— Tu n'as pas trouvé Pepper ?

Berry venait d'arriver chez Ginger et fut étonnée de le voir seul dans sa cuisine. Le lutin bleu se retourna vers son amie qui posa ses mains sur ses hanches en signe d'agacement. Il la rassura vite.

— Bien sûr que je l'ai trouvé. Je l'ai envoyé prendre un bain pour se réchauffer, il tremblait encore.

— Ce n'est sans doute pas seulement à cause du froid, remarqua tristement la lutine.

Elle vint se laisser tomber sur l'une des chaises alors que Ginger reprenait la préparation du repas. Elle observa son ami qu'elle connaissait depuis quelques centaines d'années, elle était arrivée peu après lui à la Clairière. C'était un solitaire mais elle était douée pour laisser de l'espace aux autres. Quand ils étaient très occupés, ils pouvaient passer des semaines entières sans se voir ni se parler, mais il était assurément l'un de ses lutins préférés. Enfin après Honey, son compagnon. Elle connaissait donc bien le lutin à la peau brune et elle ne l'avait jamais vu aussi attentionné envers qui que ce soit.

— Tu aimerais qu'il reste ? ne put-elle s'empêcher de l'interroger, rassurée.

— Non. Enfin... peut-être. J'en sais rien.

Berry pouffa de rire devant la confusion manifeste de son ami, ce qui ne lui ressemblait pas. Quand on l'interrogeait à propos des nouveaux arrivants, il avait toujours la même réponse : « je m'en fiche ». La présence ou non des autres ne lui importait que très peu. Alors que celle de Pepper...

— Qu'est-ce que ça peut faire que je veuille ou non qu'il reste ? Lui, ce qu'il veut, c'est retourner à l'Atelier Un. Il serait malheureux s'il devait rester ici.

— Pas forcément. Peut-être que...

— De toute façon, je ne pense pas qu'il soit fait pour le Dehors. Il est petit et fragile et...

— Tu t'inquiètes pour lui ?

Pour la énième fois depuis la veille, Ginger sentit ses joues rougir. Heureusement, il était dos à son amie et elle ne put pas le voir. Mais elle le devina et il ne put voir son sourire.

— C'est moi qui l'ai trouvé, je me sens responsable, répondit-il en haussant les épaules.

Comprenant qu'elle n'obtiendrait rien de mieux de lui, la lutine se contenta de soupirer avant de se relever.

— Emmène-le à Garland, ce soir. Il vous attend.

Elle sortit de la maison sans attendre de réponse et laissa Ginger à sa cuisine et ses mensonges.

C'était étrange pour Peppermint de prendre un bain. Ça aussi, c'était la première fois. À l'Atelier, ils n'en avaient pas besoin, ni pour se réchauffer ni pour se laver. Pepper n'avait jamais remarqué combien les choses essentielles leur étaient étrangères. Pas besoin de manger, pas besoin de dormir, pas besoin de se laver. Pas besoin d'aimer ou d'être aimé. Ne penser qu'à Noël et aux cadeaux, à leurs tâches quotidiennes et répétitives qu'ils faisaient à la perfection. Finalement, il ressemblait peut-être plus à une machine qu'à n'importe lequel des lutins de ce village.

Pepper sortit du baquet d'eau qui commençait à tiédir et s'enroula dans une serviette pour éponger les gouttes qui roulaient sur sa peau. Se retrouver sans vêtement était un peu moins nouveau parce qu'il avait dû se changer, quelques heures auparavant, pour revêtir la tenue que lui avait donné Tinsel. Mais c'était quand même un peu nouveau parce que, cette fois, il était complètement nu.

Embarrassé, il se dépêcha de se sécher et se rhabilla. Il était en train de se battre avec le pull vert quand Ginger vint frapper à la porte. La surprise le fit trébucher sur la jambe trop longue du pantalon qu'il n'avait pas eu le temps de retourner et il se cassa la figure en échappant un cri.

Ginger ouvrit aussitôt pour s'assurer que tout allait bien et il se retint difficilement de rire en voyant Pepper essayer de se relever, les bras coincés dans le vêtement, au-dessus de sa tête.

— Tu m'as fait peur, se plaignit Pepper sans le voir.

— Excuse-moi. Bouge pas, je vais t'aider.

Le petit lutin se sentit soulevé et ses pieds se reposèrent sur le sol, puis Ginger l'aida à finir d'enfiler le pull récalcitrant. Voilà qui était extrêmement gênant. Pepper cacha ses joues brûlantes avec ses mains.

— Je voulais juste te prévenir que le repas était prêt. Ensuite, on ira voir le Sage.

— Pour quoi faire ? Je ne veux pas rester...

— Je sais, et tu n'y es pas obligé.

Une lueur d'espoir brilla dans les yeux améthyste avant que Pepper ne remarque la tristesse dans ceux de Ginger.