Chapitre 10

Percy se sentait tout drôle depuis quelques jours. Il regardait sa place pour le match tous les matins pour se persuader qu'Audrey avait bien l'autre et qu'elle viendrait avec lui là-bas. Ce n'était plus que dans une semaine. Entre temps, Percy avait eu beaucoup de travail. Il devait revoir toute la juridiction sur l'usage de la poudre à cheminette et ça lui prenait un temps fou.

Percy prit néanmoins le temps de retourner à la librairie une fois les premières lois réadaptées aux normes actuelles. Son travail avait recommencé à le stresser et pour la première fois en plusieurs mois, il était intéressé par ce qu'il faisait et il voulait le faire bien. Peut-être était-ce la discussion avec Dubois qui l'avait réveillé mais il s'était à nouveau plongé dans le travail avec plus de joie et de motivation qu'avant. Ou alors, était-ce parce que son patron lui avait adressé cette tâche spécialement à lui : « Weasley, nous devons adapter tout un ensemble de loi pour la mise à niveau européenne. Le Ministère a besoin de votre efficacité et de votre rigueur. Ne me décevez pas. » Percy s'était alors livré corps et âme à cet exercice. Mais cela pouvait venir également d'Audrey et de son sourire revenu. Il ne savait pas encore d'où lui venait cette nouvelle énergie mais les morceaux de sa vie qui s'étaient éparpillés depuis longtemps se recollaient enfin.

Il entra dans la petite boutique, les yeux à la recherche de ceux de la libraire.

« Bonjour Monsieur Weasley. »

Audrey s'était plantée devant lui, un grand sourire aux lèvres. Percy se sentit rougir. Il frémit avant de dire, le plus naturellement possible :

« Bonjours, vous... Vous allez bien ? »

Elle laissa échapper un petit rire en hochant la tête.

« Vous avez lu le Verda Mourowsky ?

– Il était un peu moins bien que les précédents, avoua Percy en gardant un sourire embarrassé.

– N'est-ce pas ? J'aurais préféré que Marigold quitte José et aille avec Sebastian. Il est bien plus gentil et elle serait beaucoup mieux avec lui.

– Mais les héroïnes préfèrent souvent les mauvais garçons, même si elles en souffrent. 

– Pas toutes, heureusement. Avez-vous lu La vie de Diana, de Stephany Versaire ? »

Percy secoua la tête et Audrey lui fit signe de le suivre à travers les rayons. Elle attrapa un ouvrage tout en bas de l'étagère et le lui tendit.

« C'est l'histoire d'une femme qui, après de nombreuses péripéties, trouve son âme sœur, et ce n'est pas le méchant sexy du début qui la harcèle.

– Voilà qui enlève un peu de suspens, fit Percy en fronçant les sourcils mais en conservant un petit sourire.

– Ne vous inquiétez pas, c'est un livre plein de surprises. Je ne vous ai rien révélé d'important.

– Vous m'avez convaincu. Je le prends. »

Il tendit la main vers le livre, très facilement convaincu, mais Audrey le garda contre elle. Elle sembla hésiter un instant et finit par dire :

« Vous êtes occupé ? Je ... Disons que je vous garderais bien encore quelques minutes. »

Percy sentit son cœur accélérer et se remplir d'inquiétudes. Que voulait-elle ? Allait-elle lui dire qu'elle ne pouvait pas venir au match ? Percy oublia tous les rapports qu'il devait finir et demanda :

« Pourquoi donc ?

– Comment dire ? J'ai fait du thé et il y en a trop pour moi toute seule. J'aimerais aussi m'excuser pour la dernière fois. »

Percy ouvrit de grands yeux et légèrement la bouche.

« Je vois ... C'est donc un privilège que vous accordez spontanément à certains clients.

– Vous m'accusez de favoritisme ? se défendit-elle en riant. Je ne le propose qu'aux clients les plus fidèles, il est vrai.

