73) Savoir regarder

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En se réveillant, Flora sentit en premier les bras de Mattheo l'entourer puis son torse se gonfler et se dégonfler doucement contre son dos.

La sensation de sa peau contre la sienne la décontracta immédiatement. Elle referma les yeux, se blotissant plus près encore de Mattheo qui dormait toujours.

Cette fois-ci, l'horloge indiquait neuf heures. Sa nuit avait été bien meilleure que la précédente. Pas d'yeux bouffis, de crâne assommé ou d'humeur massacrante.

"Salut, princesse."

La voix encore endormie de Mattheo le fit sursauter. Elle roula vers lui, leurs visages se faisant face.
Les traits de son visage encore décontractés, les cheveux en bataille, les yeux mi-clos, un sourire charmeur.

"Tu as encore prit toute la place. J'étais obligé de me coller à toi pour dormir.
- Je l'ai peut-être fait exprès, sourit Flora.
- J'aime mieux dormir comme ça plutôt qu'en tour de garde."

Le garçon glissa sa main dans le cou de Flora pour le caresser, jouer avec ses cheveux. En silence, elle se rapprocha. Leurs deux fronts collés, ils se regardaient silencieusement.
La réspiration de Mattheo s'accélèrait. Il avait chaud et sentait ses muscles se ramollir en même temps que son corps.

Pendant des mois entiers, il avait dû partager de force sa vie, son lit et son intimité avec une autre femme. Enfermé dans le Manoir des Malfoy, réduit au rang d'esclave, de poule aux œufs d'or. Jamais il ne cru un jour retrouver Flora, sentir sa peau frémir sous ses doigts. Cet instant lui semblait onirique.

"J'ai envie de t'embrasser." sussura Mattheo, submergé.

Flora se détacha de lui, les yeux brillants. La main de Mattheo retomba sur le matelas encore chaud de leurs deux corps entremêlés.

"Je ne mérite pas ça, répondit-elle sur le même ton.
- Non, tu mérites une vie sereine et normale.
- Je ne suis pas sereine et normale.
- Moi non plus."

Elle leva ses yeux de miel au plafond. Ses pensées grouillaient dans son esprit, elles se bousculaient violemment, semblables à des hurlements de fureur qui lui donnaient mal au ventre.

"J'ai l'impression que... que notre union fait des ravages.
- Oui, affirma Mattheo en souriant, à moi elle m'en fait."

Cette réflexion lui arracha un sourire malgré elle. Flora se tourna à nouveau vers le garçon étalé à son côté.

Il était beau. Il l'avait toujours été. Dans tous les états, à tous les instants, peu importe les circonstances. Ce qu'elle aimait le plus chez lui, c'était son regard. L'entrée de son âme. Elle s'y noyait toujours et prenait plaisir à boire la tasse.

"Sérieusement, reprit Flora après l'avoir contemplé un peu trop longtemps, dès qu'il s'agit de nous, on laisse des cadavres après notre passage. Je ne le supporte plus."

Instinctivement, la jeune femme en pyjama, les cheveux en bataille et le regard éteint, se mit à lui carresser le bras, l'air vidée.

"Tu te souviens de ce que tu m'as dis, au mariage ? Nos actes ne nous définissent pas, tout n'est pas blanc ou noir, mauvais ou bon. Parfois, on doit faire des choses horribles pour survivre."

Un long soupire de souffrance s'échappa d'entre ses lèvres gercées et abîmées.
Elle n'arrivait pas à penser clairement ni à prendre le moindre recul. Elle sentait encore le cou et la peau frippé de Silvia sous ses mains, elle l'étranglait sans sourciller, comme si elle avait fait cela toute sa vie. Un démon dormait en elle et se réveillait à chaque fois que Mattheo semblait en danger.

Elle avait faillit de la protéger une fois, cet affreux soir chez les Weasley, et ne pouvait se résoudre à recommencer. Plus jamais. Cette culpabilité inconsciente la rendait cruelle et apathique.
Flora avait tué une vielle dame qui cherchait, tout comme elle, a protéger son mari de ses idées de grandeurs.

"Peut-être que nous sommes vraiment maudits, fit Flora après un instant de silence. Ou que je le suis et que depuis que tu as croisé ma route, je t'ai maudit toi aussi.
- Je me suis senti maudit avec Daphnée, jamais avec toi."

