117) Cruel Winter

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TW : enterrement

Cet hiver semblait éternel.

Interminable.

Le ciel gris se couvrait d'une infinité de nuages que le vent bousculait les un dans les autres, ne formant plus qu'une masse côtoneuse.

Le cri des corbeaux glaçait le sang de Flora, à moins que cela ne soit dû à la réception qui se déroulait non loin de là.

Le vent la repoussait en arrière. Les arbres étaient nus de toutes feuilles et les tombes de toutes fleurs.

Personne ne pleurait face au grès ou une épitaphe à moitié effacée.

À l'orée du cimetière, les yeux fixés sur un petit groupe de moins de dix personnes, Flora attendait, capuche vissée sur la tête, le dos droit pour ne pas trahir son anxiété.

Un enterrement se déroulait en cet instant même et elle ne figurait pas sur la liste des invités.

Le problème qui se posait était que la personne qu'elle cherchait absolument n'était pas présente. Pourtant, à son contraire, cette personne avait tous les droits de participer à la cérémonie.

Aucune chevelure blonde, flamboyante et convenablement coiffée n'attirait son œil.

Puis, progressivement, les endeuillés quittèrent cet endroit tapotant le coin de leurs yeux avec un mouchoir en tissu.

Le cerceuil cloué, il fut emmené dans le beau tombeau familial qui ressemblait à la tour d'un modeste château d'époque.
Quelque chose de bien trop immense et pittoresque pour une âme aussi souillée et sombre.

Flora ne s'était jamais rendue au cimetière pour y voir son père. L'idée même de s'y rendre la rendait nauséeuse. Elle avait l'impression de sentir sous ses pieds tous les ossements des cadavres et de les détruire au moindre pas.

Elle n'avait pas ce courage. Celui d'affronter un carré de grès, triste et sombre, et de se faire à l'idée qu'en dessous, le corps de son adoré père s'était fait dévoré par des vers.

La vie après la mort ; elle l'espérait mais n'y croyait qu'à moitié.

En tout cas, sa famille ne possédait pas de tombeau familial. La plèbe, humble et précaire, se faisait recouvrir de terre. Ni plus, ni moins.

Tout son courage rassemblé, alors que le soir menaçait d'assombrir le cimetière, elle se dirigea vers ce fameux caveau.

Entretenu, fleurit, presque chic. Le nom de Greengrass y était gravé en lettre d'or.

Aujourd'hui, l'entourage de Gareth lui avait dit au revoir.

Contrairement à toutes attentes, cela avait été un événement privé, discret et en petit comité. Avoir été entouré des plus puissants de ce monde ne lui avait pas assuré foule.

Il restait bien une personne, devant les sépultures, qui réajustait les fleurs, recomposait les bouquets en sanglotant. L'unique être vivant réellement affecté de cet enterrement.

Ses cheveux bruns étaient tirés en une queue-de-cheval basse et son visage caché derrière une paire de lunette de soleil conséquente. Le joli trench noir qu'elle portait carressait les graviers dès qu'elle se penchait pour ramasser un vase ou un bouquet.

Flora balaya les horizons : personne en vue, sauf l'équipe d'entretien à l'autre bout.

Si Astoria criait, ils risquaient de débarquer.

Cette dernière se fit bousculer brusquement dans le tombeau et dévala sur les fesses les marches. Elle ne cria même pas, bien trop surprise.

Flora referma derrière elle le grillage d'un coup de baguette et abaissa sa capuche, le visage tiré.
Elle semblait tellement plus triste que tous les invités présents.

La première réaction d'Astoria fut la colère. Noire, intense, gardée en elle depuis bien longtemps.
Elle remonta les marches et assena à Flora une gifle monumentale dont le claquement résonna contre les parois humides du tombeau.

"Qu'est-ce que tu fiches ici ? Fulmina Astoria. Dégage ! Dégage !"

Sa rage était presque animale. Son poing serrait sans vergogne le col du pull de Flora, la privant d'air.

Scamander était la dernière personne qu'elle aurait souhaité voir en ce jour si lugubre.

Astoria plaqua avec fureur Flora contre le grillage rouillé, du feu dans le regard. Ses joues étaient encore humides tant elle avait pleuré la perte de son paternel.

