51) Mardi 13 Juin 1999
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À un doigt de la crise d'angoisse, Flora faisait les cent pas dans l'immense couloir du ministère.
Le bruit de ses talons raisonnait contre le marbre. Elle réajusta une dernière fois sa natte, sa tenue, son maquillage.
"Respire, conseilla Rufus, tu ne dois dire que la vérité."
Flora lança un regard sombre à l'avocat. Lui demander de respirer était un conseil bien idiot.
Dans moins de cinq minutes, la deuxième partie du procès de l'enfant maudit reprendrait avec elle à la barre.
Mattheo, à l'autre bout du couloir, était assit sur un banc, les coudes posés sur ses cuisses, fixant le sol. Cette journée n'avait rien de facile pour personne. Narcissa se tenait à son côté, lui caressant machinalement le dos.
La mère de Draco observait Flora s'agiter nerveusement. La situation devait être atroce pour les amants maudits.
Depuis la guerre, elle n'avait plus jamais entendu parler de Flora jusqu'à ce jour. L'ancienne petite copine de Mattheo acceptait de témoigner en sa faveur. Au fond, Narcissa admirait Flora. Elles avaient beaucoup en commun. Toutes feux protégeaient les personnes qui leur étaient chers, peu importe le prix à payer.
Les immenses portes s'ouvrit et Flora se figea sur place. Deux gardes attrapèrent Mattheo pour l'installer au banc des accusés, Rufus Fleatwood à son côté. Les caméras tournaient déjà. Les photographes mitraillaient chacune de leur respiration. Flora avait envie de vomir. Lorsqu'elle posa un pied dans la salle, on entendait plus que le bruit mécanique des appareils, aveuglant l'assemblée à cause des flash.
Barty Croupton Sr. annonça la reprise de la séance, l'air imperturbable. Le protocole l'y obligeait, Flora posa une main sur la constitution des sorciers, l'autre main sur son cœur.
"Je jure sur la constitution de ne dire que la vérité."
Elle s'installa à la barre, face à Mattheo. De sa place, elle remarqua les prunelles brillantes du garçon. Sa vie se jouait ici et maintenant et sa sentence dépendrait de sa version des faits. Un frisson la parcouru quand Mattheo posa le regard sur elle. Rufus lui faisait signe de respirer.
L'avocate de la partie adverse, une femme d'environs la trentaine, se pencha sur la table, examinant Flora par dessus ses lunettes. La gamine lui semblait fragile et sensible. Il allait être facile de la perturber, de rendre ses propos illogique et décousus. Un petit sourire etendait ses lèvres. Les Mangemorts devaient payés pour leurs actes.
"Présentez-vous, ordonna Croupton.
- Flora Scamander. J'ai 19 ans.
- Quel est votre lien avec l'accusé, monsieur Mattheo Riddle.
- Nous n'en avons pas, précisa Flora en se raptissant dans sa chaise.
- Quel a été votre lien ?"
Silence. La gorge sèche, elle eu du mal à ravaler sa salive. Ses mains tremblaient. Son visage se crispait.
"Amoureux, bafouilla Flora. Nous nous sommes côtoyés de nos 11 ans à nos 18 ans."
Rufus Fleatwood n'en perdait pas une miette, concentré sur chacune des paroles de Flora. Elle avait été préparée par ses soins mais ces deux gamins-là étaient tant imprévisibles et pulsionnels qu'il frôlait la syncope. À tout moment, l'un ou l'autre pouvait dérailler.
"De quand datez-vous l'appartenance de l'accusé au groupe de fidèles ?
- Depuis notre sixième année d'études.
- Détaillez."
Flora inspira profondément en se tenant les bras pour couvrir ses tremblements. Elle entendait les caméras zoomer sur son visage.
"Pendant les vacances...de... de Noël de..."
Elle n'arrivait pas à aligner deux mots, nerveuse et angoissée. Bientôt, le monde entier allait connaître le plus intime de leur histoire. Resasser leur parcours lui donnait la nausée parfumée d'un ingrat sentiment de regret.
