22) Sang Mêlé

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« Où penses-tu aller comme ça ? » cria Flora, la voix rauque de colère.

Confus, Mattheo se retourna vers elle. Jamais il ne l'avait vu dans un tel état d'énervement. Son cœur battait vite, la suite des événements lui faisaient vraiment peur.

« Chercher Draco. »

Après tout, il n'était qu'un Serpentard. Lâchement, le garçon continua sa route comme s'il savait parfaitement où son compagnon avait disparu.

« Parfait. Je cherche Harry. »

Flora, bouillonnante, le suivait à la trace. C'était terminé pour eux. Elle ne laisserait pas de répit à ces deux traites. Encore moins à Mattheo.

Il n'y avait pas plus impardonnable trahison à ses yeux que de lui avoir retirer un bout de sa vie, un morceau de sa mémoire. Personne n'avait le droit de se permettre un tel contrôle sur elle. Encore moins pour de mauvaises raisons. Avec inconséquence, Mattheo lui avait volé un bout de son identité, de son histoire.

Un cri résonna dans tout le château. Le cri d'une souffrance qui valait mieux la mort. Les poils de Mattheo s'hérissèrent, ce déchirement venait de le ramener à d'affreux souvenirs de torture. Flora et lui-même se mirent à courir en direction du bruit à présent étouffé : dans les toilettes des garçons.

La tuyauterie avait explosé, de l'eau giclait du plafond au sol. Plus un bruit. Seul de lointain gémissements. Flora dégaina immédiatement sa baguette, s'avançant courageusement dans l'endroit inondé. Son pouls battait des records de pulsation. À son tour, elle lâcha un cri d'effroi en découvrant ce qui semblait être un cadavre sur le sol.

L'eau se tintait d'un rouge vif. L'odeur du fer se mélangeait à l'odeur du savon. Harry se tenait là, tétanisé, des giclures rouge sur le visage. Il tremblait de tout son être. Le corps de Malfoy gisait sur le sol, le visage noyé dans une flaque d'eau et de sang.

« Mon dieu Harry ! »

Mattheo se précipita sur l'inconscient, ahurit. Il essaya de la retourner sur le dos pour lui éviter la noyade et l'étouffement.

« Harry ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ? »

Flora lui attrapa le visage. Le sorcier à lunettes ne répondait plus de lui. Le regard éteint, la bouche entre-ouverte, le teint livide.

« Il faut aller chercher quelqu'un ! S'époumona Flora.
- Non ! S'opposa fermement Mattheo.
- Je... je... c'est le sort sur mon livre, je... »

L'uniforme de Mattheo se teintait du sang que perdait son faux frère. Tous les trois trempés jusqu'à l'os, paralysés, ne sachant pas quoi faire.

« Dégagez de là immédiatement, vous deux ! »

Servus Rogue entra en trombe, désignant de sa baguette les deux intrus.

« Dehors ! Dégagez ! Quant à vous Potter... »

Mattheo tira de force Flora hors des toilettes. Il avait confiance en Rogue. Il savait qu'il était du mauvais rang, comme lui, mais qu'il était assigné à Poudlard pour assurer leurs arrières. Le bourdonnement dans ses oreilles reprit.

Aussi bien le vert que la jaune tremblaient de froid et de choc en se retrouvant dans l'immensité du couloir de l'école. Flora avait les yeux humides, plus que tout le reste de son corps.

« Il est mort ? »

Mattheo hocha négativement la tête en s'agitant nerveusement.

« On ne peut pas rester comme ça. »

Mattheo montra d'un geste de main tremblant les habits trempés et ensanglantés qu'ils portaient.

« Si quelqu'un nous voit, on..., bafouillait-il.
- On quoi ? Répéta Flora, les joues rouge de colère. On risque découvrir que vous êtes des putains de Mangemort ?
- Arrête ça.
- La ferme, Riddle ! Je te hais. »

Il savait lire en elle après toutes ces années de pratique. Flora était une sorcière particulièrement sensible, un peu comme lui. Leurs émotions prenaient très souvent le dessus. Et là, Mattheo pouvait le deviner dans ses gestes et ses paroles, la colère la dominait. Et Flora risquait de faire quelque chose de totalement fou, qui mettrait son plan et sa vie en péril. Alors qu'elle avait pour projet de lui tourner le dos et de s'enfuir, Mattheo réagit.

