05 : Yesterday I found out about you

Pénélope

  Donc, c'est ce soir. J'expire un bon coup avant de me replonger dans la fouille de mon dressing. Je m'y perds depuis que Théodore m'a laissée, ce matin. D'ailleurs, en me remémorant la conversation que nous avons eue au réveil, je sens des larmes rouler sur mes joues, et je devine sans mal que mes prunelles doivent être d'un vert éclatant, à présent. Je secoue la tête pour chasser cette idée de mon esprit, même si je sais très bien ce que nos rêves partagés, nos Songes, signifient. Nous sommes liés maintenant, et j'ignore pour qui cette histoire est la plus tragique. Je souffle une énième fois : tant qu'il ne pose pas trop de questions, tout ira bien. Pauvre idiote, tu sais à quel point il est curieux. Comme j'entends des pas dans l'escalier, j'essuie vite mes joues et je fais mine d'examiner minutieusement mes tenues. On frappe délicatement sur ma porte.

- Entre.

- Pénélope ? Où es-tu ?

- Dans mon dressing, viens.

Ma grande sœur parcours les quelques mètres qui nous séparent et me prend dans ses bras sans raison apparente. Bien que surprise, je me laisse aller à son étreinte qui ne pouvait pas mieux tomber.

- Alors, raconte-moi. Que s'est-il passé, cette nuit ?

- Rien.

Je me tourne vers elle et je constate (grâce à son sourcil droit, haussé) qu'elle est déjà bien au courant des évènements. Je m'éloigne brusquement de ses bras et fouille rageusement dans mes vêtements.

- Je n'en reviens pas. Même avec moi, tu ne peux pas t'en empêcher. Tu pourrais pas laisser mon esprit en paix, de temps en temps ?

- Désolée, tu sais très bien que c'est plus fort que moi...

Je sais qu'elle est sincère, mais je ne suis pas d'humeur. Vraiment pas.

- Pénélope, tu sais ce que tu risques, si tu tombes amoureuse de lui...

- Je sais ce que je risque, Séléna, la coupé-je d'une voix teintée d'énervement. Je sais aussi qu'il n'est qu'un Mortel et qu'il ne m'aimera pas longtemps. Mais je n'y peux rien, d'accord ? Tu sais aussi bien que moi ce que ces rêves veulent dire. Il te suffit de te souvenir de Maman et Papa.

À l'évocation de nos parents, Séléna baisse la tête tandis que son visage se ferme. Elle enfile à nouveau ce masque parfait, celui qui ne laisse entrevoir aucun défaut. Ce masque qui lui vaut son intégrité au sein du Grand Conseil. Ce masque qu'elle n'enfile jamais devant mon frère et moi. Lorsqu'elle relève les yeux vers moi, un brouillard gris les obscurcit et leurs habituels filets dorés virent au brun : de la tristesse. Je l'ai blessée. Mais ce n'est pas de ma faute si nos parents sont morts de la manière la plus théâtrale qui soit ! Et puis, elle, au moins, a eu droit à plus de temps. Je la laisse quitter la pièce en silence et je retourne à ma tâche, même si le cœur n'y est plus tellement. Toutefois, Théodore arrive dans un quart d'heure, alors il est temps que je me décide.

Théodore Jenkins

  Jane me dépose au coin de la rue où habite Pénélope. J'ai longtemps hésité devant ma commode, ce matin : que pouvais-je bien porter ? J'ai finalement opté pour une simple chemise bleu clair et un jeans gris. Classe, mais simple. J'espère vraiment faire bonne impression au frère de Pénélope. Après tout, vu le tournant que notre relation a pris, je n'aimerais pas me mettre sa famille à dos (et encore moins un grand frère). Je suis de moins en moins détendu, et le moment fatidique de sonner arrive enfin. J'appuie sur le bouton et j'entends la sonnerie retentir à l'intérieur, étouffée par les murs épais de la demeure. Après une minute, la poignée de porte bouge, et je m'apprête à faire face à quiconque m'ouvrira. Comme je regarde le sol, la première chose que je vois est une paire de jambes...masculines. Et merde, son frère m'a ouvert. Je lève la tête et sert la main de mon interlocuteur.