Mattheo se redressa, ses cheveux à lui aussi étaient en bataille. Son regard, lourd de sens, se posa sur Flora, avachie contre les coussins. Il n'y avait cas la regarder pour comprendre à quel point ses angoisses la rongeaient.

"On a toujours rêvé de s'évader ensemble mais cette liberté a un prix et, je te le redis, si tu ne veux pas en payer le prix, je continuerai seul.
- Et le bel avenir que tu m'as promis, alors ? Sourit Flora. Tu ne vas quand même pas te prélasser sur des îles paradisiaques sans moi !"

Elle plaisantait. Plutôt bon signe.
Un sourire illumina le visage de Mattheo quand Flora se redressa pour lui faire face. Sa main fraîche glissait le long de ses avants-bras dénudés et Mattheo se délectatait de ces caresses.

"On ira ou tu veux, je m'en fous, chuchota Mattheo qui n'avait d'yeux que pour ses lèvres. On pourrait faire trois fois le tour du monde et changer d'identité à chaque pays. J'accepte même que tu teignes mes cheveux en blond, même si j'aurai l'air d'un Malfoy. Je m'en fous.
- Tu es terriblement beau, je n'ai pas envie de changer quoi que ce soit chez toi.
- Même si tu changes, tu es terriblement belle. Victor ne sait pas te regarder, sinon il verrait que tu es toujours la même."

Les doigts de Flora glissèrent entre les siens. Le rose qui tintait ses joues fit battre le cœur de Mattheo encore plus fort.

Ensemble, ils se sentiraient toujours comme deux gamins, deux adolescents maladroits et empautés.
Les yeux pleins d'étoiles, leurs deux visages se rapprochaient dans une attraction naturelle et insoutenable. Lorsque leurs bouches s'effleurèrent, quelqu'un tambourina à la porte, les faisant sursauter.

"Bill est là, annonça la voix de Victor derrière la porte, il veut te voir. Tout de suite."

Flora se détacha brusquement et ses inquiétudes reprirent le dessus. En se précipitant hors du lit, elle enfila un pantalon qui traînait sur le sol, jetant un regard stressé à Mattheo qui la regardait, toujours assit sur le lit, patau et frustré.

L'intonation de Victor était pressante et grave, certainement contaminée par l'état d'esprit de Bill.

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Le premier visage que Flora aperçu en descendant les marches fut celui d'Appoline Delacour, les bras croisées sur sa poitrine, les sourcils froncés, adossée contre un mur. Elle ne portait pas son uniforme de soie bleu, simplement une jolie robe longue, en mousseline légère, aux couleurs pastels. Ses longs cheveux blonds lâchés, elle avait tout d'un ange et ressemblait beaucoup à sa grande sœur.

Elle ne manqua pas de dévisager Flora.

"C'est elle, Fleur ! C'est cette fille.
- Oui, ma puce, sourit Fleur. Bonjour, Flora. Bien dormi ?"

La bouche asséchée, impatiente et nerveuse de revoir Bill, Flora le cherchait des yeux.

"Il est dans la cuisine. Flora... il ne vient pas avec de bonnes nouvelles et sa bonne humeur n'est pas transcendante. Chérie, ne le prend pas pour toi. Bill peut aussi être tranchant, parfois."

Flora déglutit, la boule au ventre.
Face à l'imperturbable beauté des sœurs Delacour, leur élégance inée et leur charme sans faille, elle se sentit encore plus attoce qu'à son réveil.
Elle avait l'air dingue dans cet accoutrement dépareillé, avec ses cheveux lourds de nœuds, pieds nus, complètement à l'affût. Le regard désaprobateur d'Appoline qui la detaillait de haut en bas renforçait cette impression.
C'était avec des filles de cette trempe que Mattheo devrait se tourner. Pas elle.

"Et Mattheo ?"

Comme pour faire une entrée remarquable, ce dernier descendait les marches en souriant délicieusement à Fleur. Il avait prit le temps de se vêtir correctement, contrairement à Flora, et d'enfiler des chaussures.

"C'est qui, lui ? S'étrangla Appoline.
- Bonjour, lui répondit simplement Mattheo.
- C'est devenu un refuge ici, s'étonna la petite Delacour.
- Et tu dois ne rien dire, retorqua Flora. Ton cheval est dans les prés. Il va bien.
- Merci. Je ne venais pas pour ça, je rends toujours visite à ma sœur les week-ends."

