Je dédie une nouvelle fois ce chapitre à @@nothingsronwithme qui a trouvé le titre précédent : A kind of magic, de Queen! Allez toutes et tous faire un tour sur son profil, elle écrit juste suuuuuper bien!!!
Théodore Jenkins
Je n'en reviens tout simplement pas. Qui aurait cru que je ne serais pas le premier à informer Jane de la vérité sur Silver Bay ? Je ne peux pas le nier : une part de moi est déçue, jalouse. J'aurais voulu être celui qui l'aurait tenue au courant, mais Genny m'a devancé. Bon, ce n'est pas si grave... Elle, au moins, a de quoi la convaincre. Nous sommes tous les trois dans le grand salon des parents de ma meilleure amie. Tout, de la décoration aux gadgets parsemés dans la pièce en passant par les rideaux, montrent que les Noha sont loin d'être pauvres. C'est d'ailleurs grâce à ça que Jane et moi sommes amis. Non, je m'exprime mal. Ce que je veux dire, c'est que l'humilité de Jane est justement ce qui m'a tant séduit. Lorsque je l'ai rencontrée, je n'aurais jamais pu deviner que ses parents sont en fait très, très riches. Ils ont reçu la fortune des grands-parents maternels de mon amie en héritage, et leurs métiers respectifs leur apportent beaucoup d'argent. La mère de Jane, Mélissa, est une chirurgienne plasticienne mondialement reconnue. Elle est brillante, certes, mais très imbue d'elle-même. La relation qu'elle entretient avec sa fille est, comme ainsi dire, tumultueuse. Elles ne s'entendent presque jamais, leurs avis divergent sur à peu près tous les sujets... Je suis bien placé pour savoir à quel point Jane en souffre, même si elle ne laisse rien paraître. Son père, Brett, tient un garage. Attention, je ne parle pas du ridicule garagiste qu'on trouve dans les petites villes. Non, je parle plutôt du gars qui vent des Porsche aux richards qui veulent faire plaisir à leurs enfants. Contrairement à sa femme, Brett n'a jamais laissé l'argent l'aveugler. C'est une des choses que j'admire le plus chez lui, en dehors du fait qu'il soit un père merveilleux. À la minute où j'ai franchi le seuil de cette maison pour la première fois, il m'a accueilli avec une tape dans le dos amicale et des blagues hilarantes. Jane et son père sont aussi proches qu'un père et sa fille peuvent l'être. Il joue parfois à la PlayStation avec elle, ils vont manger une glace ensemble une fois par semaine (lorsqu'il est en ville) et il la protège comme s'il valait trente gardes du corps. Je me rappelle, vers mes seize ans, il a commencé à craindre que Jane tombe amoureuse de moi. Évidemment, j'ai trouvé ça ridicule : Jane et moi ne pourrions jamais être autre chose que des amis ! Nous sommes comme un frère et une sœur, ce serait bien trop bizarre. Donc, nous avons discuté « entre hommes » comme il le souhaitait. Il m'a fait promettre de ne jamais briser le cœur de sa fille. J'ai immédiatement opiné et je l'ai toujours protégée, ce qui a toujours eu le don d'agacer Jane.
- Théodore, je ne suis pas faite en verre ! me dit-elle régulièrement.
Si la mère de Jane transpire la richesse par toutes les coutures de ses robes de créateurs, son mari et sa fille s'obstinent à vivre humblement et à rester de simples gens, aimables, courtois, respectueux et adorables. Au fil des années, nos parents ont appris à se connaître et, sans surprise, ma mère s'entend à merveille avec son père, tandis que mon père, lui, est très ami avec sa mère. Qui se ressemble, s'assemble...même si mon père ne peut se permettre de vivre comme Mélissa.
Jane et Genny se sont lancées dans une autre partie, mais de Wii, cette fois. Elles sont en train de se déchaîner sur Just Dance et je les regarde, amusé. Il y a ce truc entre elles qui est vraiment beau à voir. Elles rient ensemble, se regardent, se vannent... C'est adorable. Je m'inquiète, cependant. Pas par rapport à Genny, car elle m'a l'air convenable et parfaite pour ma meilleure amie. Non, c'est à propos de Mélissa Noha que je m'inquiète. Lorsque je disais que son avis divergeait de celui de sa fille à propos d'absolument tout (ou presque), je ne parlais pas que de banalités. Oh non, je sais aussi très bien qu'elle n'est pas aussi ouverte d'esprit que sa fille...ou n'importe qui d'autre, d'ailleurs. À vrai dire, elle est à peu près aussi fermée qu'un coffre fort. Mais tôt ou tard, elle finira par être au courant de la relation qu'entretiennent les deux jeunes filles, et je n'ose même pas imaginer sa réaction. Je suis le seul à savoir que Jane aime aussi les filles, et je pense que son père se doute de quelque chose, mais sa mère, elle, n'a encore rien remarqué.
