, à moins que la vieille ne soit bien mieux cachée que d'habitude. Il posa à nouveau les yeux sur la libraire et dit :
« Beaucoup, mais vous vous en doutez déjà. Vous êtes une très bonne conseillère.
– Je ne fais que mon métier. »
Elle souriait toujours, prenant un air humble mais tout de même touché. Elle se leva pour attraper un livre sur la petite étagère derrière elle. Elle observa un instant la couverture avant de le poser sur le comptoir. Elle ouvrit la bouche, hésitant à ajouter quelque chose et la referma en se mordant légèrement la lèvre. Percy fit un pas en direction du livre, c'était celui qu'elle lui avait déjà conseillé mais qu'il n'avait pas acheté.
« Vous voulez prendre celui-là, alors ? demanda-t-elle en fixant les yeux le livre.
– Seulement si vous m'assurez qu'il est bien.
– Le style de l'auteur peut paraître un peu passé mais l'histoire est pleine de rebondissements.
– Ça me semble très bien. »
Elle poussa le livre vers lui et encaissa les quelques pièces qu'il lui tendait. Ils se regardèrent quelques secondes en souriant, sans oser faire un geste. Percy se demanda un instant si elle n'allait pas évoquer le message caché dans le livre mais elle soupira juste en baissant les yeux vers ses comptes.
« À bientôt, dit-elle presque timidement. Le prochain est l'un de mes préférés.
– À bientôt, Audrey. »
Il murmura son prénom. Il n'était même pas sûr qu'elle avait pu entendre, elle avait juste souri, comme à son habitude et il était sorti de la librairie en baissant la tête. Une fois dans la rue, il prit une grande inspiration. Il avait la sensation que peu à peu, la parole se libérait, que plus y il allait, plus il arrivait à parler. Pour dire des choses banales, certes, mais il y avait un début à tout. Il souriait.
« Monsieur Weasley ! »
Sa voix l'interpelait. Il eut l'impression de se réveiller, très surpris de l'entendre derrière lui. Il se retourna si vite qu'il en eut mal au cou. Elle avait une main levée vers lui, un livre dans l'autre et elle effaçait en trottinant les quelques mètres qu'il avait parcouru en sortant de la boutique. À peine essoufflée et dans un rire adorable, elle s'arrêta devant lui et lui tendit le livre.
« Vous alliez partir sans, dit-elle au milieu de deux petits éclats amusés.
– Oh, je ..., bafouilla Percy en regardant avec horreur le livre. Je suis confus, j'ai été ... »
Sa voix se perdit. Il se sentait une nouvelle fois complètement idiot et elle se moquait de lui gentiment, les yeux tendres. Il avait été complètement perturbé par sa manière de dire « à bientôt », avec une voix douce, un peu hésitante, si charmante. Il s'excusa plusieurs fois en prenant le livre et le serrant contre lui. Elle n'arrêtait pas de sourire.
« Ce n'est rien, Monsieur Weasley, souffla-t-elle. Ça a le mérite de me faire sortir un petit peu.
– Oui, vous êtes forcée à être toute la journée dans votre librairie.
– Et vous avez pu remarquer qu'elle n'était pas très spacieuse et qu'elle manquait un peu de luminosité. »
Percy hocha la tête alors qu'Audrey riait doucement à nouveau. Elle recula d'un pas. Il se sentit tout à fait idiot. Il aurait dû en profiter pour lui proposer de sortir plus souvent avec lui, dire n'importe quoi, tout sauf ce qu'il avait été capable de prononcer. Il avait toujours de meilleures idées après. Il pouvait toujours rabattre le caquet des autres après les disputes, seul dans sa chambre. Là, il n'y pensa qu'alors qu'elle était en train de retourner dans sa librairie. Elle regarda une dernière fois dans sa direction en lui adressant un léger mouvement de doigts avant de disparaître dans l'ombre de la boutique. Il se dit à ce moment précis que c'était peut-être d'ailleurs ce qu'elle attendait de lui mais il était toujours aussi nul dans les conversations. Il manquait de spontanéité et tout ce qu'il avait de spontané le décevait toujours.