Mattheo s'arrêta aux côtés de Flora, pressant légèrement son bras comme pour l'aider à se calmer. Sa nervosité empestait.
Tous les quatre se rendirent dans la cuisine et bientôt, il était difficile de lever un bras dans la pièce tant on y était entassé. La discussion entre Bill et Victor se fana quand tout le monde s'installait.

Les yeux brun de Bill se posèrent sur Flora et il sourit. Elle lui rendit son sourire, le cœur battant à la chamade. Il devait lui en vouloir d'avoir abandonner George.

"Flora, souffla le rouquin comme soulagé de la voir en chair et en os.
- Bill... écoute, je suis désolée !"

Il lui fit signe de la main de ralentir. Tous les yeux étaient rivés sur Flora.

"Nous avons beaucoup de choses à reprendre, admit Bill. Commençons par..."

Maintenant, il regardait Mattheo, un peu perturbé. Il ne s'était pas imaginé revoir Riddle sous son toit.

"Je préférerai que cette conversation reste entre nous trois et nous trois seulement, introduit Mattheo. Je ne tiens pas mettre une femme enceinte en danger en dévoilant quelconque informations, ni une mineure. Et puis toi... ça ne te regarde pas."

Il toisait Victor Krum avec ses yeux vitreux.

"Donc dehors. Merci."

Soulagée, Flora se décontracta légèrement sur sa chaise. Ces six pairs d'yeux rivés sur elle la stressait plus qu'autre chose.
Bill opina d'un mouvement de tête. Fleur se leva sans trop broncher, Victor et Appoline marmonaient dans leurs barbes en ressortant bredouilles.

D'un coup, le regard de Bill s'assombrit drastiquement. Une ombre passa et s'arrêta sur son visage. Jamais Flora ne l'avait vu aussi contrarié. Ses lèvres pincées s'ouvrirent pour accuser :

"Vous avez volé de l'or !"

Ses deux paumes de mains tapèrent contre le bois de la table.
Flora sursauta, Mattheo restait impassible et insondable.

"Beaucoup, beaucoup d'or !"

Bill essayait de ne pas crier mais sa voix déraillait malgré lui.

"Et vous avez mit toute ma famille en danger ! Tu sais ce qu'ils ont fait à George ?"

Flora pâlit, haletante, retenant ses larmes. Elle hocha négativement la tête. Fleur avait refusé de lui donner plus de détails, certainement pour la préserver.

"Ils sont venus le trouver au magasin, Flora, parce qu'ils savent tous où tu travaillais, avec qui et pourquoi. Ils l'ont attrapé alors que...
- Qui ça "ils" ? Demanda Mattheo en ayant parfaitement choisi le bon moment pour le couper dans son récit.
- Greengrass et Malfoy."

La tête de Flora tournait. Elle se massait les tempes, ne sachant pas si elle était frustrée ou soulagée de ne pas savoir précisément ce qu'il était arrivé à George.

"Malfoy, lequel ? Précise.
- Ton cher oncle, pesta Bill. Ils ont torturé George et ne me regarde pas comme ça, Flora, évidemment qu'il n'a rien dit.
- Tu n'aurais pas du l'informer, marmona Mattheo.
- Et partir sans rien dire ? En plus d'être mon ami, c'est mon patron ! Je ne pouvais pas l'abandonner sans lui dire ce qu'il se passe, Mattheo !
- Qui d'autres tu as informé ?
- J'allais poser la même question, affirma Bill. Je vois que la communication entre vous est toujours aussi fluide...
- Ma mère, seulement ma mère et George."

Silence. Les deux garçons regardaient Flora, abattus.
Enfin, Bill reprit la parole, sur un ton plus calme :

"Vous avez merdé. Royalement merdé. Vous avez été repérés en un claquement de doigts."

Il se leva pour prendre ce qui semblait être un tas de papiers sur le comptoir avant de leur tendre.
Dans ce tas, en plus des avis de recherche et de disparition inquiétante, quelques articles parlaient d'eux. Décidément, Rita Seekers et la bande de journalistes carnassiers ne leur foutrait jamais la paix.

《Une traîtresse en cavale avec le Roi des Mangemorts 》 ; 《 Les amants maudits disparus 》; 《 La rébellion du côté obscure 》

Tous ces titres accablaient Flora sans le faire explicitement.
Mattheo glissa une main sur l'épaule de la jeune femme qui se decomposait face aux articles. Il sentait sous ses doigts chacun des muscles de Flora se contracter de colère.