C'est finalement Genny qui capitule la première et elle s'affale sur le canapé, juste à côté de moi et de mes pensées. Elle s'empare avec précautions de son verre d'eau et commence à boire (à la paille, évidemment). Jane ne tarde pas à nous rejoindre, son éternel sourire accroché sur son visage rayonnant. Elle s'assied à côté de la rousse et joue distraitement avec une des mèches de cheveux de celle-ci tout en parlant.
- Et si on allait se rafraîchir un peu dans la piscine ? propose-t-elle.
- Je dis OUI ! approuve Genny, visiblement très enthousiaste.
- Alors, Théo, t'es partant ? Tu peux même inviter ta jolie fée, si tu veux.
Le sourire espiègle de Jane me provoque.
- La ferme. Je n'ai même pas son numéro.
- Elle habite loin ?
- Non, pas vraiment...
- Alors on va aller la chercher !
- Il est hors de question qu'on te laisse tenir la chandelle, Théodore !
La remarque de Genny me fait rire. Décidément, cette fille a l'air vraiment sympa. Ni une, ni deux, nous montons tous les trois à bord de la voiture de Jane et je la guide jusque chez Pénélope, bercé par les crachotements de la radio et le soufflement de la climatisation du véhicule.
- C'est ici.
Je descends de la voiture et je souffle un bon coup avant de frapper. Je suis très déçu de voir que c'est Séléna qui m'ouvre la porte.
- Théodore...déjà de retour ? Entre donc !
Je la salue d'un bref signe de tête alors qu'elle referme la porte derrière moi.
- Je suis venu proposer à Pénélope de m'accompagner chez mon amie, Jane. Nous pensions que ce serait une bonne idée de l'inviter à passer la soirée à la maison.
- Pénélope ! s'écrie-t-elle. Ton ami est de retour !
Pénélope descend alors. Elle s'est changée, entre temps. Sa robe jaune pâle, fluide et légère, dévoile une partie de ses cuisses et ses bras, longs et nus, révèlent un léger bronzage ainsi que d'étranges dessins vert pâle. Quelques mèches rebelles s'échappent de son chignon maladroitement exécuté et je distingue, dans son cou, les brides d'un maillot de bain.
- Qu'est-ce qui t'amène, Théodore ?
- Je...Euh...Nous...
Juste ciel, Théodore Jenkins, arrête de faire l'idiot ! Je rassemble mes idées et tente de concentrer mon regard sur son visage.
- Je me demandais si...tu...
Visiblement, elle trouve ma soudaine difficulté à m'exprimer amusante, car elle rigole doucement et continue de descendre les marches.
- Tu te demandais si je... ?
Elle continue sa descente et arrive très vite près de moi tandis que sa sœur repart s'occuper dans sa cuisine sans dire un mot.
- Je vais...passer la soirée...chez Jane et...
- Et... ?
Pénélope sourit malicieusement puis pose sa main gauche sur sa hanche et sa main droite sur mon épaule.
- Peut-être que tu...voudrais te...joindre à nous ?
Elle paraît réfléchir un instant, ses yeux plongés dans les miens et ses lèvres pincées, totalement indifférente aux battements irréguliers de mon cœur.
- Pourquoi pas !
Mon corps se détend tout à coup, mes muscles se relâchent et ma respiration redevient normale. Pénélope retire sa main de mon T-shirt et prévient sa sœur de son départ avant de s'emparer de ma main et de m'attirer à l'extérieur. Nous grimpons sur la banquette arrière et Pénélope est soudain bien plus timide qu'elle ne l'était quelques secondes auparavant.
- Jane, Genny, voici Pénélope. Pénélope, voici Jane, ma meilleure amie, et Genny, notre nouvelle amie.
- Contente d'enfin te rencontrer, Pénélope. Théo m'a tellement parlé de toi...
