Chapitre 16 : Les Pouvoirs d'une Sorcière


Debout sur le toit de l'Abbaye, Barabtos avisa les environs. Le bâtiment, chose atypique, était entouré d'un épais mur d'enceinte. Mais également d'un vaste espace dégagé. Connaissant les résidentes de ce lieu, elles l'avaient probablement choisi pour ses caractéristiques de place forte. La forêt, repoussée de plusieurs kilomètres, dégageait l'avant, tandis qu'une falaise bloquait l'arrière.

Cette configuration était pratique, face à des humains.

Barbatos leva les yeux, vers les sifflements qui emplissaient les cieux.

Des centaines de démons se trouvaient en haut de ladite falaise. Il baissa de nouveau les yeux vers la plaine, où des milliers de créatures déferlaient, pour venir s'écraser sur les remparts.

Oui, cette configuration était efficace contre des humains, mais en l'occurrence, elle lui compliquait la tâche.

Il allait avoir du mal à sécuriser le sol, et les airs à la fois.

Mais cela ne relevait pas de l'impossible non plus.

*

Rester à l'intérieur ? Sacrelote, la bonne blague !

Marie déboula sur le mur d'enceinte, sans avoir encore fini de sangler son armure de cuir. Parfaitement entretenue, cette dernière datait d'un autre temps, où elle affrontait les armées de Rome. Néanmoins, en avisant la scène, elle se demanda un instant si cela serait suffisant.

Les sifflements, grognements et gémissements des démons lui parvenaient, en bruit assourdissant, venant de toute part.

Pour cause.

La scène était semblable à celle de la grotte. Mais en pire.

Dans le ciel, des légions prêtent à fondre sur elle voilaient le ciel nocturne, l'assombrissant en dépit de la pleine lune. Au sol... Marie passa la tête par-dessus le rempart. En bas, elle pouvait voir les démons s'agglutiner, raclant, griffant, cognant la pierre des murs d'enceinte, cherchant à se frayer un passage à l'intérieur. Hum...

-On est dans la merde.

Ce constat, simple et efficace, d'Élisabeth lui correspondait bien. Calme, quoiqu'un brin pâle, la fausse Mère Supérieure leva brusquement la tête. Marie suivit son regard.

Un sifflement, plus puissant que les autres, lui fit repérer Barbatos. Les ailes rabattues dans le dos, il fondait sur l'ennemi tel un rapace. Redressant au dernier moment, au ras du sol, il brandit son épée... Emporté par la vitesse et sa force, il tranchant corps, tête, torse, tout ce qui se trouvait sur son passage.

Tandis que, sur son passage, des cristaux plus gros que des maisons apparaissaient, achevant les agonisants. Repoussant les autres valides, qui venaient butter sur eux plutôt que sur les murs d'enceinte.

Il est en train de renforcer l'abbaye, songea Marie, les yeux écarquillés.

Puis elle le vit remonter dans le ciel, à une vitesse inhumaine. Des gouttes de sang touchèrent ses joues, avant qu'elles ne tombent en pluie sur Élisabeth et elle. Oh.

Les démons volants s'écrasaient autour d'elle, dans un bruit ignoble. Harpies et autres bestioles dont elles ne voulaient pas connaitre le nom.

-Va chercher les filles, ordonna Marie en finissant de sangler sa protection d'avant-bras. Vous vous occuperez d'achever tous les démons qui tombent à l'intérieur.

-Et toi ?

-Je suis plus puissante que vous toutes réunies, déclara la sorcière en se retournant vers les légions au sol.

De plus, il y avait une chose que Barbatos ignorait.

Ce terrain, c'était le sien.

Et ce n'était pas la première fois qu'elle repoussait une armée.

*

Voir tant de démons venus exprès pour le tuer, c'était presque flatteur.

Néanmoins, il s'en serait bien passé.

Barbatos atterrit en plein milieu des ennemis, avec une telle force que le sol se souleva autour de lui... Et des cristaux jaillirent telles des lances autour de lui, broyant tous ceux qui se trouvaient dans un périmètre de cinquante mètres autour de lui.

Décollant de nouveau, il sentit ses abdominaux prêts à se déchirer. Il avait menti à Marie. Il n'était absolument pas guéri. Pas assez pour se retrouver dans une telle bataille.

Néanmoins, il n'avait pas le choix.

Fondant sur ses ennemis, il les tua par dizaines, par centaines. Il y en avait toujours autant. Les mâchoires serrées, il maniait son épée avec la précision létale qui avait toujours été la sienne. Mais il sentait la différence. Dans ses veines ne courait plus le flux divin de jadis. Il n'avait plus ses pouvoirs de naissance, plus cette capacité de régénération qui le rendait quasiment invincible. Son corps fatiguait, les coupures ne guérissaient plus en un souffle.

Les démons le savaient. C'était pour cela qu'ils envoyaient le menu fretin, par milliers.

Toutefois, ils avaient oublié un détail.

Il restait lui.

Barbatos, Séraphin déchu.

Et il allait les exterminer.

Tournoyant dans les airs, il trancha les ailes de ses adversaires volants les plus proches, lorsque soudain, il ressentit un frémissement. Il se jeta en arrière, juste à temps... Car une colonne de feu jaillit du sol, à un cheveu de lui. Qu'est-ce que...