Certes, Gareth n'avait pas été le père le plus aimant ou le plus conciliant ; mais il demeurait son dernier parent. Maintenant, elle était orpheline. Seule. Et Astoria n'avait aucune idée de comment y survivre. Sa vie avait basculée pour le pire en l'espace de quelques mois et la raison de tous ses problèmes se trouvait devant elle.

"Espèce de monstre, cracha Astoria entre ses dents, tu as tué mon père, tu as fait enfermé Draco ! Je sais qu'il n'a rien fait ! Tu l'as engrainé. Il est assez naïf pour suivre n'importe qui !"

Flora réussit à enfin se défaire de la prise de l'autre jeune femme, le visage rouge. Ses mains tremblantes frottait frénétiquement son cou pour y faire circuler l'air. Elle coula un regard sombre à Astoria, désaprouvant ses accusations.

"Draco avait pour projet de tuer ton père et je n'ai rien à voir là-dedans, la corrigea Flora, il voulait le faire pour que vous puissiez vivre votre amour."

Le visage de la belle brune se décomposa. Elle blêmit, devenant plus blanche que la neige qui fondait dehors.

Flora glissa une main dans la poche de sa veste, le cœur battant au ralenti.

"Je suis vraiment désolée de faire ça ici et maintenant..."

À travers le verres des lunettes, on pouvait apercevoir les pupilles d'Astoria s'équarquiller de terreur.
Comment une Poufsouffle pouvait lui faire si peur ? N'étaient-ils pas tous des anges immaculés ? Le Choixpeau s'était peut-être trompé sur son compte.

"Je dois savoir où se trouve Daphnée, reprit Flora, et je ne partirai pas d'ici sans réponses."

Ses lèvres pincées et ses sourcils droits traduisaient d'une intransigeance.

En cet instant, Astoria comprit.
La loyauté. C'était donc ça. Être capable du meilleur comme du pire pour l'être aimé. Être capable de tout et ne jamais l'abandonner.

Sa peur augmenta d'un cran supérieur. Son pouls s'affolait contre ses tempes. Les Poufsouffle étaient réputés pour cette loyauté sans faille.

"C'est des menaces ? Demanda Astoria, la voix tremblante.
- De la prévention. Si tu me le dis, tout ira bien. Je n'ai aucune envie d'en arriver-là, crois-moi."

Flora était sincère. Une autre qualité des Poufsouffle. Ils étaient de piètres menteurs.

La gorge d'Astoria s'assécha et elle recula de plusieurs mètres, assurant un distance de sécurité entre elles.
Elle n'avait pas prit sa baguette, la jugeant d'inutile pour un enterrement.

"Je ne sais pas où se trouve ma sœur, avoua Astoria en se protégeant avec ses mains, reculant à mesure que Flora s'avançait vers elle. Je le jure ! Mon père était parti la délivrer de chez Riddle. Ne me regarde pas comme ça ! Je voulais simplement que Draco la protège de notre père !"

Flora se stoppa, nauséeuse, mais n'en montra rien.

"Tu t'es adressé à la mauvaise personne. Il ne l'a jamais protégé. Il a utilisé Daphnée comme prétexte pour attirer Gareth et le tuer."

Un nœud gonfla dans la poitrine d'Astoria. Tout portait à croire que Draco était réellement coupable. Qu'il avait assassiné Gareth. Pourtant, au fond d'elle, elle savait que cela ne lui ressemblait pas. Une telle magie, aussi puissante, n'avait jamais été dans les cordes de Draco. Il était bon, certes, mais avait abandonné la pratique de la magie noire et des sorts interdits depuis quelques temps.

Et surtout, la puissance... Draco n'aurait jamais été capable d'aller au bout de son plan.

"Je me suis occupée de ta sœur et de son fils, lâcha finalement Flora après un silence. Il s'appelle Edan. Il est en bonne santé et elle s'occupait plutôt bien de lui, je dois l'admettre. J'ai besoin de les retrouver pour régler une affaire importante.
- J'ignore où ils sont et il n'y a pas d'affaire qui concerne ma sœur et qui ne me concerne pas."

Le cœur de Flora eu plusieurs loupé en réalisant la suite qu'allait prendre les événements.

Elle ne pouvait être certaine qu'Astoria disait la vérité et si elle voulait sauver Mattheo d'une façon ou d'une autre, elle allait devoir se résoudre à des méthodes peu convenables qui ne lui ressemblaient pas.

