Chapitre 3

Bill entra chez lui sans frapper, ou peut-être qu'il avait frappé mais Percy ne s'en était pas aperçu. Il était allongé dans son lit, les pieds en l'air tapant contre l'appui-tête et la tête dans son livre. Bill contempla son frère quelques minutes avant de toussoter. Percy fit une roulade et sauta sur ses jambes en attrapant sa baguette. Il détestait se faire surprendre de la sorte. Il reconnut son grand frère et soupira en lançant sa baguette et son livre sur son lit.

« Par les chaussettes de Merlin, William, préviens avant d'entrer, bougonna-t-il. Tu veux un café ou quelque chose à boire ?

– Je vais sur le Chemin de Traverse, annonça Bill. Tu m'accompagnes ? »

Percy en avait marre de ces personnes qui posaient des questions qui n'en étaient pas vraiment. Son patron faisait toujours ça : « Pourriez-vous copier ce rapport cinq fois, s'il vous plaît, Monsieur Weasley ? » Mais c'étaient des ordres, le jeune fonctionnaire l'avait bien compris. Bill n'attendait pas de réponse négative, il l'obligerait, le traînerait jusqu'au Chemin de Traverse. C'était ce que signifiait son petit sourire. Il n'était pas dupe. Percy s'étira et soupira :

« Bon, pas de café alors. Tu veux faire quoi là-bas ? ajouta-t-il avec un brin de méfiance.

– Quelques courses, passer chez Madame Guipure avant de partir en France, prendre une glace avec mon petit frère.

– Tu veux qu'on aille faire du shopping ensemble ? »

Percy cligna plusieurs fois les yeux et laissa même échapper un petit sourire amusé. Il trouvait que la blague était bonne. Mais Bill hocha la tête, très sérieusement.

« Je n'ai pas le temps, conclut Percy après un court temps de réflexion.

– Tu lis quoi ? »

Bill fronçait les sourcils et tendit la main vers le livre qui gisait entre les draps bien repassés de son frère qui se jeta dessus avec horreur. Bill se moquerait de lui en voyant que c'était un vieux roman d'amour, comme en lisait leur mère. Mais le grand frère était plus fort que lui et plus grand et il réussit à attraper le livre pour l'ouvrir avec curiosité. Il afficha un sourire qui n'était pas si moqueur que ça. Il le referma et regarda la quatrième de couverture.

« Maman t'a fait des dons ? demanda-t-il en reposant le livre sur le lit.

– Non, je ..., marmonna Percy en rougissant.

– Peu importe, tu viens alors ? »

Bill ouvrit la porte du petit appartement et regarda son frère enfiler sa vieille veste marron. Percy habitait à mi-chemin entre le Chemin de Traverse et le Ministère, il pouvait faire tous ses trajets à pied. Il pouvait aussi transplaner mais il s'était rendu compte qu'il aimait bien marcher, se balader à l'air libre, ça lui vidait la tête. Il suivit son frère jusqu'au bar sombre qu'ils traversèrent en saluant le barman et ils arrivèrent enfin dans la rue animée, remplie de sorciers de tous horizons. Bill croisa un collègue qui sortait de Gringotts, il discuta quelques minutes avec lui. Pendant ce temps-là, Percy ne pouvait pas s'empêcher de regarder en direction de la petite librairie. Il espérait fort qu'il ne viendrait pas à l'idée de son frère d'aller rendre visite à son amie Audrey. Il n'avait pas envie que Bill apprenne qu'il y passait presque tous les jours. Mais Bill préféra le traîner directement vers le magasin de vêtement. Percy savait qu'il était loin d'être à la mode, il s'en fichait bien mais Bill semblait trouver important qu'il ne se laisse pas aller.

« Tu ne penses pas qu'il est temps de changer cette veste ?

– C'est ma veste préférée, répliqua Percy en touchant la fermeture éclair nerveusement. Et je croyais que c'était toi qui avait besoin de vêtements.

– Je me disais juste que cette veste plus claire t'irait bien et elle est trop petite pour moi. »

Percy haussa les épaules et ne prit pas la veste. Son frère soupira et avança entre les rayons. Percy passa la main sur le tissu de la veste et grimaça. Il ne la trouvait pas laide, il aurait pu l'acheter, son salaire venait d'être versé, mais il voulait tenir tête, un peu bêtement, à son frère. Celui-ci revint avec des tee-shirts plein les bras.

