19) Argent et opale
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Encore trempée et en sueur, Flora se précipitait à pas de géant dans le dortoir des Poufsouffle, sous le regard alarmé de ses compères. Elle avait l'air d'une dingue, avec tout ce noir sur ses joues, son équipement souillé par la tempête et les cheveux en pétard.
Le regard de ses camarades, elle s'en fichait pas mal. Flora avait toujours eu des difficultés à se faire des amis, à aller vers les autres. Certaines relations sociales la mettait vraiment mal à l'aise. Parfois sans filtre, un peu trop spontanée et émotionnelle, elle avait l'impression de ne pas être assez intéressante et normale pour plaire aux autres. En fait, elle avait l'impression que les codes sociaux ne lui serait jamais iné.
Flora décida d'abord de vider sa table de chevet : des tonnes de vieux livres, ses lunettes de vue qu'elle ne portait jamais, des bagues en or, un marque page, des tonnes de notes qu'elle prenait sur papier volant et quelques photos.
Elle prit le temps de tout inspecter. Les bagues, ok, elle les avait acheté un été en Amérique du Sud.
Les livres, ok, de toutes façons elle en possédait tellement qu'elle ne savait plus lesquels elle avait lu ou non. Les notes, ok, des choses sans importances.
Les photos, en revanche, lui semblaient étrange. Flora les étala par terre, par ordre chronologique.
La première à ses onze ans, avec Salem alors qu'il était bébé, dans les jardins de Poudlard. La photo semblait prise comme un autoportrait, le bras tendu. Problème : elle tenait Salem de ses deux bras. Comment avait-elle réussit à prendre cette photo si elle ne tenait pas l'appareil ?
La seconde photo datait de l'année d'après. Son anniversaire, au tout début de l'été, juste avant la fin de l'école. Elle soufflait ses douze bougies, des étoiles dans les yeux, le nez plissé, dévouée à la tâche. Derrière elle, trois amis de l'école et sa cousine Luna. Sur la table, Flora comptait pourtant cinq sachets à offrir aux invités rempli de diverses friandises.
Elle s'arrêta plus longtemps sur la dernière photo, plus récente que les autres. Flora portait une robe bleue à fines bretelles, une veste d'homme sur les épaules, ses cheveux tirés et plaqués d'une élégante natte. La robe appartenait à Hermione, son souvenir en était limpide. La veste, en revanche, elle ne savait plus qui le lui avait prêté.
C'était le bal de Noël, le temps était glacial et pourtant, elle ne se souvenait pas d'avoir eu froid. Elle portait cette veste juste comme ça, par plaisir et non par necessité.
Flora creusa sa mémoire, autant que possible. Ce bal ne l'avait pas tant marqué. Une brève danse avec Malfoy, beaucoup de fou rires avec ses camarades. Pourtant, sur cette photo se lit sur son visage la joie d'une nuit qui ne s'oublie pas.
Quelque chose clochait avec sa mémoire. Maintenant, elle en était persuadée. Tout le monde se comportait de manière étrange, elle ne saisissait pas les sous-entendus.
Ces souvenirs qui lui revenaient furtivement étaient bien réel. Mattheo avait fait parti de l'armée de Dumbledore et elle ne s'en souvenait pas. Étrange, vu l'effet qu'il lui avait fait lorsqu'elle l'avait remarqué à la bibliothèque.
Draco l'avait bien poussé de son balais pour l'inviter à sortir. Encore plus étrange car il avait le don de l'irriter et de taper au bon endroit pour la blesser.
Il fallait qu'elle soit maligne et ne montre pas ses doutes : la persévérance la mènerait à la vérité.
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Mattheo tournait en rond dans la salle sur demande, une fiole de poison entre les mains. Il avait été presque trop facile de la dérober en cours de potions. Alors qu'il repensait nerveusement à son plan, la nuit était tombée. La plus part des élèves avaient déjà trouvé le sommeil, le château était plongé dans un calme plat. Ses nuits n'avaient rien de reposantes. L'angoisse que lui générait cette mission l'empêchait de dormir. Jamais il n'aurait voulu voir son école sombrer dans le chaos, encore moins le monde des sorciers et des moldus tout entier. La peur de la mort lui tordait les entrailles.
Draco, avec sa machine à disparaître, essayait tant bien que mal de la faire fonctionner. Il râlait et soupirait face à ses multiples échecs. Mattheo le trouvait bien trop investit. La vérité était que lui aussi mourait de peur. Lui non plus n'avait pas eu le choix que de perpétuer les désastreux choix de son père. Au fond, ils étaient pareils. L'un plus soumis que l'autre, l'un plus rebelle que l'autre.
Mattheo versa le poison dans du vin. La boisson mortelle avait pour destinataire Dumbledore. À contre-cœur, Mattheo referma le bouchon en souhaitant profondément que le plan échoue. Jamais il n'aurait du s'affaiblir au point de n'avoir plus le choix que de se plier au serment inviolable.
Malheureusement, il ne voyait aucune issue. La moindre désobéissance le foudroierait sur place. Il n'existait pas de contre sortilège au serment inviolable. Il en serait libéré si et seulement si Voldemort trouvait la mort -chose plutôt impossible en vue de son immortalité.