Mais elle n'avait pas le choix.

Sans Mattheo, son monde s'éffondrait. Il ne devait pas mourir. Il ne le méritait pas.

En voyant le visage de Flora se transformer de chagrin et ses yeux se remplir d'eau ; Astoria comprit qu'elle lui demandait silencieusement pardon.

La baguette de Flora se trouvait pointée droit entre ses deux yeux.

"Je dois repartir avec des réponses. C'est une question de vie ou de mort."

Astoria se jeta aux pieds de Flora, suppliant :

"Je ne sais rien, je ne sais rien du tout ! Épargne-moi, fais ce que tu veux mais ne me tue pas !"

Flora s'abaissa à son niveau, les genoux repliés contre son ventre. Elle les sentait trembler à travers ses vêtements, sa peau et sa chaire. Sa main libre trouva celles de l'autre jeune femme.

"Je ne vais pas te tuer, Astoria. Ce sera plus difficile pour moi que pour toi."

Le bout de sa baguette glissa délicatement contre les cheveux lisses et soyeux de la brune. Les lèvres de Flora chuchotèrent :

"Impero."

La seule et unique fois où Flora se rappelait savoir usé d'un sort interdit était le sortilège de la mort, pour sauver -vainement- Fred.

À cette époque, durant la guerre et sur le champ de bataille, tous les moyens étaient bons. Avada Kedevra était largement autorisé.

La guerre était finie, à présent, et l'utilisation de sorts interdits était réprimandée.

Ce que le gouvernement ne voulait pas entendre, c'est que d'autres batailles se menaient au quotidien et, sans aide, les mêmes règles que pendant les règles étaient appliquées.
Quand la survie est en jeu, la fin justifie les moyens.

Du moins, c'est ce que Flora se répétait en retirant les lunettes d'Astoria afin d'examiner la couleur de ses prunelles : d'un vert nébuleux, signe de magie noire.

Partagée entre la satisfaction d'obtenir des réponses et la désolation de telles méthodes, Flora se pencha vers Astoria, prête à récolter les informations qu'elle cherchait.

"Où est Daphnée ?
- Je l'ignore. Je n'ai pas vu ma sœur depuis le jour où elle a quitté le Manoir en compagnie de Draco."

Flora fut prise de vertiges. Son souffle se saccadait en réalisant qu'Astoria n'était pas en mesure de l'aider.

Daphnée s'était volatilisée dans la nature et personne ne l'avait vu depuis des semaines.

Elle était partie, emportant avec elle une partie décisive de l'avenir de Mattheo : leur fils. Celui qui, à en croire la prophétie, tuerait son père de la même façon que son propre géniteur avait tué le sien.

Le sol se dérobait sous ses pieds et une douleur insurmontable poignardait ses côtes.

Il n'y avait pas de solution autre que de se résoudre au destin.

Si Daphnée élevait Edan sans jamais mentionner l'autre parent, l'enfant n'éprouverait certainement aucun remords ni aucune haine en son égard.

Beaucoup reposait sur Daphnée Greengrass et elle l'ignorait complètement. Elle n'aurait certainement jamais voulu épargner Mattheo de quelque façon qu'il soit, pas sans chantage au bout. Elle aurait exiger quelque chose en retour, certainement un mariage.

Dans ce cas-là, un autre sort interdit aurait dû être utilisé. Sur Edan et peut-être même sur sa mère.

Mais voilà, plus rien n'était envisageable à présent.

Daphnée s'était volatilisée et l'unique personne en mesure de connaître sa cachette ne savait strictement rien.

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D

e retour à la maison, Flora s'efforça de sourire comme elle le faisait quotidiennement depuis des lustres. Elle expira le poids qui compressait sa poitrine par la bouche et pénétra dans leur chambre.

De la musique tournait, le volume assez fort pour que Mattheo ne l'ai pas entendue et sursaute à sa vue. Il rit de bon cœur, embrassant le haut de son crâne. Le garçon tenait dans ses mains une vis et montra d'un geste de la main le mur.

Flora se retourna et sourit. Il s'était donné du mal pour décorer cette jolie maison qui était à présent la leur. Des cadres aux bordures dorés étaient dispatchés sur le mur d'un bleu très sombre.

