Insomnie

Ma tête heurte violemment le lambris qui forme les murs et le toit de ma chambre. Je respire par halètements, mon souffle est sifflant, mon cœur cogne si fort que j'en ai mal. Mes mains tâtonnent fébrilement la table de chevet, cherchant l'interrupteur qui allumera la petite lampe à l'abat-jour vert.

Quand la clarté se fait, mes yeux hagards scrutent le moindre recoins de la pièce. La poupée posée sur les coffrets en plastique me fait soudainement peur et je la fixe comme si elle allait soudainement s'éveiller et venir porter ses mains à ma gorge.

La montagne de vêtements posée en équilibre précaire sur la chaise de bureau m'effraie quelque peu, elle a la forme vague d'un rôdeur qui m'observerait.

À gauche, à travers la fenêtre dont les volets battent l'air, les arbres de mon jardin me terrifient. Et si quelqu'un se cachait dedans ? Et si ce quelqu'un grimpait jusqu'au rebord, explosait le double-vitrage et pénétrait dans ma chambre pour m'assassiner ?

Je suis ridicule. C'est impossible. Ça ne se passe que dans les films. Et quelques fois dans la vraie vie, aussi. Mais quelle est la probabilité pour que cela m'arrive à moi ? Très faible. Mais pas inexistante.

Je n'ai pas fais de cauchemar à proprement parler. Mon imagination débordante, l'obscurité et les histoires d'horreurs lues dans la journée suffisent à me rendre folle de panique.

Et si la lumière attirait justement un rôdeur ? Et si l'obscurité lui permettait de se cacher dans un quelconque recoin ?

Je réfléchis trop, encore. Depuis que l'on me l'a fait remarquer, j'y pense sans cesse. Je pense trop.

Il faut que je me change les idées. Je pense à ceux que j'aime. Un instant, je rayonne de chaleur. Mais, inévitablement, je pense aux défunts. Et je sais qu'il vaut mieux orienter mes pensées sur autre chose, parce que cela ne ferait qu'accentuer ma terreur.

Alors je prend mon téléphone, écris quelques mots dans les notes de l'appareil, puis vais lire ma lecture du moment. Je sais que les notes disparaîtront en me temps que la nuit.

La lecture me divertit. Ma respiration s'apaise. Jusqu'à ce que je m'apercoive que je relis pour la cinquième fois le même paragraphe et que les mots ne s'impriment pas dans mon esprit. Comme de l'encre sur du papier buvard, ils disparaissent aussi soudainement qu'ils n'apparaissent.

Alors je serre mon doudou contre moi. Pauvre chose. Bientôt quinze ans que je la trimballe partout. Déchirée, mordillée, lessivée. Elle a vu l'intérieur de ma bouche, de mon nez, des WC de l'ancien appartement même. La grande roue, la plage, la fête foraine, le supermarché aussi. Pourtant elle est toujours là.

Alors j'ai une pensée cruelle à son égard. J'aimerai que mon autre peluche soit là. Le gigantesque éléphant qui fait presque ma taille. Pour faire des câlins, c'est plus pratique qu'un doudou ressemblant plus à un torchon avec une tête animale qu'autre chose.

J'ai envie de glousser. Les gens me prendraient pour une folle s'il savait que je culpabilise de privilégier une peluche à mon doudou.

C'est pas ma faute. Depuis que j'ai vu Toy Story, je suis persuadée que mes doudous, au même titre que mes Playmobils et mes figurines s'animent quand je ne suis pas là.

Je crois en la magie. J'ai presque quinze ans, et j'y crois. J'ai encore l'espoir qu'on vienne me chercher, pour me dire que je suis une rescapée d'un autre monde, d'une autre civilisation où la magie existe. L'espoir que ma sensation de solitude, d'incompréhension, soit du au fait que je suis spéciale, et non pas parce que je suis juste agaçante et impopulaire.

Le problème quand je crois en la magie, c'est que la mauvaise magie peut exister aussi. Alors si ça se trouve, la poupée va vraiment s'éveiller et venir poser ses petites mains en plastique pour m'étrangler vive.

Charmantes pensées au milieu de la nuit.

Je ne m'en suis pas aperçue, mais une petite demi-heure est passée. C'est déjà ça.

D'un côté, j'ai hâte que le jour se lève. Parce que, étrangement, aussitôt que les rayons solaires illuminent le monde, je me sens en sécurité. Comme si les démons ne pouvaient m'atteindre que la nuit.

Alors je repense à cette phrase. On a pas peur du noir. On a peur de ce qu'il peut cacher, de l'inconnu qu'il représente.

C'est sûrement vrai. J'ai peur de ce qui peut se tapir dans les coins sombres, de ce qui peut surgir alors que je suis au moment de la journée où je suis censée être la plus impuissante. Manque de bol pour toi l'assassin, je dors pas assez pour que tu puisse m'agresser pendant ce temps !