"Mais le pire, souffla Bill, c'est qu'il sait où vous êtes. Ce n'est plus qu'une question de jour avant qu'il ne retrouve votre trace et je ne veux pas mettre ma famille en danger, Flora...
- Je comprends, articula t-elle avec difficultés. On doit partir, on veut partir mais... où ?"

Le regard de Bill se mit à briller et sa rancœur mourue instantanément.
Il avait toujours eu beaucoup d'affection pour Flora, ayant flairé dès les premiers instants son potentiel. Il n'oublierait jamais qu'elle avait voulu le protéger de Greyback, qu'elle avait ramper jusqu'à lui, laissant des traînée de sang sur son passage, sa jambe ne tenant qu'à un fil, pour essayer de le soigner.
Il lui en devait une bonne.

Avant de mettre en place le moindre plan, Flora se sentie obligée de raconter leur mésaventure avec Silvia et Lucio. Les derniers témoins n'étaient plus en vie, ce qui brouillait les pistes de Gareth.

"Votre tête est mise à prix, reprit Bill, surtout la tienne, Mattheo."

La seule femme présente dans la pièce tréssallit. Quant à lui, il demeurait imperturbable.

"Tu sais qu'ils vont remuer ciel et terre pour te retrouver et tu sais qu'ils y arriveront. Vous devez être... préparés et protégés.
- Tu es le premier à ne pas me dire à quel point je suis stupide, remarqua Flora.
- Tu es loin de l'être."

Le regard que Bill lui lançait, lourd et plein de sens, la rassura un peu.
Fier membre de l'ordre, Bill Weasley avait aux yeux de Flora cet image de héros. Son avis lui importait bien plus que celui des autres.

"Laissez-moi le temps de digérer votre coup de folie, conclu Bill, vous pouvez rester en attendant. Les pistes sont brouillées, alors... on a peut-être encore un peu de temps."

Satisfaite que cette entrevue se termine ainsi, Flora offrit son plus beau sourire à Bill en se relevant.

"Merci."

Le grand rouquin au visage lacéré -comme toutes les personnes réunies dans cette pièce- lui rendit son sourire.

"Ah, Mattheo, attend. Je voudrais te parler... seul."

Flora fronça les sourcils, jetant un regard interrogatif au beau brun. Elle se décida de faire confiance à Bill et de laisser Mattheo entre ses mains. Ce n'était qu'une discussion.

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"Oula, je vois que la nuit a été chaude !"

Appoline se tenait au seuil d'une porte, celle qui menait à la chambre qu'occupait Flora. Cette dernière remontait justement les marches dans l'objectif de prendre une bonne douche et de se rendre présentable. Elle avait eu atrocement honte face aux deux belles Vélanes.

"Qu'est-ce que tu fous dans ma chambre ? Pesta Flora en accélérant le pas vers elle.
- Calme toi, siffla Appoline qui n'était pas entrée, c'est juste que c'est la chambre que j'occupe habituellement.
- C'est Fleur qui m'a logée ici, je ne savais pas."

La belle blonde recula d'un pas tandis que Flora lui passait devant pour pénétrer son antre.

Les draps étaient sans dessus dessous, quelques vêtements étaient encore éparpillés au sol et le coussin qu'avait utilisé Mattheo était tombé par terre. En effet, la scène que laissait sous-entendre la disposition de la pièce etait suggestive.

"Ce n'est pas ce que tu crois, souffla Flora.
- Lequel ? Le beau gosse musclé ou le beau gosse ténébreux ?"

Amusée, Flora ricanna et Appoline l'imita. En un haussement d'épaules, elle se dirigea vers une autre chambre, plus au fond. Le changement avait du bon.

"Je ne sais pas ce qu'il se passe, fit Appoline en lui tournant le dos, et je suis très curieuse, mais je vais me tenir. Si tu as besoin de sortir te changer les idées, je suis là tout le week-end et je sors avec des amis ce soir."

Flora lui sourit, surprise, et la jeune fille disparue dans l'autre chambre.

En réalité, Flora l'intringuait. Elle avait envie de percer son mystère, de comprendre sa venue visiblement précipitée ici, la raison de sa cavale. Elle avait envie de savoir quelle histoire se cachait derrière les blessures sur son visage, de goûter à l'aventure que semblait vivre Flora.
Cette fille là n'était pas comme les autres. Pas aussi rangée et fade que les filles de Beaux-Bâtons.

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