Chapitre 36

-̷̰͈͕̖̝̳̙̭̝͚̎̿è̸̙̇̆͂̈́̃͊̚̕_̴͚͇̿́̌̄̑̽̚͘͝͝"̷͙̕'̸̧̪͍̤̎͌̏?̵̠̥̫̪͛͑̌̚ͅà̸̜̦̜̖̣́̊͌̂̿̿̕
└ 𝙏𝙝𝙚𝙖

Deux filles au cœur de la forêt.

L'une, aux cheveux roses, contre le tronc d'un arbre. L'autre, aux cheveux roux, hors de portée.

Lorsque je raconte à Esther les horribles choses qu'Erinn a dit à son sujet, ses yeux s'enflamment sur place. Elle se met à jouer nerveusement avec ses doigts, sur le point de les arracher. J'ai beau poser ma main dessus en lui répétant qu'on va trouver une solution, ils m'ignorent et continuent de trembler. Quant à son doux visage, il semble avoir pris un gros coup de soleil écarlate. Ses pieds se mettent à tapoter frénétiquement la terre, créant un petit nuage de poussière autour de nous.

— Tout ce que j'essaye de faire, c'est le bien. Je crois qu'elle a du mal à se rendre compte que son frère est un psychopathe qui a tenté de me tuer. Elle a du mal à se l'avouer, c'est pour ça qu'elle déraille. Tu vois ?

En tailleur face à elle, je passe ma main dans ses cheveux.

Si délicats.

Aaron, le meurtrier.

— T'as entièrement raison.

Des images imaginaires de l'agression d'Esther prennent possession de mon esprit, elles me mettent aussitôt hors de moi. Aaron, le psychopathe, qui court avec un couteau rouillé à la main. Il jette Esther dans le ravin, elle saigne. Elle pleure. Et lui fait son sourire narquois. J'espère que ces nouveaux souvenirs surplomberont bientôt ceux erronés de ce corps d'inconnu trouvé sous les larmes et les cris stridents. 

Je n'ai même plus envie de pleurer pour lui. J'aurais dû me retenir, ce matin-là.

Et puis, si ce n'était pas Esther qui l'avait achevé, ça aurait été moi.

Doucement, mes deux mains autour de son cou de plus en plus pâle, un peu violâtre, en écoutant ses gémissements pathétiques me supplier de le libérer. Lacérer une partie de son épaule, délicatement, en y enfonçant la pointe du couteau rouillé jusqu'à voir sa chair expulser du sang de plus en plus abondamment. L'accrocher à un arbre et...    

— Je les déteste tellement ! Pourquoi est-ce qu'ils ne prennent pas le temps de m'écouter et de me comprendre ?

Je tourne la tête pour réaliser que je ne suis pas seule.

— Tu me fais confiance, n'est-ce pas ?

Quelle question.

— Bien sûr que oui, Esther.

Je m'approche de son visage, et tout la peine d'Esther s'efface lorsque nos lèvres se touchent délicatement, nous faisant valser dans un monde sans douleur. Un endroit où j'aimerais terriblement l'emmener pour y installer notre chaleureuse maison. Là où elle mérite de vivre tous les jours. Je pose ma main sur sa taille, elle pose la sienne glacée sur ma joue. Et nos sourires ramènent le soleil sur nos visages pour les éblouir de bonheur.

Mais elle me lâche brusquement, se lève sans un mot et essuie sa jupe pleine de terre.

— Je vais m'en occuper. Et tout ira mieux.

Esther semble si apaisée, complètement relaxée. Elle m'observe sans rien dire, en attendant que je dicte la suite de la conversation pendant que mon cœur bat anormalement vite. Si rapidement qu'on se croirait dans un film d'horreur où je me fais poursuivre par une présence juste derrière moi. Une énorme bête sanguinaire tapie dans l'ombre.

Je scrute autour de moi, les yeux écarquillés, mais rien.

Je ne comprends pas.

— T'en... occuper ?

— Tu sais aussi bien que moi ce que ça veut dire. Tout ira mieux.

Lorsque Esther se décale sur le côté, je le vois. Mon souffle se fige pour m'empêcher de respirer. Comme une boule coincée au fond de ma gorge qui ne fait que grossir, encore et encore, immobilisant mes cordes vocales et bloquant l'air qui pourrait s'infiltrer. Mon pouls s'accélère drastiquement. Et, dans cette histoire, je ne peux que me piquer perpétuellement l'index jusqu'au sang pour espérer tout faire disparaître. 