Remarque, je préférerais ça. Plutôt qu'en étant parfaitement réveillée. Si je dois vraiment mourir assassinée, autant que je ne m'en rende pas compte, c'est mieux pour moi, et la conscience du coupable.

Un courant d'air carresse ma cheville, je me glace. Suis-je vraiment inconsciente au point de laisser un trou dans la protection absolue que forme ma couverture ?! Apparemment oui.

Je me dispute intérieurement. Comment est-ce que j'ai pu oublier ce petit carré de peau ? S'il y avait quelqu'un, il m'atteindrait direct à ce point précis, vulnérable.

C'est marrant ce que le cerveau humain peut être bizarre parfois. Tout le monde se sert de sa couverture comme protection, moi la première, alors que ça ne sert strictement à rien. D'abord parce que les assassins ne sont nullement effrayés par un carré de tissu, ensuite parce qu'à part crever de chaud en dessous, ça ne fait pas grand chose.

Pour autant, je ne l'enlèverais pour rien au monde. Au cas où le rôdeur dans mon jardin soit couettophobe. Qui sait ?

Devant l'absurdité de mes réflexions, j'ai envie de me mettre une baffe. Je réfléchis vraiment trop.

Je traîne maintenant sur Pinterest. Je rigole bêtement devant quelques memes Harry Potter avant de sursauter quand les plombs sautent, signe que nous passons en heures nocturnes concernant la consommation d'énergie.

Je finis par Instagram. Je pensais que c'était un réseau social principalement pour exposer notre vie dans le but de narguer tous ses abonnés, mais finalement ce n'est pas ça.

Je ris souvent devant les publications, fonds devant des vidéos de chats ou de bébés et partage activement les posts encourageants que je trouve.

Et puis, je parle à certaines personnes. J'ai même un groupe.

Un groupe d'amis. On est cinq, tous complètement cons. Le dernier adjectif fait d'ailleurs partie du nom de groupe, et c'est de mon fait.

Je parle sur ce fameux groupe. Ils me font rire, avec leurs blagues nulles, leurs allusions foireuses et leur vocaux pour ne rien dire. Le problème principal, c'est qu'ils ne sont pas toujours là.

J'aimerai dire qu'ils ont une vie plus intéressante que la mienne, mais finalement, s'ils sont absents c'est respectivement parce qu'il joue à Fortnite, écrit sa propre biographie, mange des nouilles instantanées et écoute de la musique. J'exagère un peu, ils ont une vie pas trop inintéressante. Et ils ont toujours quelque chose à dire. Bref. Je les adore.

J'ai fais le tour des réseaux sociaux. Je n'ai pas de messages, ce serait trop beau. Par contre j'ai deux ou trois jeux débiles, qui peuvent me faire passer le temps.

Une ou deux heures défilent, à ma grande surprise. Mes yeux se fatiguent, je baille. Je devrais dormir.

Je vais essayer. Je met mon téléphone à charger, de sorte à pouvoir le récupérer rapidement en cas d'attaque de poupée tueuse, pose mes lunettes et m'allonge.

Puis je ferme les yeux. Minute. Je retourne l'oreiller. Ahhhhhh, c'est beaucoup mieux, c'est frais. Surtout si je lève mes cheveux, là, comme ça. Excellent.

Tous mes doudous sont à ma gauche, je les serre fort. Sûr moi, la couverture, un plaid et un duvet. Si un assassin parvient à passer toutes ces barrières, franchement où va le monde ?!

Alors je ferme les yeux. Et je commence à m'imaginer des choses pour m'endormir. De la magie. Je suis dotée de pouvoirs magiques.

Tous les soirs ça change. Le positif, c'est que je peux être ce que je veux, sans souci du détail ou de l'opinion des autres.

De temps en temps, des pensées effrayantes me viennent à l'esprit. Comme la poupée sur le coffret, la forme étrange de la pile de linge sur ma chaise, ou la pluie qui tambourine sur le toit, m'apaisant mais camouflant le bruit extérieur.

Alors je m'endors. Enfin.

Et quand j'ouvre les yeux, il fait jour, et je sais que pour quelques heures, j'ai du repit et suis à l'abri.

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Voilà ! Premier texte de ce recueil xD

Il est absolument tiré de la vérité, et c'est typiquement ce que je fais là nuit mdr. Même les réflexions et tout.

Je me suis amusée à écrire, et j'espère que vous aurez un peu ri. Parce que moi maintenant je fixe ma chaise en deglutissant bruyemment 😂

Bref voilà ^^

Un 'tit coucou à mon groupe d' amis qui se reconnaîtra 🦋☔

Bonne nuit à tous ✨

-Maë 🌟

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