75) La Villa Desmond

✧ ೃ༄*ੈ✩

En rentrant, Flora était allée toquer directement à la porte de Mattheo.

Il n'y avait plus de bruit, de hurlement ou de fracas. En y collant son oreille, elle entendait sa respiration et le crissement des draps. Il devait dormir. Toujours fermée à clés.

Résignée, elle regagna sa chambre à elle.

Appoline avait déjà posé la sublime robe noire sur son lit défait. Elle ouvrit le sac plastique qui la protégeait et passa délicatement ses doigts sur le tissu : même la somptuosité de ce vêtement ne la rendrait pas plus belle.

L'heure tournait et Flora décida de détacher ses cheveux, prêtant toujours attention aux mouvements dans le couloir et dans la maison.
Pas de signe de vie de Mattheo.
Elle aurait bien laissé tomber cette foutue soirée infiltration pour passer la nuit avec lui. Tant pis.

En se regardant dans le miroir qui prenait la poussière dans un coin de la pièce, sa rancœur envers Appoline s'envola. Même si la fente dévoilait les crocs de Greyback, la robe qui épousait parfaitement son corps faisait tout oublier. Toute la violence que son corps inspirait se cachait sous cette sombre étoffe.
Une arnaque, en somme.

Jamais elle ne s'était payée une tenue si chère et luxueuse. Le sourire qui s'étendait sur ses lèvres dévoilait son bonheur d'en porter une.
Étalant minutieusement du fond de teint pêche par dessus sa blessure au visage, elle s'acharnait à couvrir encore la brutalité de son existence.

Appoline n'était qu'une adolescente en quête de sensations fortes. Au même âge, Flora survivait sur un champ de bataille. Elles n'avaient pas eu la même vie, la même histoire, et Flora n'arrivait plus à lui en vouloir.

Elle se demandait quel genre d'adolescente elle aurait été, mise à part une rebelle acharnée ou une pleurnicheuse délurée. Peut-être aurait-elle agit comme Appoline, pulsionnelle et spontanée.
Leur seul point commun était de prouver à autrui leur valeur. Le désir de se faire entendre.

Un grincement la fit sursauter et la tête blonde d'Appoline apparu dans l'entre-bâillement de la porte.

"Mon Dieu, Flora ! Siffla t-elle avec admiration. Tu caches bien ton jeu ! Tu es incroyable !"

Sa robe bleue, digne d'une robe de princesse elfique, lui allait tout aussi bien. Charlotte allait pâlir de jalousie.

"Où est-ce qu'on va, exactement ?
- À la Villa Desmond.
- Qu'est-ce que c'est ?"

La nouvelle venue reajusta son bustier qui glissait un peu.

"C'est un endroit où tous les plus beaux bals sont organisés, expliqua Appoline. J'y ai mit les pieds, quelques fois. Avec l'école, notamment. C'est aux parents de Charlotte."

Impressionnée, Flora hocha la tête et se laissa entraînée à travers la maison. Un dernier regard en direction de la chambre de Mattheo : pas une lueur, pas un bruit.

✧ ೃ༄*ੈ✩

À l'entrée, il fallait laisser sa baguette dans un bac remplit. Flora hésita à faire demi-tour et à rentrer, mais le regard suppliant d'Appoline la fit abandonner sa magie avec celle des autres.

La musique qui battait son plein raisonnait dans tout son corps, jusqu'à ses dents. Éprise d'une excitation étrangère mais délicieuse, doucement, Flora se détendit et se laissa aller.

Elle racontait être la cousine d'Appoline, s'appeler Jane, faisait des blagues et l'assemblée riait. Les camarades d'Appoline n'étaient pas aussi imbuvables qu'elle lui avait décrit.

À mesure des verres d'alcool qu'on lui offrait avec le sourire et que Flora s'enfilait avec plaisir, sa tête tournait et l'euphorie montait en elle.
Pour la première fois depuis le mariage de Ginny et Harry, elle s'amusait, oubliant un instant sa condition de fugitive ou que la mort lui pendait au nez.

