65) Justice sera faite
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De longues heures s'étaient écroulées depuis l'attaque de cadavres ensorcellés.
Toujours au plus profond de cette grotte sombre et humide, Flora s'était calmée.
Son regard ne se décollait pas du tas de cendres appartenant à son meilleur ami. Savoir que ce qu'il restait de lui avait été réduit en poussière lui donnait horriblement mal au ventre.
Trempée et sale jusqu'à l'os, le visage enflé, le ventre vide, elle tremblait de froid et de choc contre le corps de Mattheo qui la serrait toujours contre lui.
Lui non plus n'en revenait pas. Gareth était monstrueux. Son faciès de gentil papa poule cachait une réalité terriblement plus effroyable.
"On devrait sortir, suggéra Flora qui n'en pouvait plus d'être entourée des restes de Fred. J'ai très faim, je ne me sens pas bien."
Mattheo hocha la tête. Il avait fallut attendre qu'elle redescende en émotion et il lui en avait laissé ce temps.
Lui-même avait du mal à se remettre de l'horreur de la scène. Jamais il n'oublierait le cadavre de Fred qui se traînait avec peine.
"Je peux aller faire un tour dehors et nous trouver quelque chose à se mettre sous la dent, proposa Mattheo.
- Pas tout seul, c'est dangereux. J'ai besoin de bouger, de me réchauffer, je ne sens plus mon corps.
- Change toi, suggéra Mattheo.
- Quand nous aurons quitté la grotte. S'il faut que je plonge encore, autant garder les mêmes habits."
Il hocha la tête. La paume de ses mains frictionnait contre les bras de Flora, pour la soulager un peu.
Lui aussi avait froid, ses lèvres se bleutaient, mais Mattheo arrivait à contrôler ses tremblements, à prendre sur lui.
En plus de se sentir coupable et responsable des horreurs que subissaient Flora, il ne pouvait pas se permettre de montrer le moindre signe de faiblesse et fléchir.
Il devait être fort pour la protéger, pour qu'en fin ils puissent vivre leur vie à deux.
Loin du danger, loin de la folie des grandeurs.
"Flora ?"
Son interrogation raisonna à travers la caverne silencieuse, glissant sur les mur mouillés et moisis.
"Oui ?
- Tu ne fais pas assez attention à toi, remarqua Mattheo. Tu es toujours sur cette frontière, entre la vie et la mort, un pied dans les deux. Comme si tu n'avais pas peur.
- C'est faux, murmura t-elle, j'ai peur.
- Alors comme si ta vie n'avait pas la moindre valeur."
Mattheo sentit Flora se raidir contre lui, elle ne répondit rien. Elle n'avait jamais pensé à tout ça.
"Ce n'est pas de ta faute, tout ce qu'il s'est passé. Tu ne mérites pas de mourir.
- Je crois que tu parles plutôt de toi, sourit douloureusement Flora.
- Je suis sérieux. J'ai eu peur toute à l'heure, vraiment peur, insista Mattheo avec gravité. Tu as manqué de mourir deux fois. Je... je sais que tu as eu une passe compliqué, mais bats toi jusqu'au bout. Pour moi. S'il te plaît."
Flora leva la tête vers Mattheo, le visage crispé, comme interdite, entre deux émotions.
Il visait juste, en y repensant. En réalité, Flora ne pensait pas mériter la mort plus qu'une autre personne. Elle la craignait même. Atrocement. À en faire des cauchemars.
Au fond d'elle, elle cherchait la limite. Le point de non-retour, ce sentiment d'angoisse et d'anxiété.
Ainsi, elle se sentait plus proche d'eux.
Elle comprenait ce qu'ils avaient enduré sans ne jamais en revenir. Cette tétanie lui était familière, bien plus que n'importe quel autre sentiment au monde. Elle cherchait ce confort et cette punition.
"Je suis désolée, chuchota Flora.
- Je suis passé par là, confia Mattheo, je sais.
- C'est différent, je pense. Tu pensais le mériter. Je cherche... je ne sais pas, autre chose.
- Je sais, Flora, j'ai compris.
- N'en parlons plus ? Proposa t-elle en reposant sa tête contre son épaule.
- D'accord.
- Mattheo, poursuivit Flora en se raclant la gorge, ce Gareth Greengrass... c'est un mage noir, n'est-ce pas ?
