Peppermint avait entendu beaucoup d'histoires sur l'Entrepôt où les paquets-cadeaux étaient gardés jusqu'à la distribution. De plus, même s'il n'en avait pas de véritable souvenir, il savait qu'au tout début, chaque Atelier stockait ses propres cadeaux et ils n'étaient emmenés que le dernier jour. Mais des animaux venaient régulièrement fouiller, grignoter les paquets, en quête de nourriture. Les lutins durent agir et il y eut des blessés. C'était cela qui poussa le Père Noël à créer un Entrepôt que des lutins volontaires protègeraient.

Ce qu'il ignorait, en revanche, c'est qu'avec les années, ces animaux s'étaient nourris de la magie des lieux. Ils étaient plus gros et plus agressifs que leurs congénères qui, à l'instar des autres animaux, restaient à l'écart après quelques coups sur le museau. Cela, ce fut Ginger qui le lui raconta.

— Les rats arrivent toujours à se faufiler par un endroit ou un autre. Nous étions attaqués presque toutes les nuits, au point où on a fini par se demander s'ils venaient vraiment pour trouver à manger ou simplement pour se battre. Un soir, l'un d'eux a réussi à me surprendre et il m'a griffé au visage avant que je puisse l'éviter. Heureusement, Bluebell était là et l'a repoussé.

— Qui est Bluebell ? questionna Pepper, curieux.

— Oh c'est... c'était... ? Enfin... nous étions amis à l'Entrepôt, je crois que nous venons du même Atelier mais je n'en suis pas certain.

— Comment ça ?

— Tu te souviens de cette époque-là, toi ?

Les cheveux vert thé volèrent légèrement quand il secoua la tête. C'était il y a près de mille cinq cents ans et même si leurs années sont courtes, cela fait beaucoup de souvenirs... il y en a forcément qui disparaissent avec le temps.

— C'est Bluebell qui a eu l'idée de partir. Il était épuisé de se battre, moi aussi je l'étais.

— Et vous êtes juste partis ? Vous n'aviez pas peur du Dehors ?

— Ça ne pouvait pas être pire qu'à l'Entrepôt, répondit Ginger en haussant les épaules.

Pepper était impressionné par le récit de Ginger. S'il n'avait pas été assommé par la machine, il n'aurait jamais eu le courage de sortir de l'Atelier. Cependant, il comprenait que les lutins de l'Entrepôt puissent vouloir chercher une vie moins violente, mais les lutins des Ateliers avaient une vie si simple. Pourquoi l'échanger contre une survie incertaine ?

Pourtant, ce ne fut pas cette question qui sortit de la bouche du petit lutin.

— Et que fait Bluebell, au village ?

— Il n'est pas ici. Il est resté dans le village de l'Orée quand j'ai pris la décision de venir ici.

— Pourquoi ? Je croyais que vous étiez amis ?

À la vérité, Pepper n'était pas très sûr de ce que cela signifiait. Les yeux dorés se posèrent sur lui, pensifs.

— Eh bien, il est tombé amoureux d'une lutine et ils ne voulaient pas quitter l'Orée.

— Amoureux ?

Là, ça le dépassait et, en même temps, sa curiosité était piquée.

— Mais ce sont les humains qui font ce genre de choses. Les lutins ne peuvent pas tomber amoureux.

— Hier encore, tu croyais que tu ne pouvais pas avoir faim, lui rappela Ginger. Et que tu ne devais pas dormir.

— D-d'accord mais...

Le lutin de Noël s'interrompit en pensant à toutes les émotions qu'il avait éprouvées depuis qu'il était sorti de l'Atelier. Mais l'amour, c'était différent, non ?

— Beaucoup de lutins sont tombés amoureux depuis qu'ils ne sont plus dans les Ateliers, lui expliqua le lutin bleu.

— Et à quoi cela ressemble ? Tu es amoureux de quelqu'un, toi ?

Ginger rougit brusquement à l'innocente question de Pepper qui ne le quittait pas de ses magnifiques yeux améthyste. Non, il n'était pas amoureux et, jusqu'à récemment, il était persuadé qu'il n'arriverait jamais à avoir assez envie de connaître quelqu'un pour que cela puisse arriver.

— N-non, bafouilla-t-il. Mais Bluebell m'a expliqué que quand il voyait Sugarplum, il sentait son cœur battre très fort et que sa simple présence rendait sa vie plus belle. Il disait qu'il voulait rester près d'elle et s'assurer qu'elle soit toujours en sécurité, qu'il ferait n'importe quoi pour la rendre heureuse.

Le petit lutin appuya son menton sur sa main, soudain en proie à de profondes réflexions qu'il n'aurait jamais imaginé avoir. Était-ce vraiment possible de ressentir tout cela ? C'était bizarre... Pourtant, son cœur ne s'était-il pas mis à battre plus fort quand Ginger avait pris sa main ?