– Dans ce cas, je me vois mal refuser cet avantage. »

Percy hocha la tête sérieusement mais il avait terriblement envie de l'interroger sur l'étudiant. Lui avait-elle dit cela, à lui aussi ? Mais il n'osa pas, de peur de l'énerver peut-être, et la suivit à l'étage, le cœur battant et rouge jusqu'aux oreilles. Il s'installa en face d'elle dans l'exiguïté de la petite mezzanine sombre. Il voyait toujours son sourire et elle devait certainement le voir tout embarrassé.

« C'est du thé parfumé aux Figues d'Abyssinie, ça vous va ? »

Percy hocha la tête. Tout lui allait tant que c'était avec elle. Elle lui proposa aussi du sucre, qu'il refusa poliment et ils se retrouvèrent tous les deux, assis en face de l'autre, la tasse chaude au bord des lèvres. Percy voyait que la libraire se retenait de rire. Il ne savait pas bien quoi dire, il se sentait tout gêné. C'est elle qui lui dit : 

« Je m'excuse pour l'autre jour. Ce n'était pas correct de ma part.

– Ce n'est rien, dit précipitamment Percy.

– Au contraire, c'était important. Je savais bien que tu ... Enfin, que vous reviendriez et malgré tout, je n'ai pas su être à la hauteur. »

Percy la regarda à travers la vapeur dégagée par la tasse de thé et sentit son cœur fondre rien qu'en la voyant observer le fond de sa tasse avec un sourire presque honteux. Elle prit une inspiration avant de lever les yeux vers lui.

« J'étais inquiète parce qu'un de mes meilleurs amis ne répond toujours pas à mes lettres, énervée parce qu'Hector m'a baratinée pendant un moment que ses profs lui ont soudainement donné une liste de livres à lire immense et qu'il n'a pas les moyens de les acheter neufs et vous qui reveniez avec ... »

Elle suspendit sa phrase en secouant la tête. Percy ne savait pas très bien quoi répondre. Audrey semblait frissonner et il ne pouvait que la regarder. Il n'était pas sûr que dire ou faire quelque chose soit utile ou pertinent. À vrai dire, il n'avait jamais su quoi faire quand on se confiait à lui. En temps normal, peu de gens s'y risquaient, même dans sa famille. Elle esquissa un joli sourire.

« Je suis désolée de vous embêter avec tout ça. C'est simplement que tout semble plus facile dans les livres.

– Oh, je ne suis pas sûr que vous enviiez le destin de certains personnages. Regardez Marigold et ses tourments, les soucis de Rosaly et Théophane dans « Si loin de toi », les malheurs de Christie, la sorcière malchanceuse. Les livres ne simplifient rien. »

La libraire posa sa tasse pour le regarder parler. Elle souriait toujours en approuvant d'un signe de tête. Percy était fier d'avoir réussi à aligner plusieurs phrases. Il ajouta un sourire par dessus en pensant à ce que lui dirait Bill. « Avec un sourire, c'est encore mieux. »

« Et surtout, vous ne m'embêtez pas, conclut-il.

– Vous êtes quelqu'un de bien, Monsieur Weasley, dit-elle tout doucement, en souriant. Ne laissez personne dire le contraire. »

Elle le fixait de ses yeux brillants et Percy se sentait chauffer de l'intérieur. Il tentait de garder une respiration sereine et de ne pas s'affoler mais elle était si près de lui et son regard était si doux et fort. Percy baissa le regard vers sa tasse et ses lèvres s'y réfugièrent. Le thé était encore très chaud et ça n'aida pas tellement le Weasley à se sentir mieux. Il avait de la buée sur ses lunettes. Le silence l'angoissait un peu. Il finit par demander, la voix un peu étranglée par la chaleur du thé.

« Vous êtes toujours d'accord pour m'accompagner au match de quidditch ?

– Bien sûr, j'ai gardé précieusement la place. Vous êtes toujours d'accord pour y aller avec moi ?

– Évidemment, répondit Percy rapidement avant d'hésiter à nouveau. Comment comptez-vous vous y rendre ?

– Nous pourrions y aller ensemble, qu'en pensez-vous ?