Non, c'est impossible.

Le monstre améthyste est bien là.

Il s'avance machiavéliquement vers moi, sa peau gluante laissant des traces de son passage sur l'herbe sèche. Il me sourit de ses crocs aiguisés avec son haleine de macchabée, tandis que des litres et des litres de ce liquide cramoisi sortent de sa bouche pour se loger sur mes vêtements, sur ma peau, sur ma chair, dans mon crâne, pour me sortir par les yeux. 

Je hurle de douleur.

Des millions de picotements à l'aiguille dans les globes oculaires, de plus en plus nombreux, jusqu'à ne plus être en mesure de les compter. La tête qui subit des milliards de coups de poing à la seconde. Suffisamment pour se mettre à tourner et ne plus savoir qui je suis.

Mais pas suffisamment pour louper Esther qui court au loin.

Le monstre n'est plus là, lui non plus.

— ESTHER !

Je cours désespérément dans la forêt, malgré le poids dans mon ventre qui me ralentit. Une lourde pierre à porter. De colère, de douleur, de tristesse, je ne sais plus trop. Une odeur de vomi remonte dans le creux de ma bouche, jusqu'à se déverser sur mes pompes. Je valse, encore et encore, avant de reprendre mon chemin à l'aveugle.

Avec l'impression de ne plus être vraiment là.

Miraculeusement, je retrouve sa trace. Elle court si vite entre les branches que ses cheveux ont l'air de danser dans le vent.

Puis, je réalise.

Erinn est juste devant elle.

Et Esther, elle, a le couteau rouillé dans son poing bien fermé.

Un sourire narquois sur le visage.

Non, non, non, non, non.

Je redouble d'effort, malgré mes jambes qui me hurlent de me calmer. Je redouble d'effort, même si ma vue devient de plus en plus trouble. Je redouble d'effort jusqu'à être à deux pas de les rejoindre. À deux pas de tout changer.

Est-ce vraiment nécessaire ?

Je m'arrête brutalement dans l'entrée d'une clairière où Esther se trouve à quelques mètres seulement d'Erinn. Les deux sont affreusement essoufflées. L'une fait un pas en avant, l'autre en arrière. Je peux entendre d'ici là les battements du cœur d'Esther qui s'intensifient, un accomplissement d'enfin se retrouver face à celle qui a lui a fait tant de mal.

Peut-être que je devrais laisser les choses se passer comme elles doivent se passer.

Alors, je recule.

Mon pied fait craquer une branche.

Je ne sais comment Erinn réussit à m'entendre malgré la distance qui nous sépare, mais elle tourne brusquement la tête vers moi. Ses yeux noisettes abondants de larmes me fixent et ses lèvres tremblent en plein été. Ses boucles d'oreilles dansent frénétiquement au rythme des mouvements saccadés de son corps craintif. Elle me regarde avec des millions d'étoiles dans les yeux, des millions de supplications, illuminées par l'espoir.

"Retourne avec ta petite taré."

"Je veux pas te voir."

Quant à mon regard, il est si sombre.

Je chuchote.

— Moi non plus, je veux pas te voir.

Je m'enfonce dans la forêt, les larmes aux yeux, avant de détaler. Les cris d'Erinn résonnent dans ma tête, encore et encore, jusqu'à ce que je sois assez loin d'elle pour n'entendre que le vide. Qu'une grande solitude. Les genoux contre l'herbe brûlante, je reste muette. Les picotements dans mon cœur, eux, ne sont pas aussi sages.

Deux filles au cœur de la forêt.

L'une, aux cheveux roux, à portée. L'autre, aux cheveux roses, juste derrière elle.

                        ┐

𝘕𝘋𝘈

└                        

❝ Merci d'avoir lu ce trente-sixième chapitre, j'espère qu'il vous a plu !

Que pensez-vous de ce chapitre ?

Que pensez-vous de la situation ?

Que pensez-vous du choix de Théa et des agissements d'Esther ?

Que pensez-vous de ce retour du monstre améthyste ?

Pour savoir quand le prochain chapitre sortira, suivez-moi sur Instagram ! (@orautri). ❞

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