« Tiens, essaye donc un de ceux-là. Je sais que tu ne mets que des chemises mais je suis persuadé que tu rates quelque chose. Tu serais plus à l'aise là-dedans. »

Percy en attrapa un, plus par peur qu'il ne tombe par terre qu'autre chose. Bill lui indiqua d'un geste de la tête la cabine d'essayage. Il n'aurait pas la paix s'il n'essayait pas, il le savait et se dirigea vers la petite cabine sans protester plus. Il déboutonna sa chemise sans se regarder dans le miroir et enfila le tee-shirt après quelques secondes d'hésitations à le regarder en fronçant les sourcils. Bill ouvrit le petit rideau pour voir le résultat et le fit tourner sur lui même. Il fit une petite moue.

« Tu vois, c'est pour ça que je préfère les chemises.

– C'est juste la couleur qui ne va pas, il te faut quelque chose de plus joyeux. »

Percy regarda le gris sombre du tee-shirt avec une pointe de désespoir et son frère revint avec trois nouveaux tee-shirts et referma le rideau qui les séparait. Percy prit une grande inspiration et essaya le jaune. Il grimaça et l'enleva avant que son frère ne voie. Il passa la tête à travers du beige et appela son frère timidement. Celui-ci ouvrit le rideau et hocha la tête.

« Il est bien, celui-là, Perce. Essaye le rouge et la veste aussi ! »

Il lui lança la veste de tout à l'heure et le laissa se changer. Percy se regarda dans la glace en soupirant. Ça allait. Ça le changeait un peu mais il n'aimait pas tellement le changement. Bill allait lui dire d'acheter la veste et les tee-shirts ou il s'en chargerait lui-même. C'est exactement ce qu'il lui dit, prévisible, et Percy sortit son porte monnaie. Ils repartirent. Bill s'était acheté un nouveau pantalon et un pull bleu. Il conseilla à Percy de mettre tout de suite sa nouvelle veste, ce qu'il fit en soupirant.

« T'es bien comme ça, Perce. Avec un sourire, ce serait mieux mais c'est déjà un début. »

Percy ne put pas se retenir de sourire. Il était content de passer du temps avec son frère, même s'il se disait que c'était peut-être leur mère qui lui avait demandé de refaire un peu sa garde-robe. Ce n'était pas très grave. Bill lui offrit une glace à la menthe avec des petites pépites de chocolat, il s'acheta une glace à la groseille pour lui. Percy avait l'impression de se retrouver propulsé dans le passé, dix ans en arrière, les jours de courses pour la rentrée. Bill lui donna un coup de coude, pour lui montrer du doigt la ruelle où Percy savait pertinemment qu'il y avait la petite librairie d'occasion où travaillait Audrey et son sourire hypnotisant. Bill prit une nouvelle bouchée de glace avant de dire :

« Tiens, c'est là que mon amie Audrey bosse. Tu sais, elle était là l'autre soir.

– Oui, je vois. Mais je n'ai plus beaucoup de temps, Bill ... Je vais devoir rentrer !

– Tu es sûr ? On en aura pas pour longtemps, protesta le grand roux. Allez, toi qui aime tant lire. »

Percy vit arriver sur le visage de son frère un petit sourire moqueur mais il n'avait pas la moindre envie de se pointer avec lui là-bas. Il se sentait trop petit, trop idiot, trop maladroit à côté de Bill. Et il n'était pas à l'aise dans cette nouvelle veste. Mais il n'avait pas encore fini sa glace, elle commençait à couler un peu sur ses doigts. Nerveusement, il les essuya avec sa petite serviette sous le regard de Bill qui ne le quittait pas des yeux.

« Tu es en week-end, Perce, tu as le droit de ne pas travailler le week-end.

– Je sais bien mais ... On ne peut pas entrer dans les magasins avec nos glaces. Tu ne veux pas plutôt qu'on aille ailleurs ?

– C'est Audrey, elle s'en fiche tant qu'on fait attention. S'il te plaît, je pars bientôt, je n'aurais pas beaucoup l'occasion de ...

