01 : Sweet dreams
Théodore Jenkins
Je me réveille difficilement et je frotte mes yeux encore rougis de sommeil. Tout autour de moi est flou et j'ai bien besoin de quelques secondes pour mettre la main sur mes lunettes. Je les pose sur mon nez et j'enfile un jean foncé et une chemise blanche : je dois présenter mon examen oral ce matin, et une tenue correcte est exigée.
- Théodore Jenkins! Si tu n'es pas dans la cuisine d'ici deux minutes, je monte te chercher!
Je lève les yeux au ciel, exaspéré. Pourquoi mes journées comment-elles toutes de la même manière? Pendant que je noue ma cravate, je repense à mon rêve... Cette fille, ces yeux, cet éclat vert : je les vois toutes les nuits depuis deux mois. Un rêve ne persiste jamais aussi longtemps...pas vrai? Je dévale les escaliers à toute vitesse et m'installe à la minuscule table de notre cuisine. J'y trouve, comme chaque matin, une assiette chargée d'œufs brouillés et un grand verre d'eau.
- Merci, Maman, dis-je avant de manger mon petit-déjeuner à la vitesse de la lumière.
Ma charmante mère se retourne vers moi, le front plissé.
- Dépêche-toi, tu vas être en retard pour ton oral de français.
Je luis souris malgré ma bouche remplie d'œufs. Elle éclate de rire devant mon air ridicule et je me rends compte que c'est le plus beau rire qu'il m'ait été donné d'entendre. Comme ses rires se font de plus en plus rares, je savoure chacun d'eux. Elle secoue la tête et ses longs cheveux bruns se balancent. Je termine mon petit-déjeuner et lave mon assiette. Je prends ma veste en jean (dont je me débarrasserai rapidement au vu des chaleurs prévues pour aujourd'hui) sur le porte-manteau et je ne peux m'empêcher de remarquer l'absence du veston de mon père. Étrange...
- Papa n'est pas rentré cette nuit?
- Non, son boulot l'a retenu. Il reviendra avec le prochain avion.
Je cache ma déception et attrape mon sac, abandonné dans le salon. J'embrasse ma mère et je me dépêche de gagner mon arrêt de bus. Je marche rapidement et j'arrive juste à temps. Je montre mon abonnement au chauffeur et je m'assieds, la tête appuyée contre la vitre et Game of Thrones ouvert sur mes genoux. Je me perds dans ma lecture et je me cogne presque contre le siège devant moi lorsque le bus s'arrête. Je ramasse mon marque-page sous mon siège et quand mes yeux se posent sur la personne qui vient tout juste de monter dans le véhicule, mon corps entier se fige. Des cheveux foncés, une veste en cuir malgré la chaleur étouffante, une peau assez pâle et des yeux mordorés : c'est elle. Je cligne des yeux à plusieurs reprises pour m'assurer que ce n'est pas à un mirage et pour faire bonne mesure, je me pince le bras. Non, je ne suis définitivement pas en train de rêver. Elle paie son trajet puis remonte l'allée de sièges et s'assied deux sièges devant moi, dans la rangée d'à côté. C'est plus fort que moi : je ne peux détacher mes yeux de son beau profil. Ses écouteurs sont enfoncés dans ses oreilles mais elle doit sentir mon regard posé sur elle car elle tourne la tête vers moi. Je n'ai encore jamais rien vécu d'aussi intense : nous nous dévisageons pendant un moment et je me dis : «Ça y est. J'ai rencontré la plus belle créature de l'Univers.»
Elle fronce les sourcils et se retourne, probablement inconsciente de l'effet qu'elle m'a fait. Je quitte le bus devant mon école et je le regarde s'éloigner avec la fille qui hante mes rêves. Complètement chamboulé, je rejoins ma meilleure amie, Jane, devant le local où a lieu l'examen.
- Hey, le balafré, m'interpelle-t-elle, prêt?