- Oui. Il faisait parti des fidèles les plus proches de Tom."
Entendre le vrai prénom de Voldemort lui faisait tout drôle et elle réalisait que lui aussi avait été humain, sorcier, comme eux, avant de décimer leurs vies, leur monde et leur école.
Tom. Le père de Mattheo.
Si seulement il n'avait été que cela.
Tous les humains n'étaient pas pourvus d'humanité. Tom et Gareth étaient de parfaits exemples d'égoïsme et d'abus, définissants l'abjection elle-même aux yeux de Flora.
"Parfois, j'ai l'impression que la guerre et tout ce qui s'en est suivi n'a servi à rien. Que ce n'était qu'une simple mascarade, grinça t-elle durement.
- Comment ça ?
- Les pires Mangemort n'ont pas été attrapés, les plus riches et les plus sophistes s'en sont sortis sans même craindre d'être puni. Ils ont et auront toujours tous les pouvoirs. La preuve est est : Gareth Greengrass use de la magie noire à l'heure actuelle pour nous tuer. C'est interdit. J'en ai marre d'être leur victime. On a tout perdu, tout sacrifié, on s'est foutu de moi sur la place publique. C'est dégueulasse. Je le jure sur ma vie que justice sera faite et que ces gens devront répondre de leurs actes."
Un sourire ravi s'esquissa à la reliure des lèvres de Mattheo.
Enfin, ils étaient sur la même longueur d'ondes. La honte et le malheur devait changer de camp. Leur route semblait encore longue et semée d'embûche, mais quitter cet atroce système le ferait renaître.
Le garçon se leva difficilement puis tendit sa main grande ouverte à Flora.
"Allons dehors, chercher de quoi manger et un abri pour la nuit."
Elle acquiesça, attrapa sa main pour s'aider à se relever. Devoir retourner dans le marécage puant la rebutait un peu. Flora y plongea tout de même, après tout, ils n'avaient pas d'autre option.
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La tempête était passée, rendant à l'été et son soleil sa place dans le ciel. C'est au parfait hasard que le duo s'enfonçait dans la forêt magique à la recherche de n'importe quoi à se mettre sous la dent et d'un abri pour la nuit qui arriverait à grands pas.
Une bonne heure de marche hasardeuse plus tard, une clairière baignée par le soleil s'étendait devant eux, de l'herbe fraîche et abondante, à l'ombre des feuilles, un petit lac d'eau clair en son milieu.
"Le dernier dans l'eau a perdu !" S'écria Mattheo qui courait déjà en direction du lac en retirant ses chaussures.
Amusée, Flora le rattrapa alors qu'il débouclait sa ceinture. Elle fut la première à plonger dans l'eau propre.
"J'ai gagné ! J'ai gagné !
- Tricheuse ! L'accabla Mattheo. T'es habillée.
- Tu n'as pas précisé !
- Personne ne se douche habillé..."
Seulement vêtu de son caleçon, le reste de ses biens éparpillés dans la clairière, ce fut au tour de Mattheo de se jeter dans l'étendue d'eau fraîche.
Malgré l'orage, il faisait lourd pour une fin d'été. Le ciel était encore chargé d'électricité et les rayons du soleil tapaient fort. Cette baignade, en plus d'être nécessaire à leur hygiène, était revigorante.
Flora avait détaché ses cheveux qu'elle trempait dans l'eau, frottant autant que possible pour décoller la boue. Elle devait faire peur à voir, elle en avait conscience. À son tour, elle retira sa veste, son t-shirt, et s'acharna dessus pour retirer la crasse et le sang.
Le regard de Mattheo lui carressait la peau. Nerveuse, tendue, elle préférait faire comme si elle ne se rendait compte de rien. Ce n'était ni le lieu, ni le moment de batifoler comme des idiots.
Bientôt, Mattheo l'imita et se rinça les cheveux, le visage, tout le corps avant de s'étendre sous la boule de feu.
Il y a quelques heures à peine, il pensait sincèrement que la mort les attendait au fond de cette caverne.
Sentir le vent faire frissonner son corps mouillé, l'herbe lui chatouiller le dos, savoir Flora non loin de lui semblait irréel.
À vrai dire, Mattheo ne comprenait pas comment il n'avait pas trouvé la mort depuis que Tom avait fait de lui une marionnette.
"Tiens."