Il rentra chez lui les poings dans les poches et le livre coincé sous le bras. Cette nouvelle mésaventure lui aura au moins permis de la voir rire un peu et chaque seconde de plus où il pouvait voir son sourire ou entendre son léger rire augmentait son bonheur.
Il lu le livre rapidement. Il prit le temps de noter quelques remarques sur un papier, au cas où elle lui demanderait des précisions. Il se sentait prêt. Allait-il pouvoir enfin oser lui demander ? Ou au moins engager la conversation sur le livre ? Il sentait que c'était comme un défi à relever. Il n'en avait plus grand-chose à faire de son travail, à présent toute son énergie passait à s'imaginer discuter avec elle, à visualiser son sourire et se préparer à aller la voir une bonne fois pour toute.
Il passa devant la vitrine de la petite librairie, vérifia discrètement l'état de ses cheveux toujours un peu désordonnés. Il souffla un bon coup et entra. Il vit tout de suite Audrey qui discutait avec un client qui semblait nouveau. Elle lui présentait le rayon Histoire de sa voix douce et attentionnée. Elle sourit à Percy en lui faisant un signe de tête, comme pour lui demander d'attendre un peu. Percy en profita pour se balader dans les rayons où il n'allait que rarement. Il s'étonna un peu en voyant la diversité des livres sur les sortilèges de métamorphose. Il hésita à en acheter un mais se ravisa. Il n'en achetait plus qu'un à la fois à présent, ça semblait les arranger tous les deux. Il entendit le client inconnu payer, remercier la libraire et sortir. Percy attendit quelques secondes avant de sortir des rayons sombres. Il souriait, bien qu'un peu crispé.
« Intéressé par la métamorphose ? demanda la jeune femme en l'observant.
– Peut-être une autre fois. »
Elle sourit en montrant ses dents, visiblement contente de cette réponse. Elle se dirigea vers le comptoir et la petite étagère derrière où elle récupéra le dernier des livres d'aventure qu'elle lui conseillait. Ses joues un peu rougies lui donnaient un air absolument adorable, encore plus que d'habitude. Percy était sûr qu'il rougissait aussi mais que l'effet était tout à fait différent chez lui. Elle s'avança vers lui, le livre à la main.
« Je vous le donne en main propre, pour que vous ne l'oubliiez pas, cette fois. »
Elle laissa échapper un petit rire gentil alors qu'il baissa la tête, toujours un peu embarrassé mais il attrapa volontiers le livre. Il se concentra pour ne pas bafouiller et déclara :
« Vous aviez encore raison sur le dernier livre. Le style a vieilli mais on s'y habitue facilement car l'histoire est très prenante.
– Vous vous attendiez à cette fin ? interrogea-t-elle en le regardant avec intérêt.
– Je dois avouer que j'avais pensé à plusieurs scénarios mais pas à celui-là. Que le gang des gobelins soit manipulé par la vieille femme à l'air si bienveillante...
– Il faut se méfier des vieilles femmes, murmura Audrey en riant et Percy était sûr qu'elle faisait allusion à sa cliente fidèle. Je suis contente que vous l'ayez aimé. »
Percy se demanda quand et si elle arrêterait de le vouvoyer. Il s'y habituait mais il était toujours un peu gêné de l'entendre, comme s'il imposait une certaine distance. Peut-être était-ce car elle ne le prenait que pour un client comme un autre. Il soupira et regarda de plus près le livre qu'il avait dans les mains.
« Et celui-ci ?