Ah, oui, ce...sobriquet. En fait, lors de notre première rencontre, alors que nous avions douze et treize ans, je suis tombé de mon vélo et je me suis entaillé la joue sur une pierre. Je n'ai gardé une trace de l'accident que pendant quelques semaines mais, tout comme le lien tissé ce jour-là, le surnom est resté. Je souris et lui tape l'épaule.
- Je suis toujours prêt, quelle question. Et toi, tu as su intégrer le chapitre cinq?
- Étonnamment, oui...après l'avoir étudié pendant trois heures.
- Je te l'ai déjà dit : tu étudies maximum une heure, puis tu fais une pause de quinze minutes et tu recommences!
- Oui, je m'en souviens, mais je suis tellement angoissée qu'une fois que je commence à étudier, je ne peux pas m'arrêter avant d'être totalement crevée... En parlant de fatigue : tu as encore rêvé d'elle, cette nuit? ajoute-t-elle avec un sourire malicieux incroyable dont elle seule a le secret.
J'hésite longtemps à lui raconter l'épisode du bus. J'ai peut-être totalement imaginé cette fille. Et si je devenais fou? Jane me connaît mieux que personne et elle sait que ces rêves me préoccupent, alors pourquoi ne pas lui en parler?
- Jane... Ce matin, dans le bus, je... Je pense que je perds la tête.
- Que s'est-il passé dans le bus pour que tu penses ça?
- J'ai vu une fille et je suis persuadé que c'était elle. Elle avait les mêmes yeux, les mêmes cheveux... Tu sais que je ne crois pas aux coïncidences, alors explique-moi pourquoi la fille dont je rêve depuis des semaines apparaît soudain dans mon bus.
Je la vois ouvrir la bouche et la refermer avant de répondre, perplexe.
- J'en sais rien, Théo. Tu as peut-être mal regardé...
- Je l'ai dévisagée et crois-moi : c'était elle. Je dois la revoir.
- Comme tu voudras, élude-t-elle en haussant les épaules.
Elle sait très bien que quoi qu'elle dise, je n'en démordrai pas. La sonnerie retentit et notre prof de Français, Mr. Dejamb, ouvre sa porte.
- Théodore Jenkins ?
- C'est moi.
- Ah ! Entre, Théodore.
L'examen, à mon grand soulagement, n'est pas aussi difficile que ce à quoi je m'attendais. Je n'éprouve aucun problème pour parler le Français puisque ma grand-mère maternelle ne parlait que cette langue, mais les sujets à étudier sont complexes. Je stresse d'autant plus que je joue mon année de terminale, et je crève d'envie de quitter ce bahut. Le prof me sourit formellement et m'indique qu'il en a terminé avec moi, donc je quitte le local et je rejoins Jane. Je lui souhaite bonne chance et elle part à son tour passer l'examen. Je sors l'attendre devant l'école et je profite des rayons du soleil : j'aime l'été, les cours sont officiellement terminés et je vais aller faire la fête avec Jane en attendant nos résultats. Que demander de plus ? Je souris en pensant à la soirée à venir et je ferme les yeux un instant. Je les ouvre juste à temps pour apercevoir à nouveau la fille de mes rêves...et du bus. Elle porte toujours sa veste de cuir noir : comment fait-elle pour la supporter par cette chaleur ? Je me décide à aller la trouver, lui parler...mais quelqu'un la rejoint avant que mes jambes se décident à bouger. Avant que je ne puisse esquisser le moindre geste, la mystérieuse brune embrasse Seth Nelly à pleine bouche.
Seth est de loin le gars le plus détestable que je connaisse. Il est la parfaite réplique du héros d'une série pour ados : il joue au football, il a un physique de dieu grec et toutes les filles sont à ses pieds. Jane a été une de ses conquêtes et il lui a brisé le cœur, ce qui me donne une bonne raison de le détester. Et voilà qu'il l'embrasse, Elle. Ca ne devrait pourtant pas me déranger : nous ne nous connaissons ni d'Ève, ni d'Adam. Mais cette sensation horrible, urticante qui chamboule mon estomac existe et c'est bien là tout ce qu'elle ne devrait pas faire. Exister. J'ai vraiment envie de faire quelque chose...n'importe quoi ! pour qu'elle détache ses lèvres de celles de cette espèce de pathétique Don Juan, mais Jane m'empêche de commettre un acte des plus stupides lorsqu'elle débarque, tout sourire, tel un petit rayon de soleil.