Ils avaient toujours été idiots et bornés. Ils auraient dû à tout prix reprendre contact. L'homme assit en face d'elle, celui qu'elle aimerait toujours, allait se marier à une femme qui n'était pas elle. Les larmes lui montèrent aux yeux et elle se croqua sévèrement l'intérieur de la joue. Ressaisis-toi, putain. Il était bien trop jeune pour se marier. De toute évidence, il n'y avait pas que l'amour derrière ce mariage. Elle en était persuadée.
"Madame Scamander ? L'interpella Croupton.
- Pardon."
Mattheo se tenait la tête, inquiet. Sa gesture traduisait de sa nervosité. Il avait peur que Flora n'arrive pas à témoigner. Il se sentait responsable de lui faire vivre un moment aussi dur.
"En sixième année, pendant les vacances de Noël, la famille Malfoy chez qui Mattheo a toujours vécu a refusé qu'il passe les vacances avec moi."
À présent, elle parlait à toute vitesse, se concentrant sur un point imaginaire face à elle.
"Durant ces deux semaines, je n'ai eu aucune lettre de Mattheo. Nous nous écrivions toujours pendant les vacances. J'en avais envoyé une, lui souhaitant de bonnes fêtes, il ne m'a jamais répondu. La rentrée arrive et Mattheo ne se présente pas à Poudlard. Il faudra attendre plusieurs jours avant qu'il ne refasse surface dans un bien piteuse état."
Mattheo ne la lâchait pas des yeux, le cœur battant à tout rompre. Flora, on devrait se casser de là et fuir tous les deux, pensait-il.
"Nous nous sommes retrouvés et nous euhm... avons passé la nuit ensemble. Le corps tout entier de Mattheo était recouvert d'horribles blessures à vif. Son visage est toujours scindé en deux d'un coup de machette."
Les lèvres du garçon tremblèrent. Entendre les pires événements de sa vie relater sans cesse était une épreuve de force mentale.
"Il hurlait dans son sommeil. Je n'oublierais jamais la détresse et la souffrance que j'ai lu dans ses yeux. Il avait un tatouage sur l'avant-bras encore gorgé de sang. Il... il pleurait. J'ai essayé de l'apaiser mais... Mattheo m'a fait comprendre qu'il courait un danger vital et que nous devions nous éloigner afin que ce danger ne m'affecte en rien."
La Poufsouffle tirait nerveusement sur sa natte parfaitement coiffée, prenant naissance en haut de son crâne. Elle avait remit au goût du jour les nattes élaborées.
Flora se sentait en détresse, comme prise dans un ras-de-marrée.
"Très tôt le matin, je suis allée trouver Dumbledore afin de lui demander de l'aide. L'aide m'a été refusée.
- Précisez, ordonna le juge.
- Dumbledore m'a certifié que Mattheo ne courrait aucun danger et que la situation quant au seigneur des Ténèbres était presque maîtrisée."
Surpris, la bouche de Mattheo s'entre-ouvrit. Il ne savait pas que Flora était allée toquer directement chez le directeur.
"Je... je me suis mise en colère contre Dumbledore, je l'avoue. Il avait promis de protéger Mattheo et pourtant, chaque été, chaque vacances, il renvoyait Mattheo au manoir des Malfoys."
Flora détourna le regard, scrutant à présent Mattheo. Ils se regardaient, les yeux dans les yeux, se soutenant ainsi.
"Quand je suis retournée dans la chambre, je..." Elle ravala un sanglot. "Mattheo n'était plus là. Une lettre m'attendait."
Tremblante, Flora donna la lettre au juge. Elle n'avait aucune envie que cette lettre devienne publique. Si Mattheo pouvait disparaître, il l'aurait fait. Le juge rendit la lettre à Flora. Il possédait déjà les copies de toutes les preuves.
"Pouvez-vous la lire, madame Scamander ?"
Tremblante, Flora la déplia, les larmes aux yeux. Elle n'arriverait pas à lire à haute voix de tels mots sans s'effondrer.