Oh mon dieu, faites-la taire.
- J'ai l'impression de déjà te connaître !
Doux Jésus, c'est gênant.
- C'est bon, démarre et conduit.
Les trois filles éclatent de rire et pendant un court instant, j'ai l'impression que nous ne sommes que quatre jeunes gens tout à fait normaux qui décident de passer du bon temps ensemble alors qu'en réalité, je n'ai aucune idée de ce dans quoi nous nous embarquons.
***
Je suis seul avec Lily dans le jardin de Jane qui est partie se changer, accompagnée de Pénélope afin de faire plus ample connaissance ou, autrement dit, de la laisser lui poser toutes les questions qu'elle souhaite à propos de moi. Je suis pour ma part déjà prêt à plonger, mais je préfère rester assis quelques minutes au bord de la piscine, les pieds dans l'eau et le visage tourné vers le soleil. Je ne me lasserai jamais de cette sensation que procurent les rayons de l'été. Une chose est sûre : mes parents ont fait le bon choix en s'installant ici à Silver Bay, en Floride, vingt ans plus tôt. En portant mon regard sur Lily, je remarque qu'elle a lâché ses longs cheveux roux qui ondulent à présent gracieusement dans son dos. Elle regarde l'eau distraitement, et je me rends compte qu'en effet, elle a tout de la typique sirène des dessins animés, même si je ne me rappelle pas d'une Ariel passionnée de jeux vidéos et étudiante en la matière. Je souris et l'interpelle. Elle lève la tête vers moi.
- Tu ne plonges pas ? je lui demande en indiquant l'eau d'un signe de tête.
- Non, je... J'ai déjà plongé devant Jane, mais pas devant vous. Et en fait, Jane est la première Mortelle devant qui je l'ai fait, ajoute-t-elle en baissant la tête.
- Crois-moi, dis-je pour la rassurer un peu, à peine quelques heures plus tôt, j'ai vu une fée déployer ses ailes, alors tu ne dois pas te soucier de moi.
J'ajoute à mes paroles un sourire qui se veut encourageant, même si ce n'est pas dans mes habitudes de jouer au gars rassurant avec quelqu'un que je ne connais pas tant que ça. C'est avec soulagement que je constate que ça a fonctionné puisque Lily s'approche de l'eau lentement. Elle se positionne au bord de la piscine, plie les genoux, tend les bras, déplie les genoux d'un coup sec et plonge. Autour d'elle, l'eau semble bouillir tout en conservant sa douce température, si bien que je ne distingue plus qu'une masse floue de cheveux roux. Lorsque sa tête émerge de l'eau et qu'elle me tourne le dos, je constate que ses jambes ont cédé leur place à une longue queue bleu pâle et brillante. Ses bras sont parsemés d'écailles par endroits, et celles de sa queue remontent plus haut que son nombril. Sa poitrine est également couverte d'écailles mais aussi d'algues qui s'emmêlent parfaitement. Je cligne des yeux pour m'assurer une nouvelle fois que tout ceci n'est pas le fruit de mon imagination, et je me surprends encore à être surpris quand je m'aperçois que non, je ne rêve pas. Lily se tourne à nouveau vers moi tandis que les filles nous rejoignent. Jane porte le bikini qu'elle portait après notre dernier jour d'examen et Pénélope, elle, porte un deux-pièces qui lui va à ravir. Le haut, retenu par de simples bretelles noires, est orange et décoré de jolis papillons bleus. Pénélope avance à pas hésitants, les bras croisés sur son ventre et les yeux fixés sur ses pieds. Elle s'arrête pile avant de tomber à l'eau et je ne peux toujours pas détacher mes yeux de son corps si parfait. Elle est tout ce dont un homme peut rêver, de ses magnifiques courbes jusqu'à la pointe de ses cheveux bruns. Bon, d'accord, peut-être que je ne suis pas objectif. Peut-être. Elle relève un peu la tête et lorsque ses yeux croisent les miens, je surprends à nouveau cet éclat vert traverser ses prunelles mordorées. Je l'invite à s'assoir à côté de moi, ce qu'elle accepte. Elle s'installe donc à cinq centimètres à peine de moi, si bien que nos épaules se frôlent presque. Jane, elle, a déjà rejoint sa jolie rousse qui l'embrasse rapidement en pensant que je suis trop captivé par ma voisine pour les voir (ce qui, pour être tout à fait honnête, n'est pas totalement faux). Pénélope continue de me regarder dans les yeux, et je ne retiens pas ma question plus longtemps.