- C'est elle.
- Qui ça ?
- La fille du bus, regarde.
Elle l'observe et la détaille. Je comprends vite qu'elle est en train non seulement d'analyser la jeune étrangère mais aussi de se rappeler l'histoire qu'elle a partagée avec Seth. À contrecœur, je passe mon bras autours de ses épaules et je l'entraîne jusque sa voiture.
- Ne pense plus à lui : allons nous amuser !
Il n'est que dix heures alors nous achetons des bouteilles d'eau et armés de nos lunettes de soleil, nous roulons jusqu'à la côte. Une fois garés, j'ouvre le coffre et j'en retire nos maillots de bain. Je tends son bikini à Jane qui court se changer dans les toilettes publiques. J'attends qu'elle revienne pour en faire de même. Doux Jésus, ces toilettes sont infectes. J'en sors aussi vite que possible et je rejoins Jane qui consulte tous ses réseaux sociaux. Elle m'entend arriver, relève la tête et affiche un large sourire espiègle. Elle hausse plusieurs fois les sourcils et j'ai tout juste le temps de me retourner avant qu'elle ne s'élance et saute sur mon dos. Nous rions aux éclats, tels deux enfants, et Jane prend une photo de nous deux depuis son perchoir.
- Et maintenant, je la partage sur tous les réseaux sociaux pour qu'absolument tout le monde sache que je passe une journée magnifique avec mon formidable frangin !
Je rigole et je la laisse regagner la terre ferme. Je la serre fort dans mes bras avant de me pencher à son oreille, cachée sous ses mèches blondes.
- Je t'aime fort, sœurette.
Je la sens sourire.
- Mais je vais quand même te jeter à l'eau !
Je la soulève et la fait basculer sur mon épaule, tandis qu'elle éclate de rire à nouveau. D'une main, je ferme la voiture et emporte notre sac de plage, puis je cours pour atteindre l'océan. Je « dépose » le sac sur le sable et je plonge en entraînant Jane avec moi. Nous remontons à la surface, complètement trempés, mais aussi fabuleusement heureux. J'en oublie presque le spectacle auquel j'ai eu droit une heure plus tôt. Après avoir dépensé toute notre énergie dans de grandes batailles d'éclaboussures, nous retournons sur la plage et nous étendons nos serviettes sur le sable chaud. Nous bavardons à propos de différents sujets, plus ou moins importants.
- Tu sais, je suis vraiment convaincue que ces petits pots de sauce qu'ils vendent dans les fast-foods devraient être gratuits. Et on devrait pouvoir s'en servir à volonté ! s'exclame-t-elle.
- Tout à fait.
J'ai beaucoup de mal à ne pas rire, mais je la laisse continuer sa tirade.
- Non mais c'est vrai ! C'est beaucoup trop cher et ils sont beaucoup trop petits.
- Tu as sans doute raison.
- Le sel est déjà gratuit ; alors pourquoi pas la sauce ?
- C'est révoltant.
- Te fous pas de ma gueule, Jenkins.
- À vos ordres, Sergent Noha.
- Je t'ai déjà fait remarquer à quel point t'es lourd ?
- Environ un million de fois. Mais tu sais que tu m'aimes quand même.
- Pas faux.
Nous rions à nouveau à nous en faire mal au ventre. La plage se vide un peu alors je regarde l'heure sur mon smartphone : il est treize heures dix. Jane enfile son short pas dessus son maillot de bain et après avoir rangé nos serviettes de plage, nous retournons à la voiture. Alors que Jane se concentre sur la route, je reçois un appel de ma mère. Je coupe la radio et décroche en activant le haut-parleur.
- Théodore ?