« Je vais aller reposer le vin. » déclara Mattheo en se dirigeant vers la sortie de la salle sur demande.
Alors qu'il s'y dirigeait, les deux garçons entendirent un pas de course résonner dans le couloir extérieur.
« Quelqu'un nous a suivit ? »
Mattheo l'espérait, au fond. Ses lèvres étaient cousues alors qu'il rêvait plus que tout de hurler la vérité.
« Je ne crois pas... » lui répondit Malfoy en se concentrant à nouveau sur son projet.
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Les pas de Flora s'enfoncèrent dans la neige qui avait recouvert tous les alentours du château. Perdue dans ses pensées, les mains emmitouflées dans les poches de son épais manteau, elle revenait d'un après-midi au Pré-au-Lard.
Elle avait préféré ne pas rester trop longtemps, laissant ses amis derrière elle. Les flocons se coinçaient dans son épaisse natte. Son cœur était lourd de tristesse. La provenance de cette mélancolie lui restait inconnue. Elle ne se sentait plus à sa place auprès de ses amis, ni avec personne d'autre. Une bourrasque de vent la fit frissonner, les extrémités de son corps étaient glacées.
Seule sur le chemin du retour, elle s'inquiéta d'entendre la neige craquer lourdement sous le poids d'une personne en chasse. La Poufsouffle se stoppa, essayant de distinguer quelque chose à travers les boules de coton qui tombaient du ciel.
« Hey ! » cria t-elle en distinguant une masse noire se diriger vers elle.
C'était une silhouette masculine, une grande taille, des épaules développées, des bras imposants. Sa gorge s'assécha quand son cerveau identifia parfaitement la personne qui courrait quelques mètres plus tôt. En l'apercevant, Mattheo avait stoppé sa course et marchait vers elle.
« Pourquoi tu cours ? » lui demanda Flora alors qu'il lui passait à côté.
Mattheo ne répondit pas, marcha quelques pas avant de faire demi tour pour se planter devant elle.
« On fait le chemin ensemble ? Proposa t-il. C'est dangereux, dans le coin. »
Son intonation de voix ne présageait rien de bon. Anxieuse, Flora le suivit de près, guettant les alentours. Les conditions météorologiques empêchaient vraiment une bonne vision de leur environnement. Elle n'osa pas demander quel était le danger ni même s'il courait pour y échapper. Une bonne poignée de minutes passèrent pendant lesquelles le silence régnait. On entendait surtout le vent siffler au travers des sapins enneigés.
Un an déjà, pensait le Serpentard. Une année plus tôt, tout allait bien dans le meilleur des mondes. Ils se tenaient la main, chahutaient, s'embrassaient. Et puis, le monde lui était tombé sur la tête une seconde fois. En un claquement de doigts, Mattheo était devenu Le Souverain des Ténèbres, monté au rang de prince par les fidèles et l'infiltré de Voldemort. Rien que d'y penser, son bras le démangeait.
« Je suis désolé pour hier, souffla Mattheo. Je ne voulais pas t'énerver. »
Être le seul à se souvenir était véritablement douloureux. Flora regardait ses bottines creuser la neige à mesure qu'elle s'avançait sur le chemin, silencieusement perturbée. Les papillons dans son ventre s'entrechoquaient. L'effet que ce Serpentard avait sur elle était invraisemblable.
« Je... je me suis emportée.» admit la Poufsouffle.
À nouveau, l'inconfortable silence les enroba. Le cœur de Flora battait bien trop fort. Elle devait dire ou faire quelque chose sinon ce garçon allait lui échapper à tout jamais. De sa vie entière, personne n'avait eu un si fort impact juste avec un regard. Sa personne toute entière l'hypnotisait. Ils étaient bientôt arrivés. Elle tremblait de froid. Le visage de Mattheo était rougit par les baffes que lui assénait les bourrasques.
« Tu vas au bal de Noël de Slughorn ? Demanda Flora tandis que Poudlard se dessinait devant eux.
- Non, sourit Mattheo, ce n'est pas franchement ma tasse de thé. Ni celle de mes amis.
- Si jamais tu... si jamais tu changes d'avis, viens avec nous. Je... je crois que tu n'es pas forcément ami avec Harry ou même Hermione, mais ils sont supers ! »
Les mains de Flora tremblèrent de stress. Elle se tripotait les doigts, chose que Mattheo remarqua immédiatement. Il la connaissait par coeur.
« Tu m'invites, princesse ? »
Les joues de Flora s'empourprèrent tandis que Mattheo regretta instantanément ses paroles. Le but n'était pas de la séduire une seconde fois mais bien de l'éloigner pour toujours de lui.
« Je...non, bafouilla Flora, c'est juste dommage de manquer le bal, d'être seul dans ton dortoir alors qu'on pourrait s'amuser tous ensembles. »
Mattheo lui jeta, malgré lui, un regard douloureusement désolé. Il se revoyait courir à travers les couloirs de l'école, déchiré entre l'excitation et la crainte, pour l'inviter à danser. Son estomac se noua. Il revivait leurs souvenirs en boucle dans sa tête pour tenir le coup. S'il faisait tout cela, c'était dans l'unique but de la protéger. Autrement, il se serait laissé mourir.
