Chapitre 13

La nuit n'est pas assez longue. Les heures ne s'étendent pas suffisamment pour me permettre de me repaître du corps de Maé. Les minutes ne sont que des grains de sable me rappelant que ce moment finira bien trop tôt à mon goût. Les secondes... Oh mon dieu les secondes ne sont que vestiges de mes fantasmes.

Dès que nous avons mis les pieds dans cette chambre agréable, mais impersonnelle, tout a été naturel. Comme si nous avions l'habitude de nous retrouver dans un hôtel. Les baisers et les caresses m'ont paru n'être qu'un prolongement de nous. Une discussion sans le moindre mot.

J'ai voulu prendre mon temps. Le découvrir centimètre par centimètre. Appréhender cette nouveauté avec délectation. Profiter de cette parenthèse dans ma vie et en garder chaque souvenir. Je savais que rien de ce qui se passait dans ce lit ne se reproduirait et cette affirmation me tordait l'estomac.

Cependant Maé ne semblait pas enclin à être patient. Il voulait tout, tout de suite et surtout moi. Après m'avoir mis en confiance en un claquement de doigts, il m'a appris, m'a guidé, m'a compris... Nous avons fait qu'un comme je le désirais. Et ce, à quatre reprises.

Je n'ai jamais vécu une nuit pareille. Je ne me connaissais pas si endurant, si performant. Je n'avais jamais été mécontent de mes compétences dans ce domaine, sans être un surhomme bien entendu. Je prenais toujours mon pied et sans prétention, mes partenaires ne semblaient pas en reste.

Mais aujourd'hui, avec Maé, j'avais eu l'impression d'être un superhéros. Un Ironman capable de l'honorer jusqu'à la fin de nos vies. Alors que je lui faisais à nouveau l'amour, cette sensation restait ancrée en moi, tel un tatouage. Telle une cicatrice profonde qui vous rappelle à l'infini ce moment où votre vie a basculé.

Le mien, c'est lorsque mes yeux se sont posés sur le dos de Maé. Ma vie n'a plus jamais été la même. Pour le meilleur ou pour le pire, je l'ignore. Toujours est-il qu'agripper ses hanches pour m'enfoncer plus profondément en lui est un pur délice. Tout comme ses soupirs sous moi.

Mes doigts frôlent le creux de ses reins et recouvrent son dessin. L'arbre de vie. Il est enfin là, à portée de main. Si nos positions le permettaient, je crois que je l'embrasserais. À la place, mon allure s'accélère lui tirant des gémissements qui vont crescendo.

— Encore !

La pureté de sa voix m'excite autant que le fait qu'il soit à genoux devant moi ou les mèches blondes collées dans sa nuque. Il est une pure œuvre d'art de la Grèce antique. Un dieu vivant qui s'offre entièrement à moi. Il s'accroche à la tête de lit et m'ordonne d'aller plus vite. Ma main va se caler sur son épaule et je m'exécute bien que je sache que ce soit synonyme de fin.

Après cet orgasme, il n'y aura pas d'autres danses. Le soleil commence à se lever et ses rayons caressent le dos transpirant de Maé comme pour me narguer. Pour m'indiquer que notre temps est compté. Dans peu de temps, je devrais me rendre au cabinet et défendre des criminels. Tout ça ne sera plus qu'un souvenir. Rien ne pourra plus jamais égaler ce que j'ai ressenti en Maé. Rien.

Le temps s'arrête tant que dure la grâce.

J'aurais aimé me dire que nous sommes venus en même temps. Que nos corps ont été d'une synchronisation incroyable. Cependant, je n'ai pas eu la résistance nécessaire. Mais alors que l'orgasme s'étend dans chacun de mes muscles, je ne ralentis pas les mouvements frappant ce minuscule endroit qui semble tant plaire à Maé.

Son dos s'arque. Son grognement retentit. Ses articulations blanchissent à serrer le bois entre ses doigts. Puis l'abandon. Il se laisse tomber contre le matelas, m'entrainant avec lui. Ma tête trouve immédiatement sa place entre ses omoplates et mes mains remontent ses bras jusqu'à tenir les siennes.

Nous ne bougeons plus laissant la planitude s'évanouir. Mes questionnements revenir. Nos respirations redevenir calmes. Pourtant, nous savons tous les deux, alors que le soleil nous fait de l'œil, que cette position ne peut pas être l'éternité. Je soupire et embrasse son omoplate comme un signe d'adieu.