  - Tu dois être Théodore, c'est ça ?

  Il sourit, mais pas sa main, si j'en crois la légère douleur qui commence à envahir mes doigts. Ses cheveux sont très foncés, presque noirs, et ses yeux bruns sont, comme ceux de Pénélope et Séléna, parsemés de filaments d'or. Il n'a pas l'air beaucoup plus âgé que Séléna. Je dirais qu'il doit avoir vingt-cinq ans, tout au plus. Il lâche enfin ma main afin de m'indiquer de le suivre.

  - Entre je t'en prie. Je suis Hélios. Viens dans le salon, Séléna y est déjà.

  Et où est donc Pénélope ? Évidemment, je me suis retenu de poser cette question à haute voix. Je trouve vite une réponse, de toute façon. J'ai à peine franchi le seuil de la porte d'entrée quand elle descend les marches de l'escalier. Elle porte une superbe robe mauve qui lui arrive juste au-dessus du genou. Ses manches s'arrêtent au niveau de ses coudes et laissent dépasser les extrémités des étranges traces que j'ai déjà remarquées, sur sa peau. Je garde cependant cette interrogation dans un coin de ma tête, car je suis trop occupé à détailler Pénélope. Les vagues qui déforment sa chevelure coulent sur ses épaules, et le petit sourire qu'elle m'adresse termine de m'achever. Je rassemble tout mon courage pour lui tendre le modeste bouquet que je lui ai apporté. Il s'agit d'un simple lys orange pâle et de plusieurs autres fleurs dont j'ignore les noms et qui sont toutes blanches. Elle le prend, hume la douce odeur que dégagent les fleurs, puis m'emmène avec elle dans le salon.

  - Assieds-toi, je vais aller les mettre dans un vase.

  J'obéis et je m'assieds sur le canapé, en face de Séléna, installée dans son éternel fauteuil.

  - Bonsoir, Théodore. Comment s'est passé votre soirée d'hier ?

  Wow, elle n'y va pas par quatre chemins. Je me rappelle soudain ce que Pénélope m'a dit à propos de sa sœur aînée : « Elle a le don de lire dans les pensées des gens. » J'essaie de toutes mes forces de penser uniquement à ma réponse.

  - Très bien, nous nous sommes tous les quatre vraiment bien amusés.

  Je ne peux évidemment pas soutenir son regard qui me donne l'impression d'être transparent et aussi simple à lire qu'un panneau routier, alors je baisse furtivement les yeux. Heureusement, Pénélope nous rejoint et très vite, Hélios nous invite à passer à table. Je pénètre donc dans la salle à manger, aussi spacieuse et éclairée que les autres pièces. La table est dressée pour quatre personnes ; le bouquet que j'ai offert à Pénélope trône là, sur la nappe grise. Pénélope prend place à côté de moi et Hélios, lui, s'assied juste en face de moi, de manière à bien me déstabiliser. Enfin, j'ignore si c'est son but mais en tout cas, je ne suis pas très à l'aise. Séléna arrive avec nos assiettes : nous avons tous droit à une belle portion de steak, accompagné de sauce au poivre et à la crème, de tagliatelles et de salade composée. Le repas se déroule sans anicroches, enfin, presque.

  - Alors, Théodore, commence Hélios. Ma sœur m'a raconté que tu aimais écrire. Tu écris beaucoup ?

  - À peu près dès que j'en ai l'occasion.

  - Intéressant ! Et qu'écris-tu exactement ?

  - Principalement des histoires de type fantasy, mais j'aime aussi la poésie.

  - Tu es un poète alors... Tu dois avoir beaucoup de succès avec les filles.

  Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression de détecter une menace indirecte dans cette phrase. Je laisse échapper un rire nerveux.

  - Pas vraiment, non.

  En tournant légèrement les yeux vers Pénélope, je m'aperçois qu'un discret sourire en coin naît sur ses lèvres.

  - Et donc, comment as-tu rencontré ma petite sœur ?

