Voyageur

Il était petit. Ses joues rebondies témoignaient encore d'une certaine candeur et ses yeux brillants de rêves luisaient d'un éclat qu'on appelait insouciance. Vêtu de son grand manteau, son manteau trop grand, un énorme sac sur le dos, il l'avait dit à tout le village. Il allait visiter le monde.

On le lui avait pourtant dit : fais attention, Gaston, la route est longue et sans fin. Le monde est rond, tu tourneras en boucle et tu perdras tout. Fais attention, p'tit gars, si c'était si facile on serait tous déjà en vadrouille. Comment penses-tu réussir, alors que les autres ont échoué? Reviens dans les jupons de ta mère, petit. Ne vas pas te perdre dans la cour des grands. Tu n'iras nulle part, le terminus sera ta mort, minus. Pauvre vermisseau. Regarde-toi, avorton, tu passes ton temps à tomber. Un jour tu vas dégringoler dans un ravin, on ne viendra pas te repêcher.

C'est pour ton bien, p'tiot, c'est pour ton bien.

Mais au fond de nous, on avait tous peur qu'il réussisse.

Les années ont passé. Certains disaient qu'il avait réussi, d'autres assuraient qu'il était mort. Et aujourd'hui le revoilà. Il est grand, fort, plein de trésors du monde entier, plein de nouveaux rêves à accomplir. Ça leur a cloué le bec, à ces crétins. Il avait réussi. Et bien plus que nous. Il s'était cassé la gueule cent fois avant de s'envoler. Bientôt il repartira. Il volera à nouveau dans le monde entier.

Et puis il tombera. Il mourra dans un de ses royaumes, et on continuera de vivre dans la boue de notre côté.

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