« Flora ! »

Il l'attrapa de force par la taille, la jeta sur son épaule et prit la direction de la salle sur demande. Ils devaient vite se cacher avant de croiser quelqu'un. Flora hurlait, se débattait, lui tirait les cheveux, lui mordait l'épaule.

« Lâche moi ! Ne me touche pas !
- Putain, Flora ! Aïe ! Arrête de me mordre, ça fait mal ! »

Elle réitéra, encore plus fort. La salle se dessina entre deux portes du couloir. Mattheo fonça, la fugitive commençait à lui glisser des mains. Il la balança sur la terre ferme tout en fermant la porte aussi rapidement que possible, à bout de souffle. Elle l'avait mordu tellement fort qu'il sentait encore ses crocs au plus profond de sa chaire. La marque qu'elle lui avait laissée le lançait déjà de douleur.

« Relâche moi ! Au secours ! »

Flora tambourinait la porte de ses poings recouverts d'eau et de sang.

« Calme toi.
- Ne me dis pas quoi faire ! »

Une haine viscérale brûlait dans ses prunelles de miel. Il avait perdu Flora de son seul fait, la magie n'avait même pas été nécessaire.

« Je sais tout, Mattheo ! Je sais que tu m'as volé MES souvenirs, MA vie, MA mémoire ! »

Vu sous cet angle, la culpabilité attrapa Mattheo par la gorge pour l'empêcher de respirer. Il s'éloigna en retirant sa chemise, jetant le tissu imbibé sur le sol. Il attrapa le pull qu'il portait hier soir, lors de leur traditionnelle excursion nocturne, qu'il avait, par chance, retiré. Sa chemise blanche était à présent rouge vive.

« C'est pas parce que tu te fous à poil devant moi que je vais me taire ! »

Elle marqua un arrêt, surtout pour reprendre son souffle qui se vidait à force de crier et de s'agiter.

« Tu dois vraiment être un mauvais Mangemort. Tu n'arrives même pas à jeter un sort correctement.
- Calme toi ! »

Il lui avait répondu en criant, lui aussi commençait à s'énerver. Sa colère fit taire Flora dont les yeux s'embuèrent à nouveau. Des souvenirs qu'elle avait encore, jamais il ne lui avait parlé de cette façon. Elle se laissa glisser le long de la porte, désespérée. Son uniforme était fichu, bon pour la poubelle. Elle sentait l'épaisseur chaude et gluante du sang lui couler le long du cou. Tremblante de froid, elle essora sa chemise à présent froissée.

Mattheo fouilla la pièce à la recherche de quelque chose de sec. Heureusement qu'il pensait à toujours cacher leurs ténébreuses manigances. Il ne trouva rien à part un plaid et un blaser noir appartenant à Draco. Son parfum, une eau de Cologne forte et boisée, émanait encore du vêtement. Le Serpentard les tendit à la Poufsouffle qui lui arracha des mains.

« Tourne toi. »

Il obéit, un peu à contre cœur. Flora retira à son tour sa chemise et enfila le veston un peu trop grand, prenant soin d'attacher les boutons.

« C'est bon. »

Elle s'enroula dans le plaid. Son corps tout entier était glacé.

« On peux y aller, maintenant, déclara t-elle froidement.
- Quand tu seras calmée.
- C'est ta présence qui m'énerve.
- Te dire que je suis désolé ne changera rien, j'imagine.
- En effet, surtout avec si peu de sincérité. »

Il ne l'était pas vraiment. Jamais il ne serait désolé d'avoir essayé de la protéger. Il était plutôt désolé de ne pas avoir su jeter convenablement ce maudit sort d'oubli.

Sans trop savoir que dire, il s'assît à son côté, silencieux. Enfin un peu de calme. Plus un son, plus un bruit, juste un peu de répit. Un an sans se parler, sans se voir, se toucher, sans lien véritable lui semblait une éternité. Une autre vie. Un autre lui. La Poufsouffle était, à présent, une inconnue qu'il connaissait par coeur.

" C'est de ma faute, lâcha Flora en soufflant.
- Absolument pas..."

Une grimace de désapprobation étira son visage fatigué.

" Si je ne m'étais pas opposée à ce que tu fasses le serment inviolable avec Harry, cette rentrée-là, tout serait différent. "

Un lourd silence s'abattu à nouveau sur eux. Mattheo n'avait jamais vu l'histoire sous cet angle-là. Dans le Poudlard Express, Flora avait fait preuve d'optimisme et de confiance. Sa naturelle naïveté juvénile la degoutait profondément, maintenant qu'elle réalisait son erreur.

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