Chapitre 47

-̷̰͈͕̖̝̳̙̭̝͚̎̿è̸̙̇̆͂̈́̃͊̚̕_̴͚͇̿́̌̄̑̽̚͘͝͝"̷͙̕'̸̧̪͍̤̎͌̏?̵̠̥̫̪͛͑̌̚ͅà̸̜̦̜̖̣́̊͌̂̿̿̕
└ 𝙏𝙝𝙚𝙖

Recroquevillée dans un lit aussi dur que du béton, je couvre les bruits extérieurs avec de la musique qui hurle dans mes oreilles, jusqu'à me donner mal à la tête. La fine couverture me protège des intrus capables d'entrer dans cette pièce, même s'ils viennent toujours à heure fixe pour vérifier que je ne me sois pas échappée.

Entourée de murs beiges, fades et ennuyants, je passe mon temps à observer les imperfections par-ci, par-là. Une tache marron, des coups de crayon tremblants et une fissure qui se répand jusqu'à la petite fenêtre éclairant le lino imitation parquet.

À d'autres moments, je colle mes oreilles contre la porte pour écouter les discussions sordides des autres résidents. Les messes-basses, les cris, les commérages, je m'invente des histoires improbables pour permettre aux aiguilles de tourner un peu plus rapidement.

Il est bientôt l'heure.

Je me redresse difficilement du lit, la tête qui tourne. Mes pieds nus touchent le lino glacial, tandis que mes mains restent scotchées au matelas. J'enlève mon casque, parce que je sais qu'on va m'appeler d'ici quelques instants. Tout est soudainement si calme. Comme un coup de matraque qui vient anéantir tous bruits possibles.

Je ne me suis jamais sentie aussi sereine.

En levant les yeux vers le monstre améthyste, je remarque qu'il n'a pas bougé depuis la dernière fois. Ça fait bien longtemps qu'il ne fait plus battre mon cœur jusqu'à vouloir le recracher, ni qu'il me donne ce goût amer au fond de ma gorge sèche. Ses crocs semblent même insignifiants derrière le double vitrage de la fenêtre impossible à percer. Je ne me perds plus dans ses yeux hypnotisants de douleur. 

Parfois, la nuit, je l'entends se faufiler.

Il passe dans les égouts.

Dans les tuyaux.

Il glisse jusqu'à mon lit.

Il s'agrippe à la couverture.

Il vient me susurrer des mots terribles à l'oreille.

Et, étonnement, je n'en ai plus peur.

Je le laisse même se blottir contre mon corps gelé.

Par moments, j'aimerais lui dire ce que je pense.

Parce qu'il n'y a plus personne pour m'écouter.

Je me lève brusquement, ce qui le fait sursauter sans pour autant le faire fuir. Il continue de m'observer de son air malsain. Je n'y prête pas attention, j'ai bien plus important à gérer. C'est bientôt. Très bientôt. Alors, mes pieds dansent dans tous les sens. Un pas à droite, l'autre à gauche, une pirouette et je me mets à valser toute seule dans cette pièce étroite.

Fredonnant une musique de French 79.

Je m'arrête net.

Manquant de glisser. 

Des pas qui proviennent de chaussures de travail à petit talon, le genre que mon père pouvait mettre pour aller au travail à une certaine époque. Je ne sais pas ce qu'il porte aujourd'hui. Il faut dire que ça fait pas mal de temps que je ne les ai pas vues, ces foutues chaussures. Le fait est que ce fabuleux bruit se rapproche peu à peu de ma porte. Toquer en trois coups, chercher la bonne clé, avoir du mal, rater la serrure, réussir, tourner, deux fois, la plus belle des libertés est bientôt face à moi.

— Vous avez de la visite, Théa.

Je le sais bien.

Je hoche la tête avec un sourire jusqu'aux oreilles, jouant continuellement avec mes doigts incapables de se calmer un instant.

Chaque pas semble trop lent.

Je crépite, je brûle vive.

Nous longeons les couloirs que je me suis imaginée emprunter un million de fois. Tourner deux fois à droite, une fois à gauche, éviter les quelques résidents, éviter le personnel trop questionneur, ne pas se tromper de porte, remercier mon accompagnateur, entrer dans le parloir avec le ventre rempli de papillons voulant s'échapper à tout prix.

Dans quelques instants, la salle sera couverte de ces papillons aux mille couleurs.

Je m'installe sur une chaise en bois, posant mes poings contre la table, sans réussir à trouver une position agréable pour ces quelques minutes d'éternité. Je me réinstalle plusieurs fois, fredonnant sans cesse pour ne jamais m'en aller. 

Étonnement, aujourd'hui, mon surveillant ne reste pas. Je suis toute seule dans cette pièce. Cela dit, plus pour très longtemps.

L'horloge indique dix-sept heures, trois minutes et une seconde.

L'aiguille se déplace.

Deux secondes.

Et elle ouvre la porte.

J'en vomis mes papillons, hypnotisée par son arrivée si douce et chaleureuse. Elle est là. En chair et en os. Dans sa jupe longue parsemée de fleurs et sa petite chemise blanche. Ses cheveux roses dansent dans le vent. Son sourire incontestablement somptueux accapare toute l'attention de la salle. Elle me l'offre à moi.

Rien qu'à moi.

— Théa, dit-elle d'une voix que je ne peux pas oublier.

Je me redresse.

Mon cœur est sur le point de me lâcher pour fondre sur place.

Je n'attends pas une seconde pour courir jusqu'à elle et la porter de mes bras faibles d'amour, la serrant si fort pour qu'elle ne s'échappe plus jamais. Je la fais tourner, elle rit. Si envoûtant, je craignais de ne pas l'entendre à nouveau. Lorsque je m'arrête, elle me regarde, moi, comme si j'étais la seule chose qui existait à ses yeux. Et moi, je l'observe, parce que je sais qu'elle est cette seule chose que j'ai cherché toute ma vie.

— Esther, tu m'as tellement manquée.

Elle pose sa main gelée sur ma joue.

Avant de m'embrasser.

Mon cœur fait battre des ailes tous ces papillons qui vont finir par s'échapper de la pièce.

Ce moment d'éternité, nous sommes à présent immortelles.

Nous nous installons face à face autour de la table, sans jamais éloigner nos mains accrochées l'une à l'autre. Je ne lâche pas mes yeux des siens pour ne pas en perdre une seule miette, tandis que je lui explique ce que la police, et surtout les journaux, ont retenu de cette histoire. Elle a enfin réussi. Elle mérite tellement de pouvoir vivre la vie dont elle a toujours rêvé. Et maintenant, un univers de possibilités est face à elle. 

Je pose ma main sur sa joue si douce.

Esther me sourit, c'est tout ce qui compte.

— Maintenant que les gens pensent que tu es morte, tu n'auras plus jamais à fuir.

                        ┐

𝘕𝘋𝘈

└                        

❝ Merci d'avoir lu ce dernier chapitre, j'espère qu'il vous a plu !

Que pensez-vous de ce chapitre ?

Que pensez-vous de la fin de Pêche Cramoisie ?

Que tirez-vous de cette histoire ?

Merci à vous tous d'avoir pris le temps de lire cette histoire. Merci de m'avoir soutenue et motivée. Merci un million de fois.

Les prochaines parties sont mes remerciements, une (future) FAQ à propos de Pêche Cramoisie et une FAQ inversée pour connaître votre ressenti sur l'histoire. ❞

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