Enclume
Cher lecteur,
Voici deux mois que je suis dans cette entreprise, j'ai donc été embauchée, pour mon plus grand bonheur.
Mais j'ai quelques petites choses à vous dire.
Chaque matin je dois donc me lever, prendre les transports en communs, la routine s'installe et je redeviens une femme lambda.
Je pousse une grande porte en verre et arrive dans l'accueil, adresse un sourire à l'hôtesse et au reste du personnel.
Puis je monte d'un étage, de deux, de trois, puis de quatre. En ascenseur.
J'arrive dans un couloir tapissé d'une moquette bleue au sol et d'un papier peint gris aux murs.
Je croise les regards des hommes qui semblent voir en moi une créature exceptionnelle et irréaliste, je croise leurs mains, leurs épaules, leurs cheveux bruns et leur yeux brûlants
Je m'installe ensuite dans un bureau aux vitres transparentes, avec une vue sur la ville. Je reste dans ce bureau jusqu'à ce que le soleil vienne s'évanouir derrière les grattes ciels qui eux, entament une nouvelle insomnie.
Puis je fais le chemin inverse du matin. Un labyrinthe sans fin mais que j'emprunte sans me plaindre.
Car c'est la rançon de notre confort. On travaille pour oublier qu'on travaille ensuite.
Nous nous efforçons d'aimer ce que nous faisons pour aimer ce que ça va nous donner.
Chaque week-end nous sourions en repensant à la semaine que nous avons vaincue, pour ensuite embrayer sur une autre.
Des sourires hypocrites tachant les miroirs tapissant des tours des capitales.
Un drame silencieux, des employés dont le seul but est de ne plus être désireux.
Car c'est la honte de vouloir
De ne pas avoir
C'est mieux de donner
De posséder
Alors on court sur un tapis roulant en accélérant la vitesse
Mais au fur et à mesure, la cadence nous blesse
Je peux paraître fataliste mais ce triste tableau dépeint le progrès qui traverse notre monde
Et cette machine est aussi bénéfique que dangereuse
Elle brûle à la moindre étincelle
C'est un fétu de paille pendant un été brûlant
C'est un arbre pendant un orage tonitruant
La course dans laquelle je suis lancée me semble perdue d'avance
Des bribes de souvenirs me reviennent depuis que je recommence à croire en ma délivrance
Des centaines de flaques parsèment chaque courbe boursière
Elles reflètent les visages inquiets de ceux qui veulent mettent le monde à genoux aussi rapidement qu'une escouade policière
Mais leur vie ne tient qu'à une courbe, qui monte et qui descend
Et pourtant ça règle toute une vie, quel beau jeu d'enfant
Alors chaque jour je me dis que je suis bien dans mon siège et que ça va passer
Que le soleil sera bientôt fatigué
Et que, toute fière, je pourrais enfin me reposer
Jusqu'au lendemain
Où le réveil sonnera jusque dans mes tripes
J'enfile avec justesse mon costume de pantin
Et je me dis que la banalité doit exister en plusieurs types
On me regarde
Comme un fauve dans un zoo
Chaque jour je doit me protéger d'une barde
J'ai l'impression d'être un toréador parmi les taureaux
Ces constatations peuvent paraître floues et enfantines mais ce sont le reflet de ces comptines qu'on nous chantent depuis notre naissance
Dans cette société, l'espoir d'une vie meilleure est notre seule vraie pitance.
À bientôt.
Shiva.
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