Tous les deux plantés devant la majestueuse entrée de Poudlard, ils se regardaient, les yeux brillants, ne sachant que dire pour conclure cette maladroite conversation. Aucun des deux n'avaient envie de conclure. Au même instant, un groupe d'élèves arrivèrent en trombe, paniqués et agités.
« Katie Bell a été ensorcelée ! Hurlaient-ils. Allez chercher le professeur Dumbledore ! »
Harry, les yeux sombres, arrivait au même moment, tenant un bijou dans la main. Il s'approcha de Flora, toisant Mattheo. Mattheo lui offrit un petit sourire en coin, presque arrogant et moqueur, une attitude qui avait tout pour l'inculper.
« Ne reste pas là, ordonna Harry la voix tremblante de colère, je pense que tu n'es pas bien entourée. »
Le sorcier à lunettes la tira loin de Mattheo en pénétrant dans l'école.
« Ça aurait pu être toi ! Se fâcha Potter.
- Il était avec moi ces trente dernières minutes ! S'exclama Flora. Il n'a rien fait, je... »
Elle se souvenait de l'avoir vu courir. Elle se souvenait qu'il lui avait affirmer qu'un danger rôdait. Était-il ce fameux danger ?
« Lui ou Malfoy, cela ne fait pas de différences, Flora ! C'est eux. »
Elle déglutit alors que le Gryffindor la traînait toujours par le bras à travers la foule paniquée. Elle se retourna vers Mattheo, toujours planté à l'entrée. Son cœur se serra si fort qu'elle cru qu'il ne fonctionnait plus. Dans tous les cas, il avait certainement voulu la protéger. Seule, soucieuse et inattentive, elle aurait été une victime parfaite.
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Les cheveux trempés, remontés d'un chignon, Vêtue de son pyjama d'hiver, Flora se jeta dans le lit. Salem lui grimpa dessus. Lui aussi était fatigué après avoir vagabonder dans l'école toute la journée. L'animal miaula en frottant sa tête contre la main de sa maîtresse qui saisit tout de suite le message et le caressa. Salem ronronnait très fort.
« Quelque chose cloche, mon petit chat, lui chuchota Flora. Mais quoi ? Bonne question. »
Les grands yeux vert de Salem se plissèrent. Il s'allongea sur la poitrine de la Poufsouffle, profitant de la chaleur qui émanait de son corps. Flora lui claqua un bisou entre les deux oreilles.
« Tu veux une friandise ? »
À l'entente du mot, les deux oreilles du chat se dressèrent et il se leva immédiatement, impatient. Flora pouffa de rire et tendit son bras en direction de sa table de chevet. Salem s'excitait, il savait très bien quels trésors se cachaient dans ce tiroir. Sa maîtresse farfouilla l'intérieur du meuble, un parchemin plié en quatre attira son attention.
« Tiens, qu'est-ce que c'est que ça ! Tu sais, toi ? »
Salem miaula, l'air de dire on s'en fiche de ton papier donne-moi une friandise ! Flora posa la lettre sur le lit, donna à Salem sa récompense. Il s'en léchait les babines. Enfin, elle déplia le mot. Aucun souvenir d'avoir rangé ici un parchemin.
« Flora,
Je suis lâche et je m'en excuse. J'ai passé la nuit à réfléchir. J'ai trouvé une solution. Un peu radicale, je te l'accorde. Ainsi, tu ne penseras plus à moi. En fait, tu m'oublieras. C'est l'unique et le seul moyen que j'ai trouvé pour te protéger de moi.
Je n'ai jamais eu aussi mal de ma vie. Je n'arrive pas à saisir l'intérêt de mon existence si elle n'est pas à tes côtés. Je veillerai sur toi, de loin, sois-en sûre.
Tu as été le trésor de ma vie, tout ce que j'ai de plus cher. Tu m'as fais connaître le bonheur, les rires, les bons moments. J'ai tout fait de travers mais je te promets que j'ai toujours essayé de faire au mieux.
Te savoir en peine, surtout par ma faute, ne m'est pas viable. C'est entre autres ce qui motive mon action.
Tu es la plus belle chose qui ne me sois jamais arrivée. Merci d'être toi, merci d'exister. Ta spontanéité, ta sincérité, ton honnêteté, ta loyauté, ta bonté, ta sensibilité... tout ce qui fait que tu es toi m'a servit à la fois d'exemple, de repère et d'apaisement. À croire que nous avons été façonnés l'un pour l'autre. Tu as donné sens à ma vie et mon existence. Imaginer ma vie sans toi me renvoie à mon pire cauchemar.
Même si tu m'oublieras, je porterais nos souvenirs pour deux. Ils vivront toujours dans mon esprit. Je t'aimerais pour deux. Je t'aimerais toujours, sois-en persuadée.
Dans une autre vie, la fin aurait pu être différente. Je nous imagine mariés, heureux, entourés des drôles de bestioles que tu adores et d'enfants.
Pardonne moi.
Mattheo. »
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