Je roule sur le côté et me redresse, m'obligeant à quitter la chaleur rassurante des draps et de Maé. Mes pieds touchent le sol et j'ai l'impression d'être toutes ces femmes que j'ai un jour congédiées après notre petite affaire terminée. Je déteste ça. Avec Maé, j'aurais aimé que ce soit plus qu'une nuit.

Je retire mon préservatif et le balance avec les autres dans la poubelle de la pièce, sous le petit bureau. La tête baissée, je soupire à nouveau et à peine quelques secondes plus tard, la main de Maé me cajole, dessinant des formes dans mon dos. Mais son toucher est comme un stimulant et si je reste là, sous ses caresses, je voudrais recommencer.

Je me lève et vais dans la salle de bain sans un regard pour Maé. Je prends une douche rapide pour tenter d'éloigner la luxure qui transpire par chacun de mes pores. L'eau refroidit mes ardeurs. L'odeur de vanille du gel me donne presque le courage de dire adieu à Maé. Je m'essuie en préparant un petit discours, mais quand je me retrouve de nouveau dans la chambre, propre et rhabillé, la vue de cet homme allongé, nu, dans ce lit défait, me fait tout oublier.

Il m'adresse un sourire en coin avant de s'agenouiller sur le matelas, le drap entourant négligemment sa taille, face à moi qui reste figé. Il tend la main vers moi et se présente, amusé :

— Mon vrai prénom est Bastien.

J'ouvre la bouche, surpris par cette découverte. À quoi je m'attendais ? C'est un professionnel. Bien entendu, Maé n'existe pas. Je déglutis et serre brièvement sa main.

— Charles.

Une petite voix dans ma tête me souffle qu'après tout ce que nous avons fait, il était temps de se présenter. Ou même de se parler. Mais je n'ai pas la moindre idée de ce que nous pourrions nous dire. Comment après une telle nuit pourrions-nous avoir une discussion dite normale sur nos vies ou nos boulots ? Comment pourrais-je l'inviter à prendre un petit-déjeuner sans avoir les images de sa nudité ? Je sais beaucoup de choses, mais ça, ça n'en fait pas partie.

Je panique, je le sens. Comme lorsque je réalise que je suis sur le point de perdre un procès. Je vois la défaite arriver, mais je n'ai aucun moyen de l'arrêter. Je retire alors ma main de son emprise. Mon regard se détourne et quand il se pose sur mon portefeuille qui gît sur la table de chevet, une information jaillit dans mon cerveau. Je me sens alors stupide et ridicule de ne pas y avoir pensé avant.

— Je...

Pour me soustraire à ses yeux, je me tourne pour aller attraper mon bien que j'ouvre précipitamment tout en demandant :

— Je te dois combien ?

Ma voix est lointaine. Neutre. Ma voix de tribunal.

— De quoi tu parles ? s'exclame-t-il et même sans le voir, je sais qu'il a perdu son sourire.

J'ai à peine le temps de faire demi-tour qu'il est déjà descendu du lit et qu'il cherche frénétiquement ses habits que j'ai balancés un peu partout quand nous sommes arrivés. Ses traits si sensuels et agréables en temps normal sont déformés par la colère, la peine, l'humiliation...

— J'ignore qui tu es, Charles...

Il accentue bien sur mon prénom.

— Mais une chose est sûre, t'es un gros connard ! poursuit-il tout en enfilant son boxer.

Il renifle de manière dédaigneuse. Il ne met pas longtemps à se couvrir de son pull avant qu'il me foudroie du regard :

— Oui, je suis peut-être qu'un simple strip-teaseur...

Son jean recouvre ses formes et alors qu'il glisse ses pieds dans ses chaussures, sa colère éclate totalement :

— Mais ça ne fait pas de moi une pute ! Et encore moins la tienne !

Je reste sans voix. Je ne sais pas ce à quoi je m'attendais en posant cette question, mais en tout cas, pas à ce dernier regard noir qu'il m'a lancé ou à ce claquement de porte derrière lui quand il quitte la chambre. Je me retrouve démuni et malheureux.

— Pauvre con, marmonné-je à mon attention

Je me laisse tomber sur le lit, me prenant la tête entre les mains.

Et la vraie vie va commencer.








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Un grand merci à vous qui suivez cette mini-fiction. Je ne pensais pas avoir de lecteurs donc ça me touche de vous voir ici. Votre "loyauté" me touche ! C'est adorable de votre part. Malheureusement, j'ai une "mauvaise" nouvelle, l'histoire touche bientôt à sa fin. Je préfère vous prévenir pour pas vous prendre en traitre. J'espère que la fin ne vous décevra pas, j'ai très peur !
En tout cas, un grand merci à vous qui êtes là, présents, tous les deux jours pour Chuck et Maé
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