– L'idée me plaît. »

Percy rougit légèrement. Il était heureux qu'elle le propose. Cela lui semblait inespéré et la perspective du match qui se rapprochait devenait de plus en plus concrète. Cela allait vraiment se passer. Être avec elle ailleurs que dans cette petite librairie. Il en rougissait d'avance. Elle semblait heureuse d'être avec lui. Il ne savait pas comment c'était possible, comment ça pouvait être réel. Mais son sourire était bien là, juste en face de lui. Il remarqua qu'il fixait ses lèvres depuis quelques secondes et en fut encore plus embarrassé et replongea dans sa tasse.

« En général, un Portoloin part du Chemin de Traverse pour rejoindre les matchs de la Ligue. Il suffit de se présenter avec sa place pour qu'ils nous laissent passer, expliqua Percy rapidement car il avait lui même revu récemment la juridiction entourant les Portoloins en milieu urbain. Sinon, le stade doit être relié à un réseau de cheminette. Comme vous préférez.

– Le Portoloin me convient. Vous pouvez me retrouver ici quelques temps avant le départ du Portoloin, ça vous irait ?

– Parfait. »

Elle hocha la tête, satisfaite. Et le silence s'installa doucement pendant qu'ils finissaient leur tasse. Percy, qui sentait qu'il commençait à suer un peu, bafouilla :

« Il est très bon, le thé. »

Audrey approuva d'un signe de tête. Percy était gêné par le silence et cherchait désespérément un sujet de conversation alors que la souriante libraire semblait plus sereine. Elle l'aida néanmoins.

« Je voulais vous demander depuis quelques temps déjà, la question me taraude ... Quel est votre livre préféré ? »

Percy ouvrit la bouche en réfléchissant. Il leva les yeux au ciel, cherchant quelle réponse serait la meilleure. Il lisait beaucoup, presque compulsivement. Mais il n'arrivait pas à mettre le doigt sur son livre préféré. Certains avaient une place toute particulière dans son cœur, d'autres l'avaient fait traverser tant d'émotion qu'il en était encore retourné mais il finit par dire :

« Je crois que c'est Les Oiseaux de Nuit de Célestin Vitation. Il m'a tellement ému à un moment où ça n'allait pas. Il m'a pris au corps, m'a fait comprendre certaines choses et d'une certaine manière, il m'a peut-être sauvé la vie.

– Oh, fit Audrey en le regardant sérieusement. C'est vrai que c'est un livre magnifique mais terriblement triste également.

– La guerre est souvent bien triste.

– Je sais. »

Elle baissa les yeux sur sa tasse vide et sembla réfléchir quelques instants à ce triste destin des hommes. Percy essaya de ne pas la regarder trop fixement. Il avait envie de lui demander quelles douleurs elle avait eu pendant la guerre, lui parler des siennes et chercher un remède, de quoi soigner les blessures ensemble. Mais il n'en fit rien. Il ne voulait pas être indélicat. Il ne voulait pas pleurer, ni la voir pleurer, il en avait trop vu des gens pleurer, pour toute une vie. Il préféra observer le fond de sa tasse, espérant y voir des signes d'espoirs, des messages de l'avenir. Un avenir meilleur, doux et empli de bonheur. Audrey releva les yeux vers lui, un sourire tendre aux lèvres.

Et soudain, le tintement de la porte en bas retentit, indiquant un nouveau client. La libraire sembla s'arracher contre son gré à la chaise où elle était assise. Elle lui chuchota :

« Je reviens, je vais voir si l'on a besoin de moi au rez-de-chaussée. »

Percy hocha la tête, compréhensif. Il la regarda descendre les escaliers de son pas délicat et il s'affaissa sur la table. Combien d'efforts devait-il produire ? Pourquoi était-ce si épuisant de tenir une conversation ? Il se sentait fatigué. Il avait toujours peur qu'elle change soudainement d'avis et comprenne brusquement qu'elle valait beaucoup mieux que lui et qu'elle méritait quelqu'un d'autre, de plus intéressant, de plus beau, n'importe qui plutôt que lui. Sa peur le rongeait, l'empêchait d'être tout à fait lui-même, un Percy dont il pourrait être fier. Et même alors qu'elle semblait tout à fait s'intéresser à lui, le doute persistait dans le crâne de l'employé du Ministère. Pourquoi lui plutôt qu'un autre ? La question ne cessait de se poser jusqu'à le rendre presque nauséeux.