  - Dans le bus, je réponds.

  - À une soirée, dit Pénélope.

  Et merde : on a répondu en même temps. Séléna mange ses pâtes en silence, visiblement amusée.

  - Ce que je veux dire, c'est que j'ai vu Pénélope pour la première fois dans le bus, mais que nous avons fait connaissance à une soirée organisée au lac.

  Bien rattrapé. Je me félicite intérieurement et je souris rapidement à Pénélope.

  - Ah oui, la soirée... Tu n'y étais pas allée avec un autre garçon, Pénélope ?

  L'intéressée fusille son frère du regard tandis que ma main, ne prenant pas la peine de me consulter, serre un peu plus fort ma fourchette pendant qu'elle coupe un morceau de viande. Je le mange silencieusement, impatient d'entendre la réponse de Pénélope.

  - Et bien, euh...si, mais...Seth avait une voiture alors j'ai juste profité de l'occasion puisque je n'avais pas envie de prendre le bus puis de marcher jusque là.

  Elle n'a pas rougi, mais un rapide éclair bleu a traversé son regard. Serait-ce là la couleur propre aux fées pour exprimer la gêne ? Je retiens un léger rire et je continue mon repas.

  - Sinon, comment trouves-tu la viande, Théodore ? me demande Hélios.

  - Elle est succulente !

  - Ce n'est pas surprenant ! Les elfes en bas âges font les meilleurs morceaux disponibles sur le marché féérique.

  Je déglutis difficilement en ouvrant les yeux comme des soucoupes. Vient-il vraiment de dire que je suis en train de manger un elfe ? Soudain, il éclate de rire et je me détends.

  - Ah, vous les Mortels...Vous êtes si crédules, je ne m'en lasserai jamais !

  - C'est bon, Hélios, tu peux le laisser tranquille maintenant, intervient Pénélope. Surtout que, Mortel, tu l'es à moitié. 

  - M'enfin, sœurette, je ne fais que le taquiner, il n'y a rien de mal à ça !

  Pénélope secoue la tête et termine son assiette, laissant son frère glousser seul. Séléna, jusque là étonnamment discrète, relève les yeux de son plat pour les poser sur moi.

  - Me permettrais-tu de te poser une question, Théodore ?

  - Bien sûr.

  - Quelles sont tes intentions envers notre sœur ?

  Ah. Comment dire...c'est direct. Je ne sais même pas quoi répondre à ça. Mes intentions ? Je n'ai aucune intention particulière, moi...

  - Je...

  - Parce que, vois-tu, tu m'as l'air d'être un bon garçon. Je ne voudrais pas que ce que je pense s'avère faux. Ne brise pas le cœur de notre jeune sœur, Théodore.

  - Jamais je ne serais capable de faire une chose pareille, moi.

  Je ne sais même pas où j'ai trouvé le courage de répondre ça si vite. Pénélope sourit, puis se lève.

  - Bon, j'ai terminé. J'espère que ça ne vous dérange pas si j'emmène Théodore à l'étage.

  - Bien sûr que non, sœurette. Nous te faisons entièrement confiance.

  Toutefois, alors que je quitte la table, Hélios me lance un regard lourd de sous-entendus : le regard typique du grand frère signifiant « touche à ma sœur et je te tue. » Je salue mes hôtes d'un signe de tête et me dépêche de suivre Pénélope dans sa chambre. Une fois là-haut, je m'assieds sur son lit et j'expire un bon coup. La brune s'assied à côté de moi et me sourit timidement.

  - Je suis désolée pour leur attitude. Ils ont tendance à être un peu trop...protecteurs.

  - C'est normal, je comprends.

  Elle sourit à nouveau, soulagée.

  - Même si j'ai stressé comme jamais.

  Ma remarque la fait rire, et je me joins à elle. Nous discutons de tout et de rien, mais je finis par aborder le sujet qui fâche : les évènements de la soirée que nous avons passée chez Jane.

  - Tu te souviens de ce que tu m'as dit, chez Jane ? Par rapport à ta peur ?

  - Oui, je m'en souviens...