Mattheo se reçu en pleine face un t-shirt et ce qui semblait être un short. Au dessus de lui, Flora lui faisait de l'ombre.
"Mets ça."
Quant à elle, elle avait déjà enfilé un t-shirt blanc et un short en jeans, ses longs cheveux trempés et dégoulinant entre ses omoplates. La partie gauche de son visage était toujours gravement erraflée.
"Merci. Viens."
Il tira Flora vers lui pour qu'elle s'allonge à son côté. La sentant résistante et toujours stressée, il marmona, les yeux clos :
"On est pas pressés, on peut bien prendre cinq minutes."
Admettant que, pour une fois, il ne se trompait pas, Flora céda et s'allongea à côté de lui. Le soleil brûlait les blessures sur son visage. Elle tendit sa paume vers l'astre pour se faire de l'ombre, les pieds dans l'herbe moelleuse et douce. Mattheo tourna la tête vers elle, prenant soin d'admirer l'improbable vue qu'il avait sur elle. D'un mouvement incertain, il caressa doucement les blessures encore fraîches.
"Tu as mal ? Demanda t-il après qu'elle eu sursauté suite à ce contact physique. Pardon."
Il retira sa main et elle tourna à son tour la tête vers lui, l'air désolé. Parfois, cela lui arrivait encore de sursauter au moindre bruit, de se sentir piégée, à l'affût et les carresses qu'elle n'anticipait pas la brusquaient.
"Non, ça va, c'est rien."
Flora ne savait plus si elle parlait de ses doigts sur ses joues ou des balafres.
Comme pour se rattraper de sa réaction, elle passa à son tour son doigt sur la cicatrice qui tranchait le visage du garçon
en deux.
"On est assortis." Sourit-elle doucement, essayant de paraître détendue.
Mattheo lui sourit tendrement en retour, attrapant la main de Flora pour enlacer ses doigts autour des siens. Lui aussi essayait de paraître détendu, sûr de lui. Il ne l'était pas vraiment mais l'assurance qu'il dégageait aurait dupé n'importe qui.
"Si tu veux rentrer chez toi, tu sais, je comprends, chuchota t-il en fermant à nouveau les yeux. Tu n'as pas à subir tout ça à cause de moi."
La jeune femme roula des yeux en se redressant. Elle se pencha vers le sorcier allongé sous le soleil, rapprochant son visage du sien. En la sentant se rapprocher, un nouveau sourire de satisfaction et de bonheur illumina son visage.
Flora l'embrassa et Mattheo l'accueillit comme s'ils ne s'étaient pas donnés l'un à l'autre la veille. Ses cheveux dégoulinaient contre son torse, il y passa la main, comme une vielle habitude.
"Maintenant, habille toi, ordonna Flora avec douceur, on va chercher des vivres et un abri.
- Oui, cheffe."
Les papillons dans son ventre lui donnait l'impression que tout ce qu'il s'était passé avant n'avait jamais eu lieu.
Ce n'était pas le cas de Flora, qui fronçait les sourcils en regardant tout autour d'eux.
"Soyons prudents, dit-elle avec sérieux, c'est évident qu'il sait où on se trouve."
La joie du baiser retomba aussitôt. Mattheo souffla péniblement, enfila un t-shirt presque trop large pour lui qui devait certainement appartenir au père de Flora.
Elle avait raison, comme toujours. Ils avaient été localisés dans le train et certains voyageurs avaient du témoigner de leur position. Même si la forêt était vaste, ils devaient être prudents. Gareth lui volait ses brefs moments de joie et de sérénité.
✧ ೃ༄*ੈ✩
La nuit tombait déjà. Le ciel s'assombrissait d'un bleu plus foncé qui s'approchait du gris pour progressivement devenir noir. La forêt se plongeait dans un silence plutôt étrange, comme si les résidents se taisaient une fois la nuit tombée. Les animaux ne criaient plus, le vent ne soufflait pas. L'atmosphère oscillant entre l'inquiétude et la sérénité.
Ils avaient trouvés un recoin adapté pour dormir. L'air était sec, il faisait toujours un peu chaud. C'est au pied d'un immense tronc d'arbre vieux d'au moins une centaine d'années que Mattheo et Flora avaient décidés d'établir leur campement -c'est à dire littéralement rien, à part s'allonger sur l'herbe grasse et moelleuse, recouverts chacun d'un gilet en guise de couette.