Pourtant, Audrey revint. Elle lui expliqua avec un sourire amusé que ce n'était qu'un petit monsieur un peu perdu qui cherchait un livre sur la production de statues animées dans l'antiquité. Elle lui avait trouvé un vieux livre qui parlait d'Histoire de l'Art sorcier depuis les origines de la magie à nos jours qui devrait le satisfaire. Percy l'écouta décrire les clients les plus exigeants et leurs idées les plus précises. Elle parla de ses quelques clients les plus fidèles, qu'elle retrouvait toutes les semaines, tous les jours pour certains. Elle s'amusa de la vieille qu'elle laissait lire les livres sur place parce qu'elle était une amie de son grand-oncle. Et elle regarda Percy attentivement. Il buvait ses paroles comme il avait bu le thé.

« Et il y a vous, dit-elle dans un sourire. Monsieur Weasley. Il était surprenant de vous voir là, la première fois, au milieu des étagères poussiéreuses avec votre cravate, et puis vous êtes revenu et vous ne paraissiez jamais si heureux qu'à feuilleter les romans d'amour en vous pensant à l'abri des regards. »

Percy se sentit rougir, horrifié de s'entendre ainsi décrire. Il ne savait plus où se mettre, ni comment cacher les rougeurs qui parsemaient certainement son visage autant que ses taches de rousseur. Audrey sourit à nouveau.

« Il n'y a pas de mal à lire des romans d'amour, Percy, laissa-t-elle s'échapper comme dans un souffle. Moi aussi, je lis des romans d'amour. »

Elle avait penché la tête vers lui, se rapprochant subtilement pour mieux le regarder directement dans les yeux. Percy, terriblement gêné, ne savait plus comment donner l'ordre à ses muscles de bouger, il était pétrifié. Il n'arrivait même pas à prononcer le moindre mot. Il ne pouvait même pas détacher son regard du sien. Il s'y sentait comme happé, mangé et digéré. Il avait envie de dire quelque chose mais les yeux d'Audrey l'en empêchaient. Il dut fermer les siens pour pouvoir respirer à nouveau. Il réussit à produire un sourire le moins crispé possible et quand il ouvrit les yeux, elle s'était à nouveau reculée et elle s'intéressait soudain à la théière refroidie. Percy savait qu'il aurait dû faire quelque chose mais il n'avait pas pu. Il sentait la peur revenir et l'envahir à nouveau quand la libraire dit joyeusement :

« N'oubliez pas de venir me chercher pour prendre le Portoloin pour le match. J'ai hâte d'y aller. »

Percy hocha la tête vigoureusement.

« Moi aussi, avoua-t-il. Je ... Je dois partir, il me reste du travail à terminer, il faut que ... Je vous ... Je vous dis à bientôt alors. 

– À bientôt.

– À bientôt. »

Percy s'en voulu d'avoir répéter ça une fois de trop et après quelques secondes d'hésitation, il se précipita vers les escaliers alors qu'Audrey semblait continuer à sourire encore et encore. Il se sentait si bête et pourtant, en sortant de la librairie, il se sentait aussi léger qu'une plume. Et ça faisait du bien, pour une fois.

**

Chers amis, voilà Percy de retour pour les fêtes.
J'espère que vous allez bien, que ce n'est pas trop difficile pour vous. C'était un peu dur pour moi, j'ai eu du mal à écrire pendant le confinement et j'avais beaucoup de travail. Je profite alors de ces petites vacances pour vous donner ce petit chapitre toujours un peu niais mais ça me fait du bien. Je vous avais prévenu, c'est juste une histoire d'amour simple et douce.

(pour ceux qui suivent les aventures autrement plus compliquée de Molly, ne vous inquiétez pas, elle reviendra, j'ai juste un petit passage à vide mais je suis loin d'en avoir fini avec elle !)

Bises à tous.

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