- Pourquoi tes yeux deviennent-ils verts ?
- Ma sœur te l'a expliqué, c'est une...
- ...de vos caractéristiques, je sais. Mais pourquoi ? Qu'est-ce que ça signifie ?
Elle ouvre et referme la bouche plusieurs fois, avec l'air de choisir ses mots consciencieusement avant de dire quoi que ce soit.
- Je t'expliquerai ça plus tard, quand tu seras apte à comprendre, d'accord ?
Je hoche la tête, non sans être déçu de ne pas obtenir de réponse. Comme je suis quand même de bonne humeur, je décide de la titiller un peu.
- En passant, l'orange te va à ravir, Pénélope.
L'effet que j'espérais ne tarde pas à apparaître : ses joues rosissent légèrement et elle détourne les yeux en souriant, timide. Moi, je ne peux pas m'empêcher de rigoler doucement.
- Qu'est-ce qu'il y a de drôle ? demande-t-elle soudainement.
- Rien, c'est juste que... Tu as l'air si timide avec moi.
- Et en quoi c'est drôle ?
- Et bien tu l'étais beaucoup moins avec Seth.
- Tu ne l'aimes vraiment pas, n'est-ce pas ?
- Non, vraiment pas. Alors pourquoi tu étais si entreprenante avec lui ?
- Parce que Seth n'était qu'une distraction que j'ai déjà oubliée.
Sans même me laisser le temps de réagir à sa réponse, elle se jette à l'eau pour rejoindre les filles. Je fronce les sourcils. Seth était une distraction. Et moi, alors ? Elle m'a embrassé, mais est-ce que c'était pour se distraire, ça aussi ? Non, je ne veux pas croire ça. Je suis sûr qu'elle aussi a ressenti quelque chose de fort lors de notre baiser. Jane me sort de mes pensées en criant mon nom, ou plutôt mon surnom.
- Alors, le balafré ! T'as peur de te mouiller ou quoi ?
Je lève les yeux au ciel et je glisse dans l'eau à mon tour pour les rejoindre. Dans l'eau, nous rions et nous nous éclaboussons comme des gamins, puis nous discutons de nos vies, de nos projets d'avenir, de nos familles et de nos soucis en tous genres.
- Mais, Genny, commence Pénélope. Tu es une Amphibie, c'est ça ? Tu te rends compte à quel point c'est rare ? Tu es la première Sirène Amphibie que je rencontre !
- Je sais, j'ai de la chance, dit-elle en souriant. Je ne sais pas comment j'aurais fait pour passer ma vie à observer les Mortels sans être capables de les côtoyer. Le monde sous-marin est magnifique, mais il y a tellement de choses incroyables à vivre sur terre...
Ses yeux rêveurs en disent longs.
- Tu as...quitté ton ban alors ? demande Pénélope.
- Attends, intervient Jane. Tu veux dire...un ban de Sirène ? Comme une famille ?
- Oui, c'est ça. J'ai quitté mon ban, mais je ne le regrette absolument pas.
- Ce serait trop indiscret de te demander pourquoi ? lui demande Jane en s'emparant doucement de sa main.
- Non, je peux vous le dire sans problème. Ma grand-mère, Margeary, était une Amphibie, elle aussi. Le problème, c'est qu'elle a eu une liaison avec un humain et son mari s'en est rendu compte. Qui aurait pu la blâmer ? Mon grand-père, Silas, était un être affreux. Qui sait ce qu'il lui faisait endurer quotidiennement... La terre ferme était son seul échappatoire, et il le lui a fait payer.
- Comment ?
- Il a rencontré des marins à qui il a donné une quantité impressionnante de pierres précieuses pour...la brûler vive. Elle est morte avec son amant lorsque sa maison a mystérieusement explosé. Quand j'ai appris ça, j'ai dit à Silas que je ne voulais plus jamais le revoir. Ma mère est morte en me donnant naissance et je vivais avec lui, alors le quitter n'a pas été bien difficile.
- Genny...
Je vois, sous l'eau, que les doigts des deux jeunes femmes s'entremêlent.
- Ce n'est rien. Heureusement que le maire est un homme admirable. Il m'a laissé étudier parmi les Mortels malgré ma nature et le fait que je n'aie pas de diplôme alors, me voilà.