- Oui, Maman ? Tu es sur haut-parleur ; je suis avec Jane.
- Bonjour Hannah ! lance l'intéressée. Comment allez-vous ?
- Très bien merci Jane. Théo, je voulais juste te prévenir que j'ai eu Papa au téléphone et qu'il rentre demain matin.
- Seulement ? D'accord, merci de m'avoir tenu au courant, Maman.
- De rien. Vous serez rentrés pour dîner ?
- Non, on sort ce soir. Mais on rentrera pour trois heures du matin, pas plus tard.
- Très bien. Je dormirai déjà, mais je laisserai une clef sous le paillasson. Amusez-vous et soyez prudents, les jeunes !
- On n'y manquera pas, bisous Maman !
Je raccroche et j'allume la radio. Une musique estivale retentit dans les diffuseurs et après avoir augmenté le son, Jane et moi chantons à tue-tête avec la chanteuse du moment. Nous arrivons enfin à la brasserie qui fait le coin de la rue de l'école et nous nous installons en terrasse. Je commande une bière aux fruits rouges tandis que Jane se contente d'une limonade. Alors qu'un silence s'installe entre nous, je recommence à penser à cette mystérieuse brune. Pourquoi est-elle devenue réelle ? Ce matin encore, elle n'était qu'un rêve, une illusion, une image. Je dois lui parler. Au fin fond de moi, je veux savoir si elle, aussi, rêve de moi. Mais cette question est tellement étrange et déplacée...
- Tu penses encore à cette fille, n'est-ce pas ?
Je hoche la tête et bois une gorgée de bière avant de parler.
- Je ne comprends plus rien, Jane. C'est complètement fou... Essayer de lui parler serait fou : je ne connais même pas son prénom !
- Mais généralement, on ne regrette pas les folies. Il peut se passer deux choses : soit elle te prend pour un taré et tu reçois la baffe de ta vie, soit elle te dit que vous êtes faits l'un pour l'autre et BOOM, tu es enfin casé.
Je lève les yeux en ciel en gloussant : ce qui a commencé comme un conseil judicieux s'est achevé en boutade. Du Jane Noha tout craché, ça. Elle affiche un sourire satisfait et sirote sa limonade comme une enfant de cinq ans. Nous commandons une autre bière et une seconde limonade avant de reprendre la route. Comme son anniversaire approche, j'emmène ma meilleure amie faire les boutiques au centre commercial de la ville. Je la lâche dans son magasin de jeux vidéos préféré et je lui dis que je serai de retour dans une demi-heure avec son cadeau. Les yeux écarquillés devant une bande-annonce, c'est à peine si elle m'entend. Je quitte la boutique et file chez le bijoutier : j'ai reçu un texto hier qui m'avertissait que ma commande est prête. Je salue l'artisan et me présente.
- Bonjour Monsieur, je suis Théodore Jenkins. J'ai passé une commande chez vous le mois dernier.
L'homme s'arme de ses lunettes et recherche mon nom dans son ordinateur.
- C'est exact, je vais vous chercher ça tout de suite !
Il disparaît quelques secondes dans l'arrière-boutique puis me tend un joli boîtier gris. Je l'ouvre pour admirer ma trouvaille : un petit pendentif en forme de manette de console de jeu. Je remercie le bijoutier et lui paie le collier avant de m'en aller. Je m'arrête chez le glacier et achète deux milkshakes (chocolat pour Jane, vanille pour moi). Je retrouve mon amie devant la boutique où je l'ai lassée et je lui donne sa boisson.
- Joyeux anniversaire en avance !
- Waouh, un milkshake...je ne m'attendais pas à tant !
J'éclate de rire et lui offre son vrai cadeau. Elle ouvre la boîte et son visage se fend d'un énorme sourire. Elle me saute au cou en riant.
- Merciiiiii !
- C'est avec plaisir : on a pas dix-huit ans tous les jours !