  - Pourquoi tu en as si peur ?

  - De quoi ?

  - De l'amour. Tomber amoureuse, tout ça... Pourquoi est-ce effrayant de tomber amoureuse de moi ?

  Elle secoue la tête et baisse le regard sur ses mains.

  - Crois-moi, Théo, tu n'es certainement pas prêt à entendre tout ça...

  - Tu sais que tu peux déjà tout me dire, Penny. Rien ne me fera fuir, dis-je en attrapant doucement ses mains.

  Elle me regarde à nouveau, un sourire amusé étalé sur son visage.

  - Penny ?

  - Oh, euh, oui, je...pardon. Tu n'aimes pas ?

  Elle semble réfléchir, un instant.

  - Mmmh... J'aime bien.

  Elle rigole doucement tandis que je la prends dans mes bras pour la rapprocher de moi. Nous nous allongeons sur ses draps de lit, ainsi enlacés.

  - Alors, pourquoi tu as si peur ?

  Elle a soupiré.

  - J'espère que tu es vraiment aussi prêt que tu le dis...

  - Je le suis.

  - Alors, approche.

  Lentement, elle colle son front au mien et pose ses mains sur mes joues tout en fermant les yeux. Je ne sais pas quoi faire, alors à mon tour, je baisse mes paupières. Mes sens s'étourdissent, je ne ressens presque plus le toucher, désormais aérien, de ses paumes sur ma peau. Nos fronts ne me paraissent plus collés, et Pénélope m'a l'air étrangement loin de moi.

  Une jeune femme d'une quarantaine d'années environ est affairée dans sa cuisine. Ses traits sont tirés et sous sa beauté surnaturelle, on distingue de l'épuisement et de la douleur. Ses yeux sont gris et parsemés de fins filaments bruns. Elle nettoie le même verre pour la sixième fois quand un adolescent la rejoint. Ils sont tous les deux vêtus de noir et leurs yeux sont identiques. Le garçon pose sa main sur l'avant-bras de sa mère.

  - Il est temps d'y aller, Maman.

  - Hélios, mon chéri... Je ne peux pas...

  - Maman...

  - Non. Occupe-toi de tes sœurs, d'accord ? Je t'aime.

  Sur ces mots, la femme se retourne, ses cheveux blonds flottant derrière elle. Hélios, lui, quitte la maison pour rejoindre les gens qui attendent, dans le jardin. Ils sont tous vêtus de noir, eux aussi. Le jeune homme se dirige alors vers deux petites filles qui se tiennent dans les bras l'une de l'autre, assises au pied d'un arbre. Il les regarde un instant, un sourire triste étalé sur le visage. Lorsqu'il s'approche d'elles, il sait qu'il ne devra pas s'occuper d'elles aujourd'hui, mais tout le reste de leur vie. Il s'abaisse et enlace la plus jeune, une petite brune qui est encore trop jeune pour comprendre correctement la situation.

  - Ne vous inquiétez pas, les filles. Tout va bien se passer. Je serai là.

  Pénélope se sépare de moi, les yeux humides. J'essaie de respirer convenablement et de me faire à l'idée que ce que je viens de vivre était réel. Je lève des yeux interrogateurs vers la jolie brune qui n'attend pas plus longtemps pour répondre à mes questions muettes.

  - Mon père est...décédé quand j'avais neuf ans. C'était un Mortel, et ma mère était une fée, comme moi. Elle était éperdument amoureuse de mon père ; leur relation était parfaite, magnifique. Mais une fée ne peut tomber amoureuse qu'une seule fois dans sa vie. C'est pour ça qu'on ne se mêle pas au Mortels, d'ordinaire. Leur amour est bien trop incertain. Lorsque l'âme sœur d'une fée meurt, cette fée se laisse mourir à petit feu. C'est ce qui est arrivé à ma mère.

  Ses yeux, posés sur les couvertures pour éviter mon regard avec soin, sont gris. Je reconnais là l'expression de tristesse présente dans les yeux d'Hélios, lors de cette étrange vision. Sans un mot, je la prends dans mes bras et la serre contre moi.