"La voisine se débarrassait de ses vieilles peintures à l'huile quand on s'est croisés aujourd'hui, expliqua t-il par dessus la musique, elle voulait bien me les offrir plutôt que de les jeter à la poubelle !
- Elles sont vraiment très belles, admit Flora en se hissant sur la pointe des pieds pour mieux les admirer, elle est très douée."

Évidemment, Flora avait tu son escapade du jour, prétextant simplement une visite chez Hermione.

En réalité, Flora n'avait plus spécialement envie de voir sa meilleure amie. Pas après ce qu'elle avait entendu le soir de Noël. En y repensant, une main imaginaire compressait son cœur.

Les paroles de son amie lui faisaient terriblement mal car elles étaient vraies : Flora faisait peur. Elle avait vu la terreur dans les yeux d'Astoria, aujourd'hui.

On la regardait comme on regardait Mattheo.

Peu importe, songea Flora que rien n'arrêterait pour protéger l'homme qu'elle aimait au plus profond de son âme.

Mattheo tourna le volume de la chaîne hi-fi vers la gauche, baissant le son. Les sourcils froncés, il se tourna vers sa fiancée.

"Tout va bien ?"

Elle se rendit compte qu'elle fixait les tableaux sans vraiment les regarder et ce depuis trop longtemps. Embarrassée, Flora souffla, jouant nerveusement avec ses doigts.

Comprenant que quelque chose clochait, comme c'était le cas depuis leur atterrissage au Terrier, Mattheo noua ses doigts aux siens, le regard tendre qui se voulait réconfortant.

"Cette bague de promesse met tes mains en valeur."

Elle sourit, le regard vide.

En revanche, le sourire de Mattheo s'évanouit. Les yeux vitreux, les absences, l'épuisement... il savait parfaitement ce que c'était. Il l'avakt vécu, notamment pendant sa scolarité à Poudlard. Flora devenait un fantôme. Une ombre.

Par sa faute.

Sans trop réfléchir, Mattheo grimpa sur le lit et se mit à sauter sur le matelas en riant, incitant Flora à le rejoindre. Elle lui lança d'abord un regard désabusé mais les multiples sollicitations la firent craquer.

Leurs poumons explosaient à force de rire à gorge déployée et de sauter en même temps. Les lattes étaient incroyablement résistantes.

Au rythme de la musique, Mattheo et Flora rebondissaient, hilares.

À la fin du second morceau, à bout de souffle, ils se laissèrent retomber dans les draps froissés, tout décoiffés. Les joues de Flora avait rougie et ses prunelles miel reprenaient un peu de lumière et de vitalité. Le regard amoureux qu'elle coula à Mattheo le fit fondre instantanément.

"Tu as de drôles d'idées, rit Flora.
- Je ferai n'importe quoi pour ton beau sourire.
- Pffff, idiot.
- C'est vrai."

Elle le savait.

Mattheo s'étala sur le lit, bras et jambes tendus ; son torse se soulevant et s'abaissant à un rythme éffréné. Flora prit le temps de l'admirer avant de se blottir contre lui.

La main du garçon jouait avec ses boucles emellées.

"J'ai réfléchi sérieusement et je pense demander à Neville de me reprendre à Poudlard, dit Mattheo qui regardait le plafond. J'ai aimé être professeur."

Flora claqua un baiser contre son épaule.

"Alors fonce.
- Je ne sais pas quel accueil me sera fait... surtout après les avoir planté et disparu.
- Neville est quelqu'un de bien, il comprendra.
- Peu de gens comprennent, tu sais.
- Je sais."

Et elle le savait.

Quant à elle, le temps ferait les choses. Comme toujours.

Une fois que les sorciers auront oublié que son visage faisait la une de la Gazette et était placardé dans toute la ville, elle pourrait reprendre son poste à la boutique des Weasley.

Auprès de George qui avait admit ne l'aimer que parce qu'elle lui inspirait le souvenir de son défunt frère.

Flora se blottit plus près encore de Mattheo, un trou béant dans le cœur.

Plus rien n'allait et elle se sentait entièrement méritante du malheur qui l'accablait.

Par chance, elle y décelait tout de même une once de bonheur.
Uniquement grâce à l'homme qu'elle protégeait depuis ses onzes ans.

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