Chapitre 3 : Du Surnaturel à l'Auberge


Une pause n'était pas de trop, aussi s'installèrent-ils au bord d'une rivière. Silencieuse, Marie considérait Barnabé. Agenouillé non loin, il lavait le sang séché sur ses mains.

Ce à quoi elle venait d'assister avait de quoi perturber n'importe qui.

Songeuse, elle avisa son large dos, mais aussi ce qu'elle pouvait voir de ses mains. Des mains puissantes, à n'en pas douter. La violence de l'attaque de tantôt prouvait qu'en plus d'avoir la force, il avait la technique. C'était un homme rompu aux combats qu'elle avait devant elle.

Non.

Rompu aux champs de bataille.

Car il y avait une différence entre savoir se battre, et être capable de tuer.

Madeleine étant occupée à faire la sieste avec les chevaux, elle décida de rejoindre le colosse blond. Il s'arrêta un instant de frotter ses phalanges, pour la regarder de ses yeux d'un bleu si clair.

-Oui ?

-Qui es-tu, Barnabé ?

Il haussa un sourcil, avant de recommencer à se laver du sang du combat.

-Est-ce réellement important ?

Marie haussa les épaules, avant de retirer son chapeau. Avec le soleil qui tapait, elle commençait à avoir chaud. Observatrice, elle avisa qu'il n'y avait aucune cicatrice sur les avant-bras de Barnabé, dévoilés par ses manches retroussées.

-Qu'est-ce qui a réellement de l'importance en ce bas monde ? soupira-t-elle.

-Les amis, répondit-il aussitôt.

Intriguée, elle contempla son beau profil. La plupart des gens auraient dit la famille. Elle lui fit part de sa réflexion, aussi haussa-t-il les épaules.

-Les amis peuvent être la famille que nous nous choisissons. La famille, elle, peut être traitresse.

-Pas faux, avoua-t-elle en levant le nez vers le ciel. Mais ça ne m'en dit pas plus sur toi. Après tout, j'ai accepté de voyager avec un quasi-inconnu.

Un quasi-inconnu sacrément dangereux. Toutefois, vu ce qu'il avait dit au sujet des femmes en achevant le dernier soldat de la foi, elle ne s'en faisait vraiment pas. Son instinct lui disait qu'il ne les toucherait pas. Au grand dam de Madeleine.

-Tu sembles en colère, s'étonna Barnabé. J'ai fait quelque chose qui t'énerve ?

-Je suis toujours en colère.

-Comment cela ?

-Considère que je suis la colère personnifiée.

À ces mots, il tourna la tête vers elle. Les mains enfin propres, il plongea son regard dans le sien. Haussant un sourcil de défi, Marie le soutint sans fléchir. Ils restèrent un moment ainsi, cherchant ce que l'on ne pouvait voir chez l'autre. Un signe d'appartenance, peut-être ?

-Dites, c'est bien beau de vous regarder dans le blanc de l'œil, mais vu que la Sainteté est toujours vivante et furieuse, il faudrait peut-être se bouger.

Se tournant vers Madeleine, Marie rechigna pourtant à quitter Barnabé des yeux. Elle sentit le poids de son regard encore un instant sur elle, avant qu'il se relève.

-Tu peux parler, pour quelqu'un qui faisait la sieste, lança Marie, mordante.

-Bah, Barnabé ne veut pas coucher avec moi, autant dormir, répondit son amie en haussant les épaules.

-Navré de vous contrarier, Madeleine.

Elles le considérèrent.

-Tu es bien le premier à t'excuser de ne pas vouloir la sauter, remarqua Marie.

-Normalement, on se contente de me traiter de catin, ajouta sa blonde amie en haussant les épaules. Mais merci, Barnabé. Je vous apprécie d'autant plus pour ça, même si vous êtes un fou furieux au combat. Je crois que vous êtes pire que Marie, dans votre genre.

Le colosse regarda la concernée, qui fusilla Madeleine du regard.

-Hé, ho ! Tu viens de me traiter de quoi, là ?

-Oh, je crois qu'il est temps de remonter en selle ! s'exclama joyeusement l'autre en sautillant vers les chevaux.

Elle et sa grande gueule !

Rejoignant les canassons volés, elle avait déjà un pied à l'étriller lorsque Barnabé murmura à son oreille :

-Ne t'en fais pas, il te faudrait des siècles pour avoir autant de sang sur les mains que moi.

-Je pourrais en avoir très vite sur les phalanges, si tu te glisses encore une fois dans mon dos.

Surpris, il resta un instant silencieux, avant de ricaner légèrement.

-La colère personnifiée, hein ? Tu me fais penser à un ami.