Flora avait insisté pour faire un petit feu de camp, avec quelques branches mortes qui étaient tombés du viel arbre. Elle avait conscience que cela risquait d'attirer d'autres créatures ensorcellées, ou Gareth lui-même. Mais dormir dans le noir au beau milieu d'une forêt dangeureuse ne la rassurait vraiment pas.
Mattheo s'était porté volontaire pour le premier tour de garde, pensant que Flora avait vraiment besoin de se reposer. Il la sentait anxieuse, stressée, à l'affût. Adossé contre le tronc, il regardait son ombre danser sur le sol au rythme des petites flammes qui s'élevait sous ses yeux. Le calme plat. Cette quiétude illogique en pleine nature le rendait lui aussi nerveux.
Flora, recroquevillée en boule sous son gilet, dormait à son côté. Il la regardait en souriant, l'air attendri et heureux, sa baguette tenue fermement entre ses doigts au cas où. Puis, la respiration de la jeune femme endormie à sa gauche s'accéléra de plus en plus. C'est d'un sursaut incontrôlé, ravalant un cri, que Flora se réveilla, le visage crispé de terreur, le corps tendu de peur.
Son premier reflex fut de s'accrocher au bras de Mattheo tout en regard tour autour d'elle, presque frénétique. Pendant quelques secondes, elle se demanda ce qu'elle fichait au beau milieu d'une forêt. Quand elle eu retrouvé ses esprits, ses muscles se mirent à trembler.
"Ça va ?" Lui demanda Mattheo en l'attirant vers lui.
De toute évidence, non, elle ne semblait pas aller merveilleusement bien. Flora respirait anormalement fort, son cœur battait trop fort.
"C'est horrible, sussura t-elle avec souffrance, je n'arrive pas à me laisser aller sans que des images de... de Fred toute à l'heure s'imposent dans mon esprit. Je ne vois que ça, je...
- Comme des flash ?
- C'est ça, comme des flash incontrôlés.
- J'ai connu ça aussi, confia Mattheo qui la regardait avec empathie.
- Est-ce que tu peux me parler pour que je m'endorme en pensant à autre chose ?
- Oui. Viens là."
Il tapota sa cuisse pour l'inviter à y poser la tête chose qu'elle fit sans se faire prier. Mattheo glissa ses doigts dans les cheveux de Flora, massant doucement son crâne pour l'aider à se détendre. Un léger sourire s'esquissa sur les lèvres de Flora qui ferma les yeux avec appréhension.
"Tu peux dire n'importe quoi, chuchota t-elle, le simple son de ta voix me suffit."
Mattheo sourit à son tour.
"D'accord. Je m'appelle Mattheo, ma couleur préféré est le rouge bordeaux et le vert sapin.
- C'est précis !
- Tu n'es pas sensée répondre mais dormir, princesse.
- Pardon. Poursuivez, monsieur.
- J'aime bien le bleu marine aussi. En fait, je n'ai pas spécialement de couleur préférée. Je n'ai pas non plus de plat préféré, ou même d'hobby. Putain, je suis ennuyant à mourir, ricana Mattheo qui massait toujours le crâne de Flora avec soin. Je peux te raconter quelques souvenirs d'enfance. C'est pas terrible mais c'est tout ce que j'ai."
Il prit quelques secondes pour réfléchir.
"J'étais une vraie terreur, s'amusa Mattheo, le genre d'enfant qu'on tiendrait en laisse à l'heure actuelle. Ah... en fait, ils me tiennent en laisse."
Il rit à sa propre réflexion, Flora se retint de faire de même. Elle caressait les jambes nues de Mattheo avec douceur tout en écoutant attentivement la tirade la moins élaborée de tous les temps.
"On devait avoir huit ans et on se disputait beaucoup, Draco et moi. Tu me diras, ça n'a pas vraiment changé jusqu'à ce qu'on de retrouve tous les deux dans le même bateau et qu'on ai pas d'autres choix que de faire équipe. Et... donc à nos huit ans, j'ai décidé de faire rouler sur la tête de Draco une voiture mécanique. Les roues se sont emmêlées dans ses cheveux et je lui ai coupé moi-même. Il avait la pire coupe de cheveux que j'ai jamais vu, il a pleuré pendant des heures. J'ai été puni, évidemment, mais pas aussi longtemps que le jour où je l'ai changé en furet..."
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