Je l'aide à l'attacher autour de son cou puis nous buvons nos boissons glacées tout en marchant vers la sortie de la galerie commerciale. Nous nous asseyons à nouveau dans la voiture et j'enclenche l'air conditionné : le véhicule est une véritable fournaise. Ce qu'il peut faire chaud en Floride ! Jane conduit jusqu'au lac où tous les jeunes de la région se retrouvent : c'est la fin des cours alors évidemment, l'endroit est déjà bondé. Grâce aux quelques gosses de riches présents ici (comme Seth Nelly, par exemple), de grosses enceintes diffusent de la musique pop et, de temps à autres, du rap. Certains ont réussi à amener autre chose que de la bière, et Jane se plaint d'être la seule de nous deux à avoir un permis de conduire.
- Allez, c'est pas grave... On va quand même s'amuser !
- Mouais...
Jane arrête soudain de râler et me montre quelque chose d'un signe de tête. Au loin, assise sur un rocher, la mystérieuse brune rit avec Seth et ses amis. Je panique : dois-je aller lui parler ? Oui, j'en ai envie. Mais en ai-je le courage. Pas sûr...
- Va la trouver. Dis-lui qu'elle te rappelle quelqu'un et le tour est joué.
- Non, je reste avec toi.
- Vas-y, je t'ai dit ! J'au vu Sally du cours de math, pas loin, je ne serai pas toute seule.
Je prends une grande inspiration et me dirige vers le groupe d'amis. Merde : elle est entourée de Seth et ses potes. Comment je fais pour ne pas passer pour un idiot ? Mes jambes continuent d'avancer et mes yeux de la fixer. Soudain, elle s'arrête de rire et me remarque. L'échange me retourne tout autant que ce matin et à mon immense surprise, elle saute de son rocher et signale aux autres qu'elle revient vite. Moi, quel idiot, je cesse tout mouvement et la laisse venir à moi. Je m'attends à...à quoi, au juste ? J'ignore ce qu'elle compte faire tout comme j'ignorais quoi faire un instant plus tôt. Je suis rapidement fixé : elle empoigne mon bras fermement et m'entraîne à l'écart de la petite foule d'étudiants. Une fois à l'ombre d'un parasol abandonné, elle me libère et je note une nouvelle fois qu'elle porte toujours sa veste en cuir, alors que tous les autres jeunes sont en T-shirt ou en maillot de bain.
- Mais qui es-tu ?
La question est simple : je peux y répondre grâce à deux mots que j'écrivais sur chaque feuille d'examen, il n'y a pas si longtemps. Alors pourquoi aucun son ne peut sortir de ma bouche ? Je suis en train d'ouvrir et fermer la bouche comme un stupide poisson rouge. Le ridicule ne tue pas mais il enterre, croyez-moi.
- Théodore...Jenkins. Je...toi ?
Ciel. Je n'ose même pas imaginer ce qu'elle pense.
- Pénélope. Dis-moi : d'où tu sors ?
- Euh, et bien, je...
L'éclat vert ? Celui dont j'ai rêvé cette nuit et toutes les autres ? Il vient tout juste de traverser son regard.
- Pénélope, je suis désolé mais tes yeux...
- D'où tu sors ?
Elle a l'air effrayée. Je ne comprends pas : c'est moi qui me ridiculise et c'est elle qui a peur ? Tout ça n'a vraiment aucun sens.
- D'ici.
- C'est impossible.
- Qu'est-ce qui est impossible ?
- Tu ne peux pas être réel. Ca y est : je suis devenue folle. Qu'est-ce que tu me veux ?
Sa voix tremble et un autre éclair vert traverse ses yeux. Ai-je bien entendu ce qu'elle a dit ? Elle aussi aurait rêvé de moi ? Je ne sais pas comment me sentir. Une partie de moi est terrorisée par cette histoire farfelue, mais l'autre est soulagée de ne pas avoir perdu l'esprit.
- Est-ce tu aurais, par hasard...rêvé de moi ?
Pénélope baisse les yeux et fixe ses pieds. Elle noue ses doigts et semble les trouver très intéressants.
- Oui.
- Moi aussi.