Tournant la tête vers l'abbaye, il vit deux, trois... dix colonnes enflammées. Et, debout sur les remparts, nimbée de runes, Marie. Flottant à quelques centimètres du sol, cernée par sa magie, elle était à l'origine de ces flammes... Qui se courbèrent soudain. Barbatos écarquilla les yeux. Par le Divin !

Elles se mouvèrent soudain comme des fouets, s'abattant sur les légions de démons, avec une force dévastatrice.

Oh...

D'accord.

Cet instant de trouble, il le paya cher.

Il n'avait pas vu venir le géant de pierre.

Être d'une dizaine de mètres de haut, la créature de roche lui flanqua un coup de poing dans les airs. Un simple coup, fait par une main de trois fois la taille de Barbatos.

Le direct l'envoya valser, avec une telle force qu'il fut projeté contre l'abbaye, de l'autre côté du champ de bataille. Par chance, il évita les remparts, mais passa à côté de Marie à une vitesse spectaculaire, avant de s'écraser contre un des murs de la cour intérieur. Un craquement ignoble retentit du côté de son aile déjà blessée par le coup d'épée, tantôt.

Les Pécheresses qui achevaient les démons volants tombés dans l'enceinte de l'Abbaye, il ne les vit même pas.

Dans la poussière de l'impact, la douleur irradiant dans tout son corps, Barbatos, poussa un rugissement de rage. Saisissant son aile à pleine main au niveau de la cassure, il ignora la souffrance, insufflant son pouvoir de soin sur cette zone si fragile. Il ressouda l'os, à une vitesse telle que cela sapa ses forces.

Mais cela ne l'arrêta pas.

Les yeux brulant de rage, il déploya de nouveau ses ailes, pour décoller de la cour intérieure, faisant tomber les Pécheresses sous le souffle de son décollage.

Il allait massacrer ce putain de géant !

*

En voyant les créatures gigantesques se lever de la forêt, à des lieues de là, Marie avait senti tout le sang se retirer de son visage. Mais lorsque l'une d'entre elles colla un coup de poing à Barbatos pour l'envoyer valser, elle avait cru son cœur sur le point d'arrêter de se battre.

Elle cria son nom, en vain.

Car déjà, il passait à côté d'elle comme une flèche, retournant au combat.

Maitrisant les colonnes de feu, Marie n'eut même pas besoin de lui dégager un chemin, tant il était agile dans les cieux. Elle continua à ravager les rangs ennemis à coup de flammes, tout en voyant l'ange déchu fracasser le crâne de l'un des géants de pierre, celui-là même qui l'avait frappé. Elle ne savait pas que la tête des créatures était gigantesque, mais vide, dotée uniquement d'un noyau de vie logée à l'intérieur.

Dans tous les cas, Barbatos l'arracha, avant de fondre sur les autres menaces titanesques.

Sacrelote, elle pouvait bien le laisser s'occuper de ces machins !

Elle leva les yeux sur les menaces volantes. Le sol, elle le gérait avec les colonnes-fouets de feu. Le ciel...

Divisant son esprit en plusieurs taches, elle garda la maitrise des flammes de ses mains, tout en faisant tourner ses yeux au violet... Ce n'était pas par coquetterie. Car par ce biais, elle fit jaillir du néant des éclairs. Des éclairs, qui s'abattirent sur les démons volants, les paralysants et les brulants aussi efficacement que du feu.

L'esprit séparé en deux, elle dut faire appel à toute sa volonté pour ne pas se déchirer, pour ne pas laisser la magie l'écarteler. Elle multiplia les éclairs, les faisant s'abattre avec force, avec de plus en plus de précision.

Elle devait à tout prix repousser les démons. Elle devait protéger l'abbaye.

Elle devait protéger les Pécheresses !

-Marie !

Un courant d'air frais, le bruissement léger de plumes.

-Marie ! Arrête !

Des mains chaudes, couvertes de sang se posèrent sur ses joues. Elle les sentait sans les ressentir. Elle savait qu'il était là sans le percevoir.

-Bordel, Marie ! Arrête !

-Elle ne peut plus ! s'exclama la voix d'Élisabeth. On doit l'assommer pour... Ou ça, ça marche aussi.

Les lèvres chaudes que Barbatos posa sur les siennes déconnectèrent brutalement Marie de la magie. L'ange la soutint tandis que la lévitation disparaissait, tandis que ses colonnes de feu et ses éclairs s'évanouissaient dans le ciel. Il la serra contre lui, tout en l'embrassant d'une façon qui fit voler son esprit, le réunissant en un seul et même point.

Et quand il quitta ses lèvres, pour voir s'il avait réussi, il parut soulagé.

-Que... Qu'est-ce que j'ai dit sur le consentement !? rugit-elle en lui donnant un coup dans l'estomac.

Ce qu'il aurait évité, en temps normal. Mais cette fois-ci, il le reçut de plein fouet... Et cracha du sang. Marie écarquilla les yeux. Sacrelote !

-Barbatos ! Barbatos ! Merde ! Barbatos !

Ça lui apprendrait à dissimuler son embarras par la colère !

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