Le tailleur, Tinsel, était un lutin aux cheveux roses, il portait une tenue jaune et des aiguilles plantées dans un petit coussin accroché à son poignet. Tout comme celle de Berry ou celles que Pepper avait pu voir sur les lutins dans la rue, elle était plus épaisse que la sienne, mais aucun n'avait d'épais manteau de fourrure comme Ginger.

— Bonjour ! l'accueillit Tinsel en s'approchant pour l'enlacer. Oh que tu es gelé, mon pauvre petit.

Tinsel et Berry étaient tous les deux plus grands que Pepper, mais il avait l'habitude puisque même à l'Atelier Un, il était le plus petit.

— Il s'appelle Peppermint, lui dit Berry. Il vient d'arriver avec Ginger.

— Tu veux bien préparer de la tisane pendant que je lui trouve quelque chose ?

— Bien sûr, allez-y. À tout à l'heure, Pepper !

— À tout à l'heure.

Pepper était un peu perdu mais il suivit Tinsel à l'étage de la petite maison taillée dans une souche. Le lutin jaune le fit asseoir sur un petit banc recouvert d'un coussin, le temps d'aller chercher des vêtements.

— Quelle couleur aimes-tu ? lui demanda-t-il, le nez dans un grand coffre.

— Le vert.

Les mots étaient sortis sans que le petit lutin ne s'en rende compte, et c'était étrange parce qu'il aimait toutes les couleurs. Mais s'il devait s'imaginer porter autre chose que son uniforme de l'Atelier, il préférait du vert. Tinsel n'en fut pas surpris, au contraire, mais il eut du mal à trouver des vêtements de la bonne couleur. Il savait qu'il en avait fabriqué, mais c'était il y a très longtemps.

Il lui fallut quelques minutes de recherche durant lesquelles Pepper se leva pour aller jeter un œil par la fenêtre. Et s'il voulut d'abord regarder ce paysage inconnu, son attention fut rapidement attiré par les lutins. Plus particulièrement, par leurs vêtements. Il eut un pincement au cœur en reconnaissant neuf des dix couleurs des Ateliers. Doré, argent, chocolat, orange, jaune, ocre, violet, grenat et beige. Il ne voyait aucun vêtement vert.

Mais il comprenait, du moins en partie.

— Pepper ? l'appela Tinsel. Tu viens essayer les vêtements ?

— Tu viens de l'Atelier Quatre, n'est-ce pas ?

Le lutin vert se retourna vers le lutin jaune qui baissa les bras et hocha la tête.

— Je suis arrivé au village il y a cinq cents ans.

— Cinq cents ? s'écria Pepper, choqué. Mais comment c'est possible ?

Pepper dut s'asseoir de nouveau. Il n'y avait jamais eu aucun incident dans les Ateliers, il en était certain, alors comment tous ces lutins étaient-ils arrivés ici ? Comment, quand et pourquoi ? Il couvrit son visage avec ses mains pour cacher des émotions qu'il ne maîtrisait pas. Un bouleversement profond qui faisait vaciller tout ce en quoi il avait cru un jour.

Tinsel s'approcha à pas lents pour ne pas le brusquer. Cela faisait longtemps qu'il n'y avait pas eu de nouveau mais il se souvenait que l'arrivée n'était jamais aisée, surtout pour ceux qui ne partaient pas des Ateliers volontairement.

— Viens te changer, tu veux ? Tu verras, ça va aller.

Il vit Pepper secouer la tête. C'était ce que Berry lui avait dit et ça n'allait pas du tout. Pepper voulait juste rentrer chez lui, à l'Atelier Un, avant la fin de l'Éveil pour pouvoir se réveiller auprès de ses camarades. Ainsi était sa vie.

Le petit lutin finit par se reprendre et accepta de se changer. Tinsel le conduisit dans une autre pièce puis le laissa enfiler les nouveaux vêtements. Ils étaient doublés avec une fine couche de fourrure qui, Pepper devait bien l'admettre, était très confortable. Il y avait même un petit bonnet pointu, mais pas de grelot. Il dut retourner les manches et les jambes du pantalon sur plusieurs centimètres mais il refusa que Tinsel fasse la moindre couture. Il ne comptait pas rester, d'ailleurs il garda son uniforme dans un baluchon que lui offrit le tailleur.

Il redescendit au rez-de-chaussée avant Tinsel et ne répondit pas à Berry quand elle lui proposa de boire une tisane. Il n'avait pas envie de discuter. Ni qu'on essaie de lui remonter le moral. Et encore moins qu'on lui explique la situation. Il ne voulait pas en savoir plus, il voulait tout ignorer, tout oublier. Il voulait rentrer !