"Flora,
Je suis lâche et je m'en excuse. J'ai passé la nuit à réfléchir. J'ai trouvé une solution. Un peu radicale, je te l'accorde. Ainsi, tu ne penseras plus à moi. En fait, tu m'oublieras. C'est l'unique et le seul moyen que j'ai trouvé pour te protéger de moi.
Je n'ai jamais eu aussi mal de ma vie. Je n'arrive pas à saisir l'intérêt de mon existence si elle n'est pas à tes côtés. Je veillerai sur toi, de loin, sois-en sûre.
Tu as été le trésor de ma vie, tout ce que j'ai de plus cher. Tu m'as fais connaître le bonheur, les rires, les bons moments. J'ai tout fait de travers mais je te promets que j'ai toujours essayé de faire au mieux.
Te savoir en peine, surtout par ma faute, ne m'est pas viable. C'est entre autres ce qui motive mon action.
Tu es la plus belle chose qui ne me sois jamais arrivée. Merci d'être toi, merci d'exister. Ta spontanéité, ta sincérité, ton honnêteté, ta loyauté, ta bonté, ta sensibilité... tout ce qui fait que tu es toi m'a servit à la fois d'exemple, de repère et d'apaisement. À croire que nous avons été façonnés l'un pour l'autre. Tu as donné sens à ma vie et mon existence. Imaginer ma vie sans toi me renvoie à mon pire cauchemar.
Même si tu m'oublieras, je porterais nos souvenirs pour deux. Ils vivront toujours dans mon esprit. Je t'aimerais pour deux. Je t'aimerais toujours, sois-en persuadée."
Les larmes ruisselaient sur ses joues. Ces mots la tuaient de l'intérieur. Elle avait envie d'hurler, de tout casser, de mourir. Sa vision était trouble tant elle pleurait, suffoquant à la barre. Le juge allait annoncer une coupure de cinq minutes afin que l'accusé et la témoin puissent respirer cinq minutes mais Flora reprit son souffle.
Rufus Fleatwood avait posé sa main sur l'épaule de Mattheo comme un geste de soutien, ému. L'enfant maudit pleurait silencieusement, les yeux rouge, le cœur déchiré. Il essayait de cacher son visage derrière ses bras pour ne pas être prit en photo en flagrant délit de faiblesse.
"Dans une autre vie, la fin aurait pu être différente. Je nous imagine mariés, heureux, entourés des drôles de bestioles que tu adores et d'enfants. Pardonne moi."
Flora replia vite la lettre, frottant les manches de son pull contre son visage. Elle n'aurait pas du se maquiller. Le noir de son mascara collait à ses joues. Elle imaginait déjà les gros titres de demain, focalisés sur son apparence.
Deux minutes de silence plomblèrent l'auditorium avant que Barty Croupton ne sollicite à nouveau la témoin à poursuivre. Flora renifla, relevant la tête, puisant du courage en plantant son regard dans celui de Mattheo. Il pleurait.
"Mattheo m'a oublietté."
Les flash des photographes s'excitèrent sur eux suite à cette révélation. Flora essayait tant bien que mal de les ignorer.
"Je l'ai donc oublié, poursuivit-elle. Mais Mattheo avait loupé beaucoup de cours, il... il n'a pas bien jeté son sort. Il n'avait pas le niveau."
Un sourire taquin étendit ses lèvres. Mattheo roula des yeux, lui aussi amusé.
"Il a loupé l'école parce qu'il n'avait plus la force de s'y rendre lorsque le monde entier à découvert qui il était. Lui même n'en avait aucune idée. Se fut un choc pour lui. La majorité des élèves de Poudlard le harcelaient."
Ce soir-là, dans la maison biscornue des Weasley, il n'aurait jamais dû partir. En cet instant, Mattheo se rappelait que même si le monde entier avait été contre lui, Flora avait toujours été là, quelque part, de son côté. La jalousie et son état mental de façon générale l'avait fait prendre un mauvais choix, un très mauvais choix. La noirceur le dévorait tout entier à cette époque.