Elle relève la tête et plonge ses yeux dans les miens : cette étrange sensation est de retour. Mes intestins se tordent et mon cœur se serre tandis que ma respiration s'accélère. Je sens le contrôle quitter le navire et je tends ma main vers la sienne. J'agrippe délicatement ses doigts aux ongles recouvert d'une couche de vernis noir impeccable. Dès que nos peaux entrent en contact, je peux sentir la mienne picoter sur son moindre centimètre carré. Je souris bêtement : je ne connais pas cette Pénélope, mais le moment que nous partageons est magique. Je ne détache plus mon regard de ces superbes prunelles mordorées où semble avoir été déversé l'or le plus précieux et le plus rare du monde. Elle m'apparaît comme du charbon : tout le monde la voix, mais seules quelques rares personnes connaissent sa véritable valeur. Lorsqu'elle recule vivement sa main, je flotte encore plusieurs secondes dans ma béatitude. Quand j'en émerge finalement, je m'aperçois que la jolie brune s'est enfuie. Je cligne des yeux deux, trois fois avant de la chercher parmi tous les autres jeunes présents et comme elle demeure introuvable, je retourne auprès de Jane. Je la retrouve en grande conversation avec une rousse aux yeux pétillant de joie et d'enthousiasme. En m'approchant, j'entends qu'elles parlent du nouveau jeu vidéo d'une longue série, sorti il y a quelques semaines.
- Et les graphismes...je n'ai jamais rien vu d'aussi beau ! s'exclame la rousse.
- C'est vrai ! Oh, Théo ! Te voilà enfin ! Genny, je te présente Théodore, mon meilleur ami et Théo, voici Genny, ma nouvelle amie !
- Le fameux Théodore ! Jane m'a beaucoup parlé de toi !
- Ah oui ? Ma célébrité me suit...
Je rigole et nous faisons plus ample connaissance. Genny est passionnée de jeux vidéos depuis que sa mère lui a acheté une PlayStation pour ses onze ans et du haut de ses dix-neuf ans, elle suit des études d'informatique et de graphisme pour un jour développer son propre jeu. Pas étonnant que Jane et elle aient si vite sympathisé...
- Et toi tu écris, c'est ça ? me demande-t-elle après que Jane soit partie nous chercher à boire.
- Oui, de temps à autre, mais pas grand-chose.
- Ne sois pas si modeste ! Jane m'a dit que ta plume est magnifique ! Elle m'a lu un des poèmes que tu lui as envoyés.
J'adore Jane, mais je devrai lui rappeler de ne plus montrer mes textes à des inconnus.
- Lequel ?
- Celui sur les yeux verts.
Et il fallait que Jane lui montre celui que j'ai écrit à propos de mes rêves !
- Oh, je vois.
- Tu n'aimes pas partager ton travail, n'est-ce pas ?
- Pas vraiment ? J'aimerai le partager quand j'aurai assez vu et vécu pour écrire de belles histoires.
- Ton poème m'a plus, en tout cas, dit-elle en souriant et en haussant les épaules.
- Merci.
Un silence inconfortable s'installe et je peux voir que la pauvre Genny cherche un moyen de le briser. C'est amusant : de nous trois, elle semble la plus jeune alors que c'est tout à fait le contraire. Heureusement, Jane revient avec une bière, deux limonades et sa bonne humeur. Armée de son rire, elle détend l'atmosphère et nous permet de passer une super soirée. Nous parlons, chantons, dansons jusqu'à n'en plus pouvoir. Il est vingt-trois heures trente et la fête bat son plein, mais je n'ai toujours pas revu Pénélope. Je la cherche à nouveau, scrutant la foule à travers les verres de mes lunettes. Trop occupée à danser avec Genny, Jane ne remarque pas que j'ai arrêté de bouger. J'abandonne mes recherches, bien décidés à m'amuser, mais une ombre vient gâcher le tableau.
- Elle est où ? me demande, pas très amicalement, une voix masculine.