Personne ici ne la connaissait. Dissimulée sous le maquillage et l'étoffe plus que somptueuse, tous les visages s'illuminaient à sa vue, les sourires s'étendaient sincèrement. Elle ne retenait aucun prénom, se laisser aller de bras en bras, de conversations en conversations aussi légères que futiles.

Rapidement, Appoline s'était éclipsée avec le fameux garçon, celui que Charlotte Desmond cherchait à apprivoiser. Un beau brun, plutôt mince, le visage généreux de rondeurs et les yeux plissés de malice.

La reine de la fête avait jeté quelques regards sombres à Flora et avait prit Appoline à part, certainement pour se disputer avec elle. L'incrustée n'avait pas chercher à s'en mêler : c'était l'histoire d'Appoline, pas la sienne.

"Tiens, salut !"

Une main lui agrippa la hanche pour la faire se retourner.
Titubante, hilare au possible, Flora avait du mal à percevoir les détails de son visage mais elle était sûre d'une chose : c'était le garçon que convoitait Charlotte et Appoline.

"Tu es la cousine d'Appo ?"

Le français devenait vraiment compliqué à décoder pour Flora qui gloussa sans comprendre ce qu'il baragouinait avec son air espiègle.

"Je m'appelle Samuel, reprit-il en anglais, je suis l'ami de ta cousine."

Flora avait déjà oublié son mensonge et grimaça, ayant pensé en premier lieu à Luna, sa véritable cousine, avant de se souvenir. Elle explosa de rire en lui tapotant l'épaule, comme si elle le félicitait d'être aussi dupe et s'en amusait.

Cette magnifique femme était loin d'être sobre, Samuel le comprit bien vite et s'en frottait les mains. Il l'asseya d'un mouvement brusque sur une chaise, lui tendant une belle coupelle forgée, remplie d'un liquide rougeâtre qui odorait le sucre.

En regardant le contenu, Flora cru d'abord que c'était du sang. Une coupelle remplie du sang du Mangemort qui avait tué Fred et celui de Silvia. Ceux de ses victimes. Elle se raidit sous l'œil attentivement perturbé de Samuel qui claqua sa coupe contre la sienne.

"Bienvenue en France, Jane.
- Merci."

Ce simple mot avait été compliqué à prononcer. Dans un geste simultané, ils avalèrent l'intégralité du contenu en quelques gorgées à peine.

"Que viens-tu faire dans le coin ?"

Serein, décontracté, vêtu d'une tunique en matière noble, qui scintillantait sous les néons qui carressaient la foule, il jouait adroitement avec la coupelle, la faisant aller d'une main à l'autre.
Flora avait le tournis de le voir s'agiter sur sa chaise et son regard pesait lourd sur elle.

"Des vacances.
- Tu es vraiment très jolie."

Cette réflexion braqua immédiatement Flora qui se leva d'un bond, les sourcils froncés. Déjà, ce gamin mineur se permettait de lui faire des avances malgré son âge, comme si elle n'inspirait pas le moindre respect. Mais en plus, Appoline avait posé son veto. Cette barrière était infranchissable.

La main fraîche du garçon s'enroula autour de soin poignet, l'invitant à s'assoir à nouveau. Un sourire particulièrement exquis étirait ses lèvres rose.

"Excuse-moi, tu es laide. Immonde. Je n'ai jamais vu créature aussi moche."

Son ton ironique fit rire Flora qui se laissa rassoir.
Elle l'avait vu s'éclipser avec Appoline, assez longtemps pour que quelque chose de concret se passe entre eux. La réaction de Charlotte lui confirmait ses doutes. Il ne l'a draguait pas. Ce serait immoral envers elles toutes.

Ses doigts étaient toujours enroulés autour du poignet fin de Flora.
Sa tête tournait de plus en plus. Elle le voyait flou, en dédoublé, il n'y avait plus que lui dans la pièce. Elle ne décelait plus rien de l'arrière plan.

Son corps lui semblait lourd à porter, comme s'il gonflait sous un soleil de plomb et menaçait d'exploser. Son cerveau se décomposait en miettes pour mourir dans un feu.
Se sentant nauséeuse, Flora essayait de garder la face, consciente de ses excès immatures.