  - C'est pour ça que tu as peur de...tomber amoureuse de moi ?

  Elle hoche la tête contre mon torse et je devine qu'elle pleure grâce à l'humidité qui gagne peu à peu le devant de ma chemise.

  - Nos rêves...ils ont une signification.

  Sa voix est entrecoupée de sanglots aléatoires, mais je n'ai aucun mal à saisir ce qu'elle dit.

  - Laquelle ?

  - Si je t'ai vu, si je t'ai retrouvé grâce à ce poème... C'est que je suis foutue. Je vais tomber amoureuse de toi, et ce n'est qu'une question de temps. C'est ce qu'on appelle les Songes.

  - Je ne te laisserai...

  - Non, m'interrompt-elle. Ne fais pas de promesse que tu n'es pas sûr et certain de pouvoir tenir.

  - Je ferai de mon mieux.

  Elle pleure de plus belle, et je resserre mon étreinte. J'enfouis ma tête dans ses cheveux et je la laisse pleurer contre moi pendant une bonne demi-heure. Lorsqu'elle se relève, ses yeux bouffis sont à nouveau bruns, mais les filaments qui les traversent n'ont pas encore retrouvé tout leur éclat. Je dépose un doux baiser sur son front.

  - Tu dois me promettre une seule chose, Théo.

  - Dis-moi.

  - À la minute où mes pupilles deviendront mauves, j'aurai besoin que tu me le dises.

  - Au fond de toi, tu le sauras, non ?

  - Je suis en partie humaine, Théo... Je ne peux pas faire la différence entre mes sentiments humains et mes sentiments féériques... Une vraie fée saurait précisément quelle couleur aurait ses yeux en ce moment même. Moi, je suis incapable de te le dire.

  Je plonge mon regard dans le sien avant de sceller nos lèvres dans un baiser des plus délicats. Ensuite, j'encadre son visage, si petit entre mes paumes.

  - Ils n'ont rien perdu de leur merveilleuse teinte brune, Penny.

Jane Noha

  Genny et moi sommes couchées sur le canapé. Sa main gauche chipote dans mes cheveux tandis que je caresse doucement son visage. Elle me sourit puis, sans crier gare, m'embrasse passionnément. Je me laisse aller sous ses baisers, ses caresses. Lorsque ses mains quittent mes cheveux et s'attardent sur ma taille, mes hanches...je frémis. La somptueuse rouquine délaisse ma bouche pour parsemer mon cou de baisers, mordillant ma peau par endroit. Sans le vouloir, je laisse échapper un léger gémissement, et je sens ses lèvres sourirent contre ma peau. Je ris doucement et tente de reprendre le dessus (en vain). Soudain, j'entends que quelqu'un frappe à la porte.

  - Genny, vite, redresse-toi.

  Elle doit sentir la panique dans ma voix car elle se relève immédiatement et s'assied innocemment sur le canapé. Je me lève à mon tour, je remets mon T-shirt à l'effigie des Guns N' Roses en place et je pars pour ouvrir la porte. Sur mon chemin, je vérifie l'heure sur mon portable : vingt-trois heures. Qui donc peut venir chez moi à cette heure-ci ? Je pense à Théodore, évidemment, mais il m'a dit ce matin qu'il dormirait chez lui, cette nuit. Décidément, je n'ai vraiment aucune idée de qui ça peut bien être. Je me penche un peu en avant et me colle à la porte pour regarder à travers l'œilleton. Papa ? Je lui ouvre la porte sans tarder.

  - Papa !

  Je me jette à son cou sans lui laisser le temps de réagir. Il me sert dans ses bras et me soulève du sol en riant de bon cœur. Certes, son absence est synonyme de petites soirées entre amis un peu plus alcoolisées que d'habitude, mais il m'a beaucoup manqué.

  - Je croyais que tu rentrais seulement dans une semaine !

  - C'est ce qui était prévu...

  Je m'aperçois seulement maintenant que sa mine est plus grave que d'ordinaire.

  - Papa, qu'est-ce qu'il se passe ?