Je me retourne pour découvrir, à mon plus grand déplaisir, Seth Nelly, l'ai très en colère.
- De qui tu parles ?
- Pénélope. Je l'ai vue te parler, puis elle a disparu. Qu'est-ce que tu lui as dit ? Que je ne suis pas un gars à fréquenter ? Si elle est partie par ta faute...
- Quoi ? Tu vas faire quoi ? Oui, j'ai parlé à Pénélope et non, tu n'es pas une bonne fréquentation, mais...
Un poing interrompt ma phrase en heurtant ma mâchoire. Déboussolé, je tombe au sol, ce qui déclenche l'hilarité de Set et ses camarades. Je n'ai même pas le temps de me relever : le pied du sportif terminer sa course dans mon ventre. Carrément sonné, je l'entends rire, puis j'entends Jane crier.
- Théo !!
Elle s'agenouille à côté de moi et passe sa main dans mes cheveux. Elle s'empare du mouchoir que lui tend Genny et le presse sur ma lèvre supérieure.
- Oh mon Dieu, Théo, tu saignes...
- Viens, Jane, lance Genny, déterminée. Je vais t'aider à le ramener à ma voiture.
- Mais j'ai la mienne...
- Non, tu es trop bouleversée pour conduire, je vous ramène. Tu m'appelleras demain et on récupérera ta voiture.
Le sujet semble clos, alors les deux jeunes femmes passent mes bras sur leurs épaules et me font marcher difficilement jusque la voiture de Genny. Le mélange de coups et d'alcool ne rend pas la démarche aisée, mais les filles parviennent à m'allonger sur la banquette arrière du pick-up de la rouquine. Je ne vois même pas le trajet passer, et lorsque nous arrivons enfin chez moi, Jane doit faire preuve de beaucoup de courage et de détermination pour me faire monter les escaliers de la manière la plus discrète qui soit. Il ne vaut mieux pas réveiller ma mère : Dieu sait comment elle réagirait en me voyant ainsi. Je ne suis pas bien amoché...seul mon nez a saigné, mais ma mère n'aimerait pas voir que je ne tiens plus debout. Une fois dans ma chambre, je m'écroule sur mon lit, et c'est à peine si j'entends Jane enfiler un de mes vieux pulls et s'allonger près de moi, comblant ainsi la place vide de mon lit double.
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Et me voici avec une toute nouvelle fiction! Elle sort tout droit de mon imagination, cette-fois. J'espère que ce premier aperçu vous aura plu : dites-moi tout dans les commentaires!
J'ignore encore à quelle fréquence je publierai mes chapitres, tout simplement car j'ignore si je serai capable de me tenir à un rythme donné...ceux qui ont lu Hidden Twins savent à quel point je suis irrégulière, j'espère que vous ne m'en voudrez pas! J'ai quelques chapitres de réserve, évidemment...
Pour ceux qui ont vu mon appel à l'aide sur Hidden Twins, lorsque je vous demandais un premier avis sur "Pénélope"... PARDON. Je sais, j'avais prévu Matthew Daddario pour incarner Théodore, mais mon choix s'est finalement porté sur Dylan O'Brien. J'espère que ce choix ne vous dérangera pas (et si vous êtes fan de Matthew, par d'inquiétude : il arrivera plus tard dans l'histoire).
Dernière petite chose : peut-être l'aurez-vous remarqué, mais le titre de ce chapitre est tiré d'une chanson. Il en sera de même pour les autres chapitres! Là vous êtes : "C'est cool, mais on s'en balance." Oui, certainement. MAIS! Le premier lecteur qui me donnera le titre et l'interprète de la chanson dans les COMMENTAIRES (je serai clémente : si plusieurs artistes l'ont chantée, je les accepterai après vérification) se verront dédié le chapitre suivant.
Voilà, j'espère vivre ici une aventure aussi merveilleuse que celle vécue sur ma fanfiction, et j'espère retrouver mes anciens lecteurs, mais aussi en accueillir de nouveaux!
Kissou kissou
-Cxlxnx13 ***
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