11 : I will be brave

Théodore Jenkins

Mes yeux ne voient que ça. Ses mains, attachées de chaque côté de son corps vêtu d'une simple robe blanche comparable à une de ces tuniques que portaient les femmes de la Grèce antique ; ses cheveux emmêlés et éparpillés autour d'elle. Le pire, c'est son regard. Ils semblent ne rien voir, ses yeux. Ils sont bruns, et leurs filaments dorés brillent plus que jamais. La pièce est grise, terne, froide. Ces murs contrastent avec elle qui transpire la lumière et la liberté, malgré ces chaînes qui la retiennent captive. C'est lorsqu'elle tourne la tête et qu'elle accroche son regard sur quelque chose, sur moi, que je panique.

- Théodore.

Jane est penchée au-dessus de moi, visiblement inquiète. Elle s'écarte afin de me laisser me redresser et elle pose sa main dans mon dos.

- Théo, tout va bien ?

- J'ai rêvé d'elle.

Mes rêves ne se sont pas manifestés depuis son départ, et pourtant Jane n'a aucun mal à comprendre. Elle se relève et m'entraîne par la main dans la cuisine où Genny déjeune. La rouquine voit bien à nos têtes que quelque chose ne va pas, alors elle ne perd pas son temps.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

- J'ai rêvé d'elle. De Pénélope.

Son visage devient soudain plus sérieux ; elle réfléchit un moment.

- Qu'as-tu vu, dans ce rêve ?

- Et bien... Elle était allongée sur un lit, dans une pièce grise. Elle était attachée et elle m'a vu. Elle a dit mon nom.

- Et c'est tout ?

- Oui.

Genny ne dit plus rien, elle se contente de fixer la fenêtre en face d'elle, son menton posé sur sa main gauche.

- Je n'y crois pas...

- De quoi ? À quoi ne crois-tu pas ? Genny, qu'est-ce que ça veut dire ?

- Relax, Max, je t'explique. Les fées peuvent...communiquer par la pensée. Normalement, elles peuvent transmettre ce genre de message uniquement aux autres fées. Si Pénélope a pu t'envoyer ce Songe, c'est qu'elle est spéciale. Est-ce que...?

Cette dernière interrogation reste inachevée, et Genny semble l'avoir ajoutée pour elle-même. Mais voilà, les questions qu'elle se pose sont le cadet de mes soucis pour le moment.

  - Ça veut dire que ce que j'ai vu est vrai ? Qu'elle est vraiment dans cet état-là ?

  - Écoute, Théodore, nous ne sommes sûrs de rien, alors calme-toi.

  - Non, Genny, je ne me calmerai pas ! D'accord, elle m'a abandonné, mais je pense qu'elle avait ses raisons, et c'est encore plus clair, maintenant ! Alors je vais partir la chercher !

  - Je viens avec toi.

  - Jane...

  - Non, tais-toi. Tu y vas avec moi, ou tu n'y vas pas.

- Jane, tu ne sais pas dans quoi tu te lances, argumente Genny. Si Pénélope a vraiment un problème, c'est dangereux. Trop dangereux pour deux Mortels.

- Je m'en moque, Genny. Libre à toi de nous accompagner, mais je ne laisserai pas tomber mon meilleur ami.

Son ton n'est pas cassant, mais on sent bien qu'il ne vaut mieux pas la contredire. Nous nous regardons pendant d'interminables minutes avant que je ne me décide à prendre mon sac.

- Théo...

- Ma décision est prise, Jane. J'y vais.

- En pyjama ?

- J'irai dès que je serai habillé.

  - Et dire que tu voulais partir tout seul ! Tu sais que tu ne tiendrais pas dix minutes sans moi.

  Son sourire me détend un peu, mais en meilleur ami qui se respecte, je réponds à sa pique par un geste plutôt inapproprié.

***

C'est Jane qui conduit. Genny est assise à côté d'elle, sur le siège passager. Elle a décidé de nous accompagner, finalement : après tout, elle est celle qui en sait le plus sur l'univers de Pénélope, puisqu'elle en fait partie. Moi, je reste à l'arrière, comme un pauvre idiot, incapable de faire quoi que ce soit. Pénélope m'est sortie de la tête, et Lucy n'a pas arrangé mon cas, mais...voir cette brune aux yeux mordorés dans un tel état m'a complètement retourné. Est-elle partie pour échapper aux personnes qui l'ont enfermée ? Où sont passés Séléna et Hélios ?