Le garçon parlait, parlait, parlait et elle hochait la tête, luttant pour garder les yeux ouverts. Son cœur s'emballait de plus en plus à en devenir douloureux. Elle se sentait transpirer excessivement et ce sans raison.

Une sensation d'angoisse et de mort imminante lui griffait le visage, la lacérant depuis l'intérieur.
La somptuosité de la Villa des Desmond n'avait plus aucun sens. Le brouhaha de la musique, des invités enjoués qui criaient et parlaient trop fort lui tambourinaient le crâne.

Flora se releva en manquant de s'effondrer, ses jambes ne supportant plus le poids de son propre corps. Samuel la rattrapa de justesse, surprit.

"Oula, tu vas bien ?"

Elle ne distinguait plus Appoline parmis la foule. Elle ne distinguait plus rien du tout, à vrai dire.

"O-oui, je...
- Viens, allons prendre l'air, je crois que tu en as besoin.
- Oui."

Docile, elle sentait son bras se faire tirer et son corps se faire bousculer sans scrupule. Samuel tirait fort comme pour l'extirper rapidement de cette infernale soirée.

Une illumination dans ce trou noir l'éclaira, un ange passa.
Un ange qui ressemblait à Mattheo. Qui était lui. Dans toute sa splendeur et sa noirceur. Avec son visage fermé, ses yeux doux, ses mains poignantes. Flora l'aggripa, croyant sincèrement qu'elle rêvait ou délirait. Ce qu'elle avait ingurgité lui avait fait perdre toute notion de réalité.

Pourtant, quand elle s'aggripa au t-shirt de Mattheo et que le visage de ce dernier se baissa vers elle, un étonnement arrondit sa bouche et ses yeux.

Ses deux mains moites et tremblantes lui carressait le visage. Elle s'accrochait à lui surtout pour ne pas tomber au sol, ses muscles se transformaient en coton. Le moindre coup de vent la ferait s'envoler loin.

"Ah, tu es là, tu..."

Ses pupilles dilatées, ses yeux vitreux et son corps qui tange le fit taire.
Ses deux mains possessives tenaient fermement les hanches de Flora, dans le but second de la stabiliser.

Elle lui carressait toujours le visage, émerveillée comme devant une œuvre d'art signée de la main d'un artiste de renom. Une œuvre à couper le souffle, qui vaille la peine d'être regardée et qui emouvait les âmes les plus sensibles.

"Oh, mon Mattheo, souffla Flora qui s'aggripa alors à ses épaules, mon ange venu des enfers... ne me quitte pas."

Difficilement hissée sur la pointe des pieds, sa bouche trouva la sienne puis salives et langues se mélangèrent.
Alors que ce baiser aurait dû soulager la frustration brûlante en lui, Mattheo se recula, le faciès décomposé d'horreur.

"Flora, qu'est-ce que tu as bu ?"

Elle riait aux éclats, les yeux brillants, les lèvres encore humide de leur baiser, ses joues rosie par ce contact intime qu'elle ignorait désirer aussi ardemment.

Flora se détacha de lui, tenant à peine debout, pitoyable. La foule de danseurs et de passants la bousculait. Entraînée par ces mouvements comme par des vagues, Flora trébucha et tomba. La seconde d'après, elle n'était plus là. Ni au sol, ni autour de lui, imperceptible dans cette marrée humaine.

Le goût du poison brûlait encore la langue de Mattheo.
Affolé, il nagea à travers le courant, haletant, inquiet, hurlant son prénom.

Il reconnu Appoline qui discutait vivement avec d'autres filles, sautillant sur place, satisfaite d'avoir enfin l'attention qu'elle méritait.
Mattheo la saisit brusquement par les épaules en la secouant, les yeux fous d'inquiétude.

"Flora ! Aide-moi à la retrouver ! Quelqu'un l'a empoisonnée, putain !"

✧ ೃ༄*ੈ✩


✧ ೃ༄*ੈ✩

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top