– Bon d'accord. »

Le chantage affectif marchait bien sur Percy, surtout de la part de sa famille, surtout depuis qu'il était revenu. Il suivit son frère dans la ruelle sombre en se mordant l'intérieur de la lèvre. Il avait une boule au ventre et il ne se sentait pas capable de faire autre chose que rester derrière Bill en espérant qu'il le cache. La petite sonnette cliqueta quand il ouvrit la porte. La librairie semblait vide. Percy eut l'espoir un instant qu'Audrey ne soit pas là mais il entendit son rire à l'étage.

« Attends, il y a des clients, je reviens, entendirent les deux frères de loin. Messieurs Weasley, quelle surprise. En quoi puis-je vous aider ? »

Percy resta muet, il tentait du mieux qu'il pouvait de ne laisser aucune goutte de glace atteindre le sol ou, bien pire, un ouvrage. Elle descendit les marches étroites et craquantes avec son sourire tout aussi craquant. Bill sourit largement et s'avança vers elle pour la prendre dans ses bras.

« Miss Mead, comment vas-tu ?

– Par Merlin, je vais très bien. Même si deux individus viennent d'entrer dans ce noble établissement munis de glaces. »

Sur ces mots, elle trempa le petit doigt dans la glace de Bill et le lécha en hochant la tête.

« Le goût est bon. Je vous autorise à rester. Je n'ose pas vous proposer un thé, comme vous êtes visiblement plus froid que chaud.

– On aurait su, on serait venu avant, s'exclama Bill en riant. Est-ce que tu nous fais visiter ? »

Audrey posa ses yeux sur Percy avec un petit sourire amusé. Bill n'était pas au courant qu'il connaissait l'endroit comme la poche de sa vieille veste marron. Mais elle ne fit aucune allusion au fait qu'il était un client régulier. Elle hocha la tête avec enthousiasme et se balada avec Bill dans les rayons en s'amusant à décrire pompeusement les différentes sections.

Percy resta en retrait, suivant de loin, occupé par la fin de sa glace. Quand ils montèrent à l'étage, il aperçut l'étudiant qui les regardait avec un sourire faux et une tasse de thé sur la petite table. Elle lui fit un sourire et les présenta comme les frères Weasley. Il dévisagea Percy qui rougissait en baissant la tête. L'étudiant semblait confiant et observait les gestes amusés de la libraire. Quand elle estima avoir tout présenté à son ami, elle posa une main sur la table pour proposer à nouveau de servir du thé. Percy vit tout de suite que l'étudiant en profita pour avancer la sienne et effleurer ses doigts. Il vit le sourire que cela provoquait chez Audrey et se sentit soudain très nauséeux. Il tira la manche de Bill pour lui murmurer discrètement :

« Il faut vraiment que j'y aille. »

Bill n'eut pas le temps de protester que Percy descendait déjà les escaliers et repassait la porte sans dire au revoir. Ce n'était pas poli, certes, mais s'il était resté une minute de plus dans cette librairie, il n'aurait pas été aimable avec l'étudiant et ses doigts indiscrets. Il marcha sans s'arrêter jusqu'à chez lui, se lava énergiquement les mains pour qu'elles arrêtent de coller. Il enleva aussi sa nouvelle veste et la rangea dans son armoire, avec la ferme intention de ne plus y retoucher. Il jeta un regard dédaigneux au livre qui était toujours sur son lit et soupira. Il avait envie de se rouler en boule et d'arrêter de penser. Son esprit n'arrêtait pas, il revoyait le sourire de la libraire, provoqué par le contact avec la main de cet étudiant arrogant. Des hypothèses et des théories émergeaient. Il voyait plus de contact, plus de sourires et, à chaque fois, il avait l'impression d'en souffrir un peu plus. Il ôta ses lunettes pour se frotter les yeux, dans l'espoir que ça fasse ralentir son imagination.

Il passa la nuit à chercher quelque chose à quoi se raccrocher mais il n'arrivait pas à trancher. Est-ce qu'elle n'avait rien dit à Bill pour ne pas le mettre dans l'embarras ou parce que ça ne lui était tout simplement pas venu à l'esprit ? Y avait-il toujours une sorte de petit secret entre eux ou n'était-ce qu'une malheureuse illusion vaine ? Percy ne savait plus. D'ailleurs, une fois parti, ils auraient très bien pu parler de lui plus amplement. Elle avait certainement dû confirmer les doutes de Bill. Percy lisait des romans d'amour, comme leur mère.

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