"Je suis retombée amoureuse de Mattheo au détour d'une rangée à la bibliothèque, sourit Flora en y repensant. Aucun sort ne pouvait réprimer mes sentiments à son égard."
Mattheo eu envie de cesser immédiatement le procès, d'évacuer la salle pour se jeter sur Flora et la décoiffer. Cette pensée lui donna mal au ventre. Il vivait encore dans le passé.
"Tous mes camarades ne savaient pas que Mattheo m'avait oubliétté. De fil en aguilles, en parlant avec eux, des souvenirs me revenaient en pleine face, de façon floue et décousue. J'ai retrouvé cette lettre, un soir dans mon dortoir. C'est ainsi que j'ai compris. Mattheo m'a rendu mes souvenirs mais... j'étais fâchée contre lui dans un premier temps. Je lui en voulais terriblement de m'avoir privée de lui, de m'avoir ôter les souvenirs les plus précieux de mon existence toute entière. Je ressentais ce vide laissé chaque jour, je ne me sentais à ma place nulle part sans lui, je..."
Flora se stoppa, remarquant qu'elle se laissait aller et en disant beaucoup plus que nécessaire. Ses sentiments n'apporteront rien à l'enquête. Honteuse, les joues rouge, elle reprit :
"Excusez-moi. Dès lors, nous nous sommes côtoyés de nouveau...
- Précisez.
- Amoureusement et charnellement parlant, bafouilla Flora embarrassée. Afin que je puisse lui pardonner, Mattheo m'a donné un morceau de ses souvenirs."
Flora degaina la fiole où un nuage bleuté flottait. Mattheo se raidit, nauséeux. Dans ce si petit contenant dormait un des pires souvenirs de son existence.
"Ceci est la preuve que Mattheo a été contraint de rejoindre les rangs de son géniteur et de tuer Dumbledore.
- Séance levée le temps d'examiner la preuve, annonça Barty. Pause d'une demi-heure."
Flora se précipita hors de la salle, ignorant la horde de journaliste qui criait son prénom. Elle fonçait un peu au hasard dans les couloirs, cherchant calme et silence.
"Flora ! La happa Rufus. Viens."
Elle s'engouffra dans une petite cuisine presque chaleureuse qui sentait encore le café chaud. Elle déclancha le robinet, plongeant son visage son le jet d'eau froide. Les températures étaient plutôt chaude et le stress chauffait son sang. Sa tête tournait. En frottant, elle essayait de retirer le mascara de ses joues.
"Merci, Flora." fit Mattheo en pénétrant à son tour dans la cuisine.
Flora se retourna vers lui, retenant ses larmes, et se jeta dans ses bras. Rufus souffla en roulant ses yeux. Les contacts physiques entre accusé et témoin n'étaient pas vraiment recommandés mais il ferait une exception pour ces deux pauvres petits.
Mattheo serra Flora fort contre lui, enfoncant son nez au creu de son cou, reniflant son odeur. Ses lèvres touchaient sa peau. Ce fut la sensation la plus agréable qu'il eu à vivre depuis très longtemps. Depuis la dernière fois qu'il avait pu la toucher, à vrai dire.
Les deux bras de Flora autour de son cou, sur la pointe des pieds, elle explosa en sanglots dans ses bras. Ce sentiment de n'être à sa place nulle part, avec personne, elle le ressentait toujours des années après. Elle avait oublié qu'il y avait bien une personne sur terre avec qui elle se sentait elle-même.
Ils se détachèrent, secoués, émus, troublés. Il lui tenait fermement les hanches, elle lui tenait fermement les poignets. Les yeux dans les yeux, plus rien n'existait autour d'eux en cet instant. Sans compter Rufus, qui s'immisca entre eux afin de les obliger à tenir une distance plus respectable.
"Les enfants ! Souffla Fleatwood. Buvez un coup !"
Il leur tendit deux verres d'eau frais qu'ils engloutissèrent.
"Vous avez été courageux, bravo."
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