Ils arrivèrent dans une auberge le soir même. Le lendemain midi, ils se trouveraient à la ville. En attendant, leurs maigres finances les poussèrent à prendre une seule chambre. De nouveau, on adressa un regard grivois au seul homme de l'équipée, ce qui lui passa au-dessus. Madeleine disparue pour la soirée, aussi Marie se retrouva-t-elle seule avec le placide Barnabé. Qui lui semblait de moins en moins placide. Son ricanement de tout à l'heure en était la preuve.

Jouait-il un rôle ? Ou quelque chose du genre ?

Comment faisait-il pour passer d'une extrême violence à un calme absolu ?

-Marie, tu devrais arrêter de me fixer ainsi, j'ai l'impression que tu tentes de lire dans mes pensées.

Assis le dos contre le mur de la chambre, à côté de la porte, il n'ouvrit même pas les yeux. Une ombre de sourire flottait sur ses lèvres.

-C'est mal ?

-Tu ne pourras pas lire mes pensées, si c'est la question. Mon esprit est bloqué.

-Je ne sais pas lire les pensées, crétin. Ce sont des fariboles.

-Vraiment ?

Il ouvrit les yeux, avant de lui sourire doucement.

-Je ne te ferais pas de mal, ni à toi ni à Madeleine. Dès que j'aurai retrouvé l'épée, je vous laisserai tranquille, ne t'en fais pas.

-Tu penses que j'ai peur de toi ?

-Non. Je pense que ça t'exaspère de devoir trainer avec un inconnu.

Un point pour lui. Hum... Installée sur le lit, elle ne pouvait s'empêcher de l'observer. Quelque chose clochait chez ce type. Néanmoins, elle n'eut pas l'occasion de poser plus de questions. Madeleine ouvrit la porte à la volée, les yeux écarquillés.

-Marie, on a un problème.

Haussant un sourcil, elle considéra son amie. À sa chemise à moitié ouverte, son pantalon mal refermé et ses cheveux en bataille, elle avait d'ores et déjà trouvé son compagnon du soir. Néanmoins, elle n'était pas partie depuis assez longtemps pour être rassasiée sexuellement. Ce n'était pas normal qu'elle soit là.

-Quoi ? fit Marie sèchement.

-Deux démons. En bas.

Elle écarquilla les yeux, avant de se lever d'un bond. Silencieuse, discrète en dépit de ses bottes de cuir, elle se glissa dans le petit couloir, pour aller regarder par l'escalier. Par-delà la rambarde, elle avait une bonne vue sur la salle commune.

Là, elle vit onze personnes. La moitié étaient des voyageurs, comme eux, l'autre était des paysans du coin. Aussi, les démons étaient-ils facilement reconnaissables.

Seuls à une table au coin du feu, ils portaient des armures en cuir qui n'avaient rien d'humain. De grandes pintes posées devant eux, ils discutaient à voix basse. Néanmoins, leur timbre grave permettait de plutôt bien percevoir leurs propos.

À quatre pattes, à moitié dans les escaliers, à moitié dans le couloir, elles tendirent l'oreille.

-Comment tu as fait pour les identifier si vite ? murmura Marie.

-Je me suis tapé celui qui n'a pas de casque à corne.

Ah. Évidemment.

-À ton avis, faisait l'un des démons, où est-ce qu'il a pu partir ?

-Pas dans un bordel, c'est certain, fit celui au casque à cornes. Il est plus vierge qu'une pucelle.

Ils ricanèrent tous deux.

-Ça ne nous aide pas beaucoup, néanmoins. C'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin.

-Ne t'en fais pas. Des hommes blonds, grands et forts au combat, ça ne court pas les rues. Et puis, il ne connait pas bien le monde des mortels. Il va s'attirer des emmerdes.

-On va le suivre aux cadavres, alors ?

-Je suis certain que l'on a déjà commencé. Tu as vu les soldats morts de tout à l'heure ? C'est probablement son œuvre. Et puis, le saint machin-chose a parlé d'un monstre blond.

Marie ferma les yeux. Putain de merde.

-On va faire quoi, une fois qu'on l'aura trouvé ?

-On verra s'il se montre coopératif.

Sur quoi ils partirent sur des conversations futiles, impliquant du sexe et des femmes. Battant en retraite dans le couloir, les deux amies se considérèrent un instant.

-C'est Barnabé, qu'ils cherchent ?

-Oui, je pense, murmura Marie en regardant vers leur chambre, où l'homme en question veillait sereinement. Mais la question est... pourquoi deux démons sont-ils à ses tousses ?

Elles se regardèrent.

-Barnabéest un démon ?

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