Elle a raconté cette histoire avec désinvolture, mais on ne me la fait pas à moi : j'ai bien compris qu'elle est bien plus affectée qu'elle ne le laisse paraître. D'ailleurs, je suis certain qu'elle aura droit à du réconfort digne de ce nom de la part de Jane. Je souris devant la mine à la fois inquiète et compatissante de ma meilleure amie tandis qu'un silence s'installe. Fort heureusement, Pénélope s'arrange pour dévier la conversation et nos blagues et nos rires reprennent de plus belle. Quelques heures plus tard, alors que nous nous retrouvons tous les quatre dans le salon, Jane nous propose de jouer à un drinking game. Bien que je sois peu emballé, j'accepte lorsque Genny et Pénélope nous montrent leur drôle d'enthousiasme.
- J'ai une super idée ! s'exclame Jane. J'ai déniché un super drinking game il y a peu, je l'ai déjà testé avec Théo et...
- Oh non, pas celui auquel je pense.
- Et si, Théo ! Allez, ce sera amusant !
En moins d'une minute trente, Jane sort le DVD de Harry Potter à l'école des sorciers. Ensuite, elle revient avec une feuille de papier plastifiée, des verres et deux bouteilles d'alcool fort. Je secoue la tête, dépité, mais surtout prêt à prendre une belle cuite. Bien évidemment, tout le monde dormira ici, cette nuit : il faudrait être inconscient pour reprendre la route après un tel jeu, surtout avec Jane. Le premières minutes nous coûtent déjà quelques gorgées, et il en va de même pendant le reste du film. Comme je suis celui qui tient le moins bien l'alcool, je me retrouve vite allongé par terre, à moitié endormi. Juste avant de sombrer dans le sommeil, je distingue une dernière fois les contours de la silhouette de Pénélope qui rit aux éclats. Décidément, cette fille tient l'alcool comme personne.
***
Mes yeux s'ouvrent difficilement et je dois m'y reprendre à deux fois avant d'être capable d'affronter la lumière du jour. Un poids sur mes côtes m'enlève l'envie de me lever même si j'ignore quelle en est l'origine. En baissant un peu le regard, je m'aperçois qu'il s'agit d'une main aux ongles vernis en noir : Pénélope. Les battements de mon cœur s'accélèrent légèrement tandis que mes idées s'éclaircissent un peu. Nous sommes allongés à même le sol, ce qui explique la douleur que je ressens dans mon dos et dans ma nuque. Je tourne la tête sur ma gauche et je contemple son visage, à une quinzaine de centimètres du mien. Je remarque que ses sourcils sont froncés, comme si dormir exigeait d'elle une dose de concentration. Même comme ça, avec ses cheveux désordonnés et ses paupières closes, je la trouve magnifique. Je cligne des yeux plusieurs fois et, délicatement, je viens déposer un doux baiser sur son front. Pénélope ouvre les yeux à son tour et me regarde tendrement. Nous n'échangeons aucun mot mais pourtant, c'est tout comme. Elle enroule son bras autour de ma taille tandis que je fais de même tout en me positionnant sur mon flanc gauche et je plante mes yeux dans les siens, toujours parsemés de fils d'or. Lorsque je commence à m'approcher d'elle, l'éclat vert traverse à nouveau son regard. Cependant, avant que je puisse poser la moindre question, elle réduit l'espace qui régnait jusqu'alors entre nous et pose ses lèvres sur les miennes. Commence alors une charmante valse tout aussi enivrante que l'alcool consommé la veille. Notre souffle nous quitte peu à peu, mais aucun de nous deux ne semble s'en préoccuper. Enfin, elle déserte ma bouche pour poser son front contre mon torse. Je saisis son menton pour la regarder et ses yeux me saisissent à leur tour. Exactement comme hier, ils ont viré entièrement au vert.
- Il est vraiment temps que tu m'expliques.
Elle hoche la tête pour approuver mes dires et laisse s'écouler quelques secondes avant de parler.
- La couleur de nos yeux réfléchit les émotions qui nous traversent. C'est incontrôlable pour nous. Chaque émotion à sa propre teinte, et plus la couleur est vive, plus l'émotion est forte.
- Et quel sentiment le vert représente-t-il ?
- La peur.
- Mais de quoi as-tu peur ?
- J'ai peur que mes yeux deviennent mauves.