  - C'est Hannah.

  - La mère de Théo ? Quoi ? Qu'est-ce qui lui est arrivé ? Elle va bien ? Papa, dis-moi qu'elle et Théo vont bien.

  - Ne t'inquiète pas, me rassure-t-il en tenant mes épaules. Elle m'a appelée hier soir. Je ne sais pas si je devrais t'en parler...

  - Papa, tu peux tout me dire.

  - D'accord, mais n'en parle pas à Théo avant sa mère. Compris ?

  Je hoche la tête et je me promets d'essayer de ne rien dire à mon meilleur ami.

  - Hannah m'a appelé hier soir, donc. Elle était en larmes...à cause d'Andrew.

  - C'est...c'est à dire ?

  Mon père se mord la lèvre inférieure, signe de sa nervosité.

  - Ce n'est pas son travail qui l'a retenu en Irlande. Ni le Spire.

  - Tu parles d'une... Oh non. Une autre...femme ?

  Il confirme mon hypothèse et je me rends compte qu'il est toujours en train d'attendre sur le seuil. Il m'embrasse le front et me frotte l'épaule avant d'entrer. Merde, Genny !

  - Papa, attends, je...

  - Tu as de la compagnie, à ce que je vois ! s'exclame mon père, souriant.

  J'essaie de cacher mes joues roses et je m'emploie à faire les présentations.

  - Papa, voici Genny, mon amie et Genny, voici mon père, Brett.

  Le regard de mon paternel voyage de moi à la rouquine, puis d'elle à moi. Je vois à son sourire en coin qu'il a compris ce que sous-entendait le mot « amie », dans ce cas précis.

  - Enchantée de te rencontrer, Genny ! Vous m'excuserez, les filles, mais je dois filer. À moins que vous ne vouliez venir avec moi chez les Jenkins ?

  Je cherche l'approbation de Genny et je la reçois sans problème. Elle m'offre un sourire radieux avant de se tourner vers mon père.

  - Nous serons ravies de vous accompagner, Mr. Noha !

  - Tu sais, petite, tu peux m'appeler Brett, puisque tu es l'amie de ma fille.

  Il nous glisse un clin d'œil et silencieusement, je remercie le ciel de m'avoir donné un père comme lui.

Théodore Jenkins

  Lorsque je suis rentré chez moi, vers vingt-deux heures, mon père était à nouveau absent. À présent, ma mère est enfermée dans sa chambre. Je le sais car j'entends un prélude de Bach qui vient de là. C'est typique de ma mère : quand quelque chose la contrarie, ou bien la rend extrêmement heureuse, elle s'installe sur le tabouret noir et laisse courir ses doigts sur les touches blanches et noires. Je me demande bien ce qu'elle ressent, en ce moment. Je frappe doucement sur le bois de sa porte, et elle s'arrête de jouer.

  - C'est toi, Théo ?

  Sa voix tremble.

  - Oui. Je peux entrer ?

  - Bien sûr, viens.

  Je rentre et la rejoins. Un simple coup d'œil à son visage rouge me montre qu'elle a beaucoup pleuré. Je m'assieds à côté d'elle, sur le siège rembourré du piano et je la serre dans mes bras. Des tas de questions se bousculent dans ma tête. Pourquoi a-t-elle pleuré ? Qui a causé ses larmes ? Ai-je quelque chose à me reprocher ? Et si... Et si mon père était à l'origine de sa douleur ? Voilà qui expliquerait son absence... Mais je ne pose pas toutes ces questions. Je connais ma mère, et ce dont elle a besoin, c'est de silence. Alors, dans notre étreinte, j'essaie de mettre tout l'amour du monde. Elle s'écarte lentement de moi.

  - Je suis désolée que tu me voies comme ça, je... Je ne m'attendais pas à ce que tu rentres si tôt. Où étais-tu, d'ailleurs ?

  Pour oublier ma destination alors que je la lui ai mentionnée dans la matinée...elle doit être fameusement chamboulée.

  - J'étais chez Pénélope, Maman.

  - Oh, je vois, dit-elle avec un léger sourire. C'est une amie ?

