« Pour ce qu'il en savait »
Le sommeil, pour les lutins des Ateliers, était quelque chose de très particulier. Ils connaissaient le concept, parce qu'il leur arrivait de relier des livres destinés à aider les enfants à dormir, ou même de fabriquer des boîtes qui chantaient des berceuses, ou qui s'éclairaient de douces lumières pour les enfants qui craignaient l'obscurité. Mais leur arrivait-il de dormir ? Bien sûr. Lorsqu'ils se couchaient, le soir de Noël, ils fermaient leurs petits yeux et les rouvraient trois cent dix-neuf jours plus tard, au matin du premier jour des Préparatifs. Rêvaient-ils ? Pour ce que Peppermint en savait, ça n'était jamais arrivé.
Ainsi était la vie des lutins, s'Éveillant pour les Préparatifs, se rendormant une fois le Grand Jour terminé. Et entre les deux, jamais aucun ne dormait. Pas de sieste. Alors quand Pepper ouvrit les yeux, il se demanda ce qui lui arrivait. Sa tête lui faisait un peu mal – ce qui n'était jamais arrivé – et il était dans l'obscurité la plus totale. Il avait l'habitude de la pénombre. Chez lui, le soleil ne se levait jamais très haut, il se contentait de frôler l'horizon pendant quelques heures et les chemins extérieurs étaient bordés de lampes pour que les lutins ne se perdent pas. La pénombre donc, il connaissait, mais c'était bien la première fois qu'il était dans le noir complet.
La pauvre petite créature se mit à trembler en se demandant ce qui lui était arrivé. Impossible qu'il soit à l'Atelier, dans son lit, parce qu'il sentait qu'il était en train de bouger. Voilà qui était bien étrange.
— Où suis-je ?
Sa voix résonna. Il se leva et sa tête se cogna au plafond. Mais ce n'était pas un plafond ordinaire, parce qu'il se souleva légèrement, permettant à un rayon de lumière d'entrer dans la pièce. Pepper trouva ainsi le bord de la pièce et il s'approcha pour jeter un œil à l'extérieur. Dehors non plus, ce n'était pas très éclairé mais il parvint à voir des tas de cadeaux empilés les uns sur les autres.
— Le train ! cria-t-il. Je suis dans le train !
Un sourire glissa sur sa bouche, il était heureux d'avoir percé ce mystère et ses craintes s'envolèrent en un instant. S'il était dans le train en direction de l'Entrepôt, cela voulait dire qu'il s'arrêterait à chaque Atelier. Il ne savait pas, néanmoins, combien de temps il était resté « endormi » ni dans combien de temps le train allait s'arrêter et il n'avait pas très envie de rester coincé dans sa boîte. En vérité, il n'avait pas envie d'aller jusqu'à l'Entrepôt, de peur qu'on l'y garde même s'il était tout petit et qu'il ne prenait pas beaucoup de place. Il n'avait pas la même curiosité que ses semblables pour les monstres à grandes dents. Mais il ne pouvait pas avoir dormi aussi longtemps que ça.
Il poussa un peu plus sur le couvercle du paquet, pour réussir à passer son bras et attraper le ruban qui tenait le paquet fermé. C'était plus difficile que ce à quoi il s'attendait. Il avait déjà tenu un couvercle de paquet-cadeau et il ne se rappelait pas que c'était si lourd, ou alors c'est le nœud qui était très serré. Après quelques minutes, il parvint à tirer sur le ruban et à le défaire. Avec un soupir de soulagement, il posa ses deux mains sous le couvercle et poussa. Et poussa. Mais le couvercle ne souleva pas plus. C'est alors qu'il comprit. Il y avait un paquet posé au-dessus du sien, voilà pourquoi ça ne s'ouvrait pas.
Pepper souffla, bien embêté. Comment allait-il sortir ? Il jeta un nouveau coup d'œil à l'extérieur pour s'assurer qu'il y avait au moins un côté où il n'était pas coincé par d'autres paquets. Il se jeta alors contre le mur dans l'espoir de faire basculer la boîte au-dessus de lui et de se libérer. Il dut s'y prendre à plusieurs fois puis, soudain, il se sentit partir en avant. Le couvercle de sa boite tomba et il fut éjecté. Il dégringola le long de la montagne de cadeaux colorés, sans rien pour le protéger. Il tendit les mains pour essayer de se raccrocher et stopper sa chute, mais en vain.
Quand il tomba enfin sur le sol dur et froid du train, il se hâta de se déplacer pour éviter sa boîte qui faillit lui tomber dessus. Sous le choc, il voulut s'appuyer le long de la paroi du train pour reprendre son souffle, mais un cahot sur les rails fit sursauter le train et Pepper bascula entre deux planches de bois.
Il atterrit plus loin, dans la neige.
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