- Ce qui signifierait... ?
- Que je suis tombée amoureuse.
Alors, elle a peur de tomber amoureuse de moi. Mais pourquoi ? Personne ne devrait avoir peur de l'amour à ce point.
- Pourquoi as-tu peur de l'amour, Pénélope ? C'est une des plus belles choses qui soit... L'amour te fait vivre.
- Et bien, ça dépend, Théodore. Tout le monde n'est pas aussi réjoui par l'amour que tu ne l'es...
- Je vois. Tu es sûre que tu as seulement peur de tomber amoureuse ?
- Oui...
Je trouve sa réponse étrange. C'est logique d'être stressé par l'amour, mais de là à en avoir peur à ce point... Non, je ne comprends définitivement pas. Peut-être a-t-elle eu le cœur brisé, comme Jane avec Seth, autrefois. Qui sait ? En tout cas, je ferai tout pour découvrir le comment du pourquoi. C'est seulement lorsque je me redresse que je remarque l'absence de Jane et Genny, qui ne peuvent pourtant pas être bien loin.
- Tu sais où sont les deux autres filles ? je demande à Pénélope.
- Oui, elles sont montées dans la chambre de Jane, hier soir, mais tu étais déjà endormi, je pense.
Je suis vraiment faible dès qu'il s'agit d'alcool. La bière, le vin...passent encore, mais la vodka, la tequila, toutes ces choses...elles passent moins bien. Je me frotte les yeux et me hisse tout doucement sur mes deux pieds. Je tangue lors de mes premiers pas, puis ma vision se réajuste : je n'ai même pas pris la peine d'enlever mes lunettes avant de m'endormir. Je marche enfin droit, alors j'estime que l'escalier ne représente plus un terrible ennemi. Grave erreur. Je me cramponne à la rampe de sécurité et j'arrive enfin en haut des marches, exténué. Je me dirige vers la chambre de Jane et je frappe à la porte : pas de réponse. J'entrebâille un rien la porte en bois et je passe ma tête dans l'ouverture. Sur les draps de son lit, Jane enlace Genny et elles semblent toutes les deux dormir comme des bébés. Je referme discrètement la porte et je m'en vais à pas de loup. Une fois en bas (après une descente toute aussi périlleuse que la montée), je me rends dans la cuisine. Pénélope s'attable à l'îlot et je fouille le frigo. Je déniche une brique de lait alors j'ouvre les armoires suspendues au mur pour prendre deux bols et des céréales chocolatées. Je verse les petits-déjeuners dans les bols et, après avoir sorti deux cuillères, j'en tends un à Pénélope.
- Merci, murmure-t-elle.
- Tu n'es pas obligée de chuchoter, tu sais. Les murs sont équipés d'un isolant acoustique, c'est pratique.
- En effet.
La jolie brune commence à manger alors que je m'assieds en face d'elle. Nous mangeons tout en discutant tranquillement et en prenant soin d'éviter de mentionner notre précédente conversation. Quand nous avons tous les deux terminés, je me penche au-dessus de l'îlot pour déposer un léger baiser sur ses lèvres, qu'elle accepte avec un sourire. Évidemment, Jane choisit ce moment pour débarquer, déjà de bonne humeur.
- Et bien, vous perdez pas de temps, vous !
Je lève les yeux au ciel et Pénélope rigole doucement. Je la regarde rire et du coin de l'œil, je vois Jane esquisser un nouveau sourire. Genny nous rejoints rapidement et je leur sers le même repas qu'à Pénélope et moi. Pénélope nous annonce qu'il faut qu'elle rentre chez elle en début d'après-midi, et que sa sœur m'a cordialement invité à dîner avec eux ce soir.
- Elle veut absolument que tu rencontres notre frère, m'explique-t-elle, gênée.
Doux Jésus, je vais rencontrer son frère. Si ça se trouve, c'est le genre de grand frère ultra-protecteur et bien intimidant. En plus, c'est une fée, donc il a des pouvoirs magiques qui peuvent très certainement m'écrabouiller. Comment vais-je vivre ça ?
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Et voilà le quatrième chapitre, à la bonne date, cette fois! Qu'en pensez-vous? Hâte de rencontrer le mystérieux frère de Pénélope? Et Jane et Genny, toujours aussi adorables? Dites-moi tout!
Kissouilles
-Cxlxnx13 ***
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