« Un vieux lutin »

Garland le Sage était un vieux lutin et les habitants de la Clairière le considéraient comme leur chef. Il n'en tirait pas de fierté particulière, seulement celle d'être utile à ses camarades. Depuis près de mille ans, il s'attelait à rendre son village le plus agréable pour tout le monde. Les lutins étaient toujours impressionnés par sa grande ingéniosité et son courage. Il partait parfois pendant des semaines et revenait avec des matériaux pour confectionner de nouvelles inventions. Certains pensaient qu'il osait se rendre jusqu'aux villes humaines, plus au Sud, mais personne n'en était vraiment certain. Il ne laissait jamais aucun lutin l'accompagner, il partait seul sur le dos d'un renard polaire.

Mais il y avait une période où il ne quittait jamais le village : lors de l'Éveil des lutins de Noël. Et il passait la plupart de ce temps à méditer. Ainsi, lorsqu'un lutin de Noël se retrouvait perdu à l'extérieur de son Atelier ou de l'Entrepôt, Garland savait où envoyer des gardes pour l'aider. C'est ce qu'il avait fait la veille, au petit matin, sans se douter que le petit égaré serait rapidement secouru par un autre de ses lutins.

Sa souche se trouvait au plus près de la forêt, il l'avait lui-même aménagée avant que lui et plusieurs autres lutins commencent à bâtir le village. Si ses compagnons avaient déménagé au cœur du village, il avait préféré rester dans sa bonne vieille maison, vaste et pratique pour garder au chaud les bébés renards durant les longues nuits froides.

C'est là que se rendirent Peppermint et Ginger, après le repas. Le petit lutin avait enfilé l'un des manteaux de fourrure du lutin bleu afin de pouvoir braver le froid d'une heure si tardive. Il s'était même mis à neiger et Pepper avait du mal à ne pas lever le nez pour regarder tomber les flocons.

— Tiens donc, un lutin de l'Atelier Un, constata le Sage quand les deux lutins arrivèrent. Bienvenue mon petit !

Pepper en resta coi. Autant de la voix éraillée du Sage, que de ses cheveux et sa barbe blanche. Les lutins étaient des petites créatures très anciennes mais elles avaient toujours eu la même apparence. Aucun lutin n'avait été enfant et Pepper n'imaginait pas plus voir un lutin vieux. Pour le Sage semblait vieux, à ceci près que son visage était lisse.

Il sentit le bras de Ginger passer dans son dos et cela le sortit de ses pensées, ils approchèrent du bureau derrière lequel était installé le Sage. Il y a encore une centaine d'années, cette pièce ressemblait à une salle du trône rappelant l'époque des rois mais les lutins avaient décidé d'être plus modernes et avaient offert à leur chef un immense bureau moins ostentatoire qui lui était bien plus utile.

— Tu t'appelles Peppermint, c'est bien ça ?

Toujours abasourdi, le petit lutin répondit par un hochement de tête. Ginger lui avait expliqué, sur le chemin, comment ils arrivaient à secourir les lutins de Noël qui se retrouvaient dans la nature mais il ne s'attendait pas à ce qu'il sache même son prénom.

— Comment va ta tête ? Tu n'as pas l'air d'avoir été autrement blessé, n'est-ce pas ?

— N-non, je vais bien.

Garland invita Pepper à s'asseoir, Ginger resta debout derrière la chaise. Ils n'étaient pas seuls dans la grande pièce, d'autres lutins assistaient à l'entrevue afin de savoir s'ils allaient devoir faire de la place au village pour un nouvel habitant.

— Tant mieux, tant mieux. Tu dois te poser beaucoup de questions sur cet endroit.

— Oui, quelques-unes c'est vrai, mais...

Le petit lutin se mordit la lèvre, il aurait préféré parler au Sage seul à seul, ou alors uniquement en présence de Ginger. Mais tous ces lutins qu'ils ne connaissaient pas et qui attendaient qu'il parle, il ne savait plus ce qu'il devait dire. Est-ce que ce n'était pas impoli de ne pas s'intéresser au village ?

Une main se posa sur son épaule et il releva la tête vers Ginger qu'il l'encourageait d'un sourire timide.

— Sens-toi libre de parler, lui dit le Sage.

— Eh bien, je... je veux retourner à l'Atelier Un. Votre village est très joli mais ce n'est pas... ce n'est pas chez moi.

— Bien sûr, je comprends.

— La fin de l'Éveil est pour bientôt et j'ai l'impression que si je ne rentre pas avant, cela devienne complètement impossible.

Il passa une main sur sa nuque, se sentant idiot. Et jugé. Mais tous les lutins présents savaient bien ce qu'il ressentait. Ils l'avaient ressenti eux aussi.

— Tu as raison, Peppermint. Le temps t'est compté.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top