« Ce monde si différent »
Une fois leur repas pris, Ginger se montra un peu plus loquace et accepta d'en dire un peu plus sur lui, même si c'était encore très peu. Pepper savait à présent que son nouveau camarade vivait depuis très longtemps dans ce village où il avait entrepris de l'amener et que, comme dans son cher Atelier, les tâches étaient réparties entre les lutins. Ginger faisait partie de ceux qui étaient chargés de trouver la nourriture pour que tous n'aient pas à quitter l'enceinte sûre du village.
Le lutin à fourrure ne satisfit malheureusement pas totalement la curiosité du petit lutin et esquiva toutes les questions un peu trop personnelles. Puis il cessa de parler, remit sa capuche sur sa tête et ferma complètement la hutte avant d'éteindre le feu.
— Maintenant, il faut dormir. On partira tôt demain, il ne reste que quelques heures à marcher.
Sans attendre une quelconque réponse de Pepper, il s'allongea sur le sol, bien emmitouflé dans ses fourrures et ne tarda pas à s'endormir.
Ce ne fut pas le cas de Pepper qui resta là, assis, les yeux fixés sur les branches. Il faisait presque aussi sombre que lorsqu'il avait ouvert les yeux dans le paquet-cadeau mais il faisait plus chaud. La chaleur du feu n'avait pas soudainement disparu et il essaya de se concentrer sur cette agréable sensation et sur la sensation de ventre rempli dont il n'avait pas l'habitude.
Il avait l'impression d'être dans un monde complètement différent du sien, à découvrir des choses qu'il pensait pourtant connaître. C'était la première fois qu'il mangeait autre chose que des gâteaux ou des bonbons. D'ailleurs, d'où venaient toutes ces choses qu'ils mangeaient ? Il ne s'était jamais posé la question. C'était juste là, sur la table, quand ils arrivaient. C'était... magique. Mais ils étaient des lutins, la magie était leur quotidien. Alors pourquoi Ginger était-il obligé d'aller chercher des provisions pour le village ?
Quelques heures passèrent et la respiration de Pepper recommença à faire de la brume. La chaleur s'était dissipée. Il grelottait de nouveau. Pour passer ce temps qui lui paraissait si long et cesser de se perdre dans des questionnements insensés, il se mit à fredonner, tout doucement.
— Pourquoi tu ne dors pas ? grogna Ginger, réveillé par la voix du lutin de Noël.
— Parce que je ne dors pas. Ce n'est pas encore le moment.
Le lutin brun observa Pepper quelques instants. Les lutins de Noël étaient tellement butés.
— Tu ne dors pas, hein ? De la même façon que tu ne mangeais pas ?
— Ça n'a... ça n'a rien à voir. Je m'endormirai à la fin de l'Éveil, mais tu peux pas comprendre.
— Hm. Alors tu n'as pas dormi depuis que tu es parti du village ?
— Je ne suis pas parti !
Pepper n'avait pas envie de répondre. Le fait d'avoir dormi plusieurs fois, déjà, le mettait mal à l'aise. Et s'il dormait trop et ne parvenait pas à fermer les yeux à la fin de l'Éveil ? Pouvait-il être le seul à rester Éveillé ? Tout seul, à l'Atelier ? Cette pensée le terrifiait.
Des doigts vinrent attraper les siens et il tressaillit. C'était presque brûlant.
— Tu es gelé ! s'exclama Ginger. Pourquoi tu n'as pas dit que tu avais froid ?
— Qu'est-ce que ça peut faire ? Tu n'as pas froid, toi ?
— Non ! Bien sûr que non !
Ginger souffla bruyamment et attira Pepper contre lui. Il l'enveloppa avec lui dans son grand manteau de fourrure. Le lutin de Noël était si petit qu'il le couvrait presque entièrement. Il faisait au moins six centimètres de moins que lui, ce qui – à l'échelle d'un lutin – était beaucoup. Il lui frotta le dos pour l'aider à se réchauffer.
— Ça va mieux ? s'enquit-il après un moment.
— O-oui... Merci, marmonna Pepper.
— Au village, on te donnera des vêtements plus chauds.
— Non, ce n'est pas...
— Tu ne tiendras même pas deux jours avec ces vêtements-là. Je me demande comment tu as fait pour ne pas...
La respiration posée et régulière de Pepper le fit s'arrêter de parler. Le lutin de Noël venait de s'endormir, épuisé par ces longues heures de marche et toutes ses émotions. Ginger reposa sa tête sur le sac. Les mains de Pepper, coincées entre eux, vinrent finalement se glisser autour de son cou. Il se figea à cause du contact des mains gelées sur sa peau puis fit de son mieux pour oublier cette étrange proximité qui ne le laissait pas indifférent. Après tout, les lutins n'étaient pas fait pour rester isolés, même au milieu des autres.
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