  La voiture s'arrête devant la maison où habitait Pénélope. Ils n'y sont plus, mais c'est un début. Je ne sais pas à quoi je m'attendais, mais la déception m'envahit quand la porte résiste à la pression de mon bras. Je me jette contre elle, mais même mon épaule ne la fait pas céder. J'expire un bon coup avant de retenter ma chance : c'est un échec. Jane et Genny me rejoignent et c'est cette dernière qui me dit de m'éloigner.

  - Laisse faire les femmes.

  Elle tire un peu sur son short, prend de l'élan et envoie un coup de pied puissant dans la porte. Les gonds de celle-ci sautent sur le coup, et je regarde la frêle rouquine, étonné.

  - Comment...?

  - Ne sous-estime jamais une petite femme avec des bottines, me lance-t-elle comme unique réponse.

  Sans m'attarder plus longtemps, j'entre dans cette immense baraque qui paraît encore plus grande depuis qu'elle est vide. Mon premier réflexe est de monter dans la chambre de Pénélope. Les rideaux ne sont plus là, et sur le lit, il ne reste plus qu'un matelas dénué de draps. Sa chambre est bien vide et bien calme. Même le bureau a été vidé, mais qui ne tente rien, n'a rien...alors j'ouvre les tiroirs. Rien. Il n'y a même pas de double fond, comme dans certains films que j'ai regardés. Je n'en peux plus. Je n'ai jamais supporté le stress, et je faisais régulièrement des crises d'angoisse, quand j'étais plus jeune. Je m'appuie sur le meuble blanc qui flanche un peu sous mon poids. Un bruit feutré, sur le sol, attire mon attention. Une simple feuille de papier, pliée en quatre. Elle gît là, à mes pieds. Derrière le bureau... Je n'y ai même pas pensé.

  Vous savez, il y a ces moments, dans les livres, qu'on vous décrit toujours au ralenti, comme si la respiration ralentissait et que le cœur s'arrêtait de battre un moment. Et bien ça ne se passe pas comme ça, pour moi. Je suis tellement impatient de lire ce qu'il y a sur cette feuille que son bord m'entaille légèrement l'index. Je n'y fais presque pas attention, je trouverai bien de quoi me soigner plus tard. Le texte est plutôt court, mais c'est bien plus que quelques mots griffonnés à la hâte avant un départ précipité. Pénélope a pris le temps d'écrire ces quelques lignes. Son écriture fine et serrée, le peu d'espace entre ses mots...je mets du temps à déchiffrer ce qu'elle a consciencieusement couché sur papier.

  « Mon cher Théodore,
     Tu sais, tout comme moi, que quelque chose nous unit. Il me faut malheureusement partir quelques temps, pour voir si tu es bien celui que je crois. Au fond de mon cœur et de mes entrailles, je le sais, je le sens. Je ne devrais pas être partie trop longtemps, mais s'il venait à m'arriver quelque chose, je sais que je pourrais te guider ici.
     Donc, si tu lis ces lignes, c'est que j'ai réussi à t'avertir d'un quelconque danger. Il faut que tu trouves ma sœur. Normalement, elle est toujours à Adelphé. Tu n'as jamais entendu parler de cette région, c'est normal. C'est là que mon peule se réfugie lorsque la vie dans le monde Mortel devient trop dangereuse ou...pour ce qu'on veut, en fait.
     Il faut que t'y rendes. Ce n'est pas simple, mais je sais que tu comprendras. Tu trouveras le moyen d'y entrer. Il faudra que tu rendes sur une plage. Peu importe laquelle. Tu auras besoin de trouver un endroit où les vagues frappent les rochers et il te suffiras d'appeler la Fée des Passages. Elle te dira quoi faire.
  Retrouve-moi.

                       Pénélope »

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  Onzième chapitre! Il a été écrit plutôt tard, comme vous le voyez, et j'espère qu'il ne reste pas de faute malgré ma relecture!

Dites-moi tout ce que vous en avez pensé, et n'hésitez pas à voter, ça fait toujours très plaisir!

La bise!

-Cxlxnx13

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