  - Oui, c'est ça, une amie...

  - Oooh... Serait-elle ta petite amie ?

  - Je ne peux rien te cacher.

  La nouvelle la fait sourire et elle me tapote l'épaule.

  - Je suis contente pour toi, mon ange.

  Je la serre une seconde fois dans mes bras, mais la sonnette qui retentit au rez-de-chaussée nous interrompt.

  - Tu attendais quelqu'un ? je demande à ma mère.

  - Oui, j'ai appelé Brett.

  Je suis ma mère dans les escaliers tout en me demandant pourquoi ma mère a appelé Brett, et surtout, pourquoi il débarque à cette heure-ci. Mais bon, en ce moment, il y a des choses plus folles encore qui se passent dans ma vie, alors je suppose que celle-ci ne peut pas être pire. Lorsque ma mère ouvre la porte, je découvre donc Brett, accompagné de Jane, elle-même accompagnée de Genny (ce qui ne m'étonne pas du tout, à vrai dire). Brett ne regarde que ma mère, guettant un signe...de quoi, au juste ? Ce n'est que lorsqu'elle s'effondre dans ses bras, en pleine crise de larmes, que je comprends qu'elle a appelé le seul de ses amis qui ne s'entend pas avec son mari. J'avais donc raison. Mon père est la cause de tout ça.

  - Chhh... Tout va bien se passer, je suis là.

  Brett emmène ma mère dans la cuisine et me fait signe de le suivre. Les filles, elles, décident de nous attendre dans le salon pour nous laisser un peu d'intimité. Je m'attable à l'îlot tandis que ma mère et Brett en font de même, mais en face de moi. Ma mère se calme et renifle plusieurs fois, et c'est armée d'une boîte de mouchoirs qu'elle prend la parole.

  - Théo... Il y a quelque chose que tu dois savoir à propos de...ton père.

  Et ça y est. Une part de moi redoute ce qui va suivre et souhaiterait ne jamais être au courant, mais l'autre à hâte que ce soit terminé.

  - Ton père a allongé son séjour en Irlande parce que...là-bas...il a revu une femme. Une femme avec qui il...a eu une liaison il y a...vingt ans...et...

  - Tu veux que je continue ? lui demande gentiment Brett.

  En effet, ma mère est à bout, ça se voit, et elle ne peut pas continuer sa phrase.

  - Ton père a eu un enfant avec une autre femme qui s'appelle Iris. Il l'a rencontrée il y a vingt ans et...tu as une grande sœur, Théo. Je suis désolé.

  Décidément, les révélations que m'a faites Pénélope, plus tôt, ne sont peut-être pas les choses les plus folles qui me soient arrivées, ces derniers temps.

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Holà! Comment ça va? Vous voyez, je vous avait dit que le petit Matthew Daddario aurait sa place dans cette histoire... Que pensez -vous de ce chapitre? Dites-moi tout dans les commentaires!

N'oubliez pas de trouver le titre de la chanson car jusqu'ici, une seule personne participe à tous les coups (tu te reconnaîtras et je te remercie d'ailleurs!!) alors, ça ne doit pas être amusant de faire ça seule! x)

Aussi, je voulais déjà m'excuser, car je ne sais pas du tout quand le chapitre 6 arrivera. En effet, j'écris moins, ces derniers temps, pour plusieurs raisons. Je dois apprendre des partitions pour mon groupe (que je quitte bientôt et qui m'amène beaucoup de fatigue, alors ce sera peut-être bénéfique pour mon écriture), je dois aussi apprendre mes textes pour la troupe de comédie musicale que je rejoins, et en plus de ça, je ne suis pas vraiment au top de ma forme en ce moment. L'école reprend bientôt, et même si j'aime les cours, je ne suis pas vraiment enthousiaste à l'idée de reprendre pour une année... Donc, j'arrête de raconter ma petite vie et je vous dis une nouvelle fois que je suis désolée. Je ferai de mon mieux.

En espérant que vous ne serez pas déçus/-ues,

Kissouilles

-Cxlxnx13***

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