– C'est un de mes livres préférés, assura-t-elle tout à fait sérieusement. Il est très beau et ... »
Sa voix se suspendit, Percy fronça les sourcils. Elle hésita un instant avant de se mordre la lèvre en riant un peu et conclure :
« Il est très adapté. »
Elle se moquait gentiment de lui. Percy sentit ses joues prendre à nouveau une teinte écarlate mais il sourit tout de même. Il était content quoi qu'elle dise tant qu'elle ne lui disait pas de déguerpir comme elle avait pu le faire à l'étudiant, quelques temps auparavant. Il ne l'avait pas revu entre ces murs. Tant mieux.
Après quelques instants de silence, elle lui proposa de payer. Il se dirigea vers la caisse et sortit quelques pièces, en mettant une nouvelle fois une de trop, et les posa sur le bois. Il s'en alla en souriant mais rapidement avant qu'elle ne lui fasse d'autre remarque. Il avait hâte de lire ce livre, si c'était un de ses préférés, Percy savait que ça deviendrait certainement un des siens aussi. Non pas qu'il était influençable à ce point mais parce qu'il avait une confiance presque absolue dans les goûts de la libraire. Ils s'accordaient toujours.
Il était allongé sur son lit, toujours les pieds un peu en l'air, quand il trouva une anomalie dans le livre. Ça mit tous ses sens en alerte. En plein milieu du livre, deux mots étaient soulignés. Il pensa à un hasard. « J'irai », disait un des personnages avec fougue. Il se dit que c'était un livre certainement ancien, lu et relu, peut-être annoté de temps en temps.
Quelques pages plus loin, il releva : « n'importe ». Il se dit que ça ne pouvait pas être une coïncidence. Il continua sa lecture mais il ne se concentrait plus tellement sur le texte, trop occupé à noter sur un parchemin la phrase qui se formait peu à peu. Elle avait eu son message, il n'en doutait plus. Elle avait eu son message et y répondait. Son sourire n'aurait pas pu être plus grand, il avait presque envie d'en pleurer.
« J'irai n'importe où, tant que c'est avec vous. »
Il cligna des yeux plusieurs fois pour éviter les larmes de couler. Des larmes de joie. Il eut envie d'aller sonner chez Bill pour lui dire que c'était bon, que la prochaine fois qu'il la verrait, il lui proposerait d'aller au restaurant, peu importe où mais il irait quelque part avec elle. Il n'alla pas chez Bill car il était tard et que Fleur avait certainement besoin de se reposer. Il prit néanmoins un bout de parchemin, sa plume et lui écrivit quelques mots, pour le tenir au courant.
« Bill, je crois que c'est en train de se faire. Bientôt, je l'invite à dîner. Des idées de lieu ou des propositions à faire ? Je vous embrasse, Percy. »
C'était simple et concis, il roula le morceau de parchemin et l'attacha à la pâte de son hibou. Il lui caressa la tête un petit peu avant d'ouvrir la fenêtre et de le laisser partir vers la Chaumière au Coquillages. La lettre n'arriverait pas tout de suite mais ce n'était pas très grave. Parce que Percy avait désormais la certitude qu'il était ce client dont Audrey avait parlé, celui qui lui plaisait. Il revit son sourire, celui des derniers jours, toujours aussi éclatant mais parfois un peu rougissant, tendre, doux. Il ne pouvait plus s'arrêter de sourire. Il en oublia même de finir le livre, il ne savait plus où il avait arrêté sa lecture. Il se coucha en ne pensant qu'à elle. Il avait le cœur qui ne décélérait plus depuis la découverte de ces quelques mots soulignés. Ils étaient si bien soulignés, avec beaucoup d'élégance et de délicatesse. Ça ne pouvait être qu'elle.
Est-ce qu'elle pensait à lui aussi ? Est-ce qu'elle était dans son lit à se demander s'il avait vu le message ? Il l'imaginait dormir paisiblement, toujours un petit sourire aux lèvres, toujours son air aussi doux. Il se dit, peut-être pour la première fois, qu'il aimerait bien dormir avec elle. Sourire en l'observant dormir pour de vrai.
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