Chapitre 33
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-̷̰͈͕̖̝̳̙̭̝͚̎̿è̸̙̇̆͂̈́̃͊̚̕_̴͚͇̿́̌̄̑̽̚͘͝͝"̷͙̕'̸̧̪͍̤̎͌̏?̵̠̥̫̪͛͑̌̚ͅà̸̜̦̜̖̣́̊͌̂̿̿̕
└ 𝙀𝙧𝙞𝙣𝙣
Les oiseaux chantant à tue-tête me ramènent à la réalité.
J'ouvre avec difficulté mes paupières pour découvrir la forêt qui se dresse devant moi, encore. J'aurais préféré me réveiller, mais j'ai visiblement choisi de sauter la tête la première dans un nouveau cauchemar, entourée simplement d'une poêle et d'une guitare pour nous protéger.
Heureusement que Ruben est là.
Il est assis à mes côtés contre un tronc d'arbre face au camping-car. Là où on aurait pu être en train de griller des marshmallows autour d'un beau feu de bois, en se racontant toutes sortes d'histoires d'horreur dont je n'ai plus jamais envie d'entendre parler.
Je sursaute et me redresse en réalisant que ma tête est posée contre son épaule, si bien que mon visage cramé doit être aussi rouge qu'une tomate à l'heure actuelle. Quant à celui de Ruben, je n'y vois qu'un regard fatigué aux lourdes cernes.
Il tourne la tête vers moi.
— J'ai pas osé te réveiller, me dit-il. Tu t'es endormie d'un coup.
Je souris.
Parce que je sais pertinemment que je n'aurais jamais fermé l'œil avec ce monstre qui rôde dans cette forêt morbide, attendant patiemment un moment de faiblesse de sa prochaine victime. Et pourtant, la présence de Ruben a réussi à me calmer un instant.
— Merci d'avoir veillé sur moi.
— C'est normal, répond-il en se grattant l'arrière de son crâne.
Chaque petit bruit se glissant entre les arbres devient à présent suspect. Tout ça pour réaliser qu'il ne s'agit que d'un petit animal, d'une branche ou d'un caillou. Le chant des oiseaux résonne si bruyamment qu'on pourrait penser qu'ils sont partout et nulle part à la fois, nous encerclant au beau milieu de la forêt, sans téléphone ni camping-car fonctionnel.
Lorsque mon cerveau se remet dans son état bouillonnant de méfiance, je décide de reposer ma tête contre l'épaule de Ruben pour y récupérer quelques gouttes d'apaisement.
Je ferme les yeux.
Mais impossible de faire le vide dans ma tête.
Je sens la brise légère des matins où je me réveillais avant tout le monde et je sortais du camping-car pour contempler le spectacle des animaux. Des petites fourmis sous le véhicule, des pies qui bavardaient, parfois j'arrivais à voir la petite touffe d'un renard courageux s'approchant par curiosité des voitures. Il n'y a avait que le bourdonnement des abeilles qui me faisait détaler pour me cacher aux côtés d'Aaron qui, lui, dormait toujours à poing fermé, monstre sanguinaire ou pas.
Je posais toujours une de nos chaises pliables sur le sol terreux et penchés du camping, pour m'asseoir dessus et profiter des rares moments calmes de la journée.
Aaron venait souvent.
Enfin, à partir du moment où il a remarqué que je me levais avant eux.
"Encore à faire le guet ?", il s'amusait à me dire ça tous les matins.
"T'as toujours rien compris", je lui répondais ça tous les matins.
Et même s'il ne comprenait pas pourquoi je gâchais quelques minutes de sommeil supplémentaires, il prenait toujours une chaise pour m'accompagner, en silence. Et il finissait par s'endormir dessus, évidemment.
Comme si j'avais pris une machine à remonter le temps, j'ai l'impression de m'y être téléporté. Je ne me sens plus encerclée, mais emmitouflée dans cette ambiance qui m'avait tant manqué.
Et respirer devient un peu moins difficile.
— Hé !
Mon souvenir s'estompe brusquement dans un sursaut. Je rouvre immédiatement les yeux et tourne la tête vers l'endroit d'où provient ce bruit, comme un prédateur chassant sa proie. À moins que ce soit plutôt le contraire.
C'est Théa.
Pourtant, en la voyant, mes muscles ne se relâchent pas. Et mon cœur se met à palpiter pour tant de raisons que j'ai l'impression d'en perdre la tête. Quant à Ruben, il semble dans le même état. À présent debout, il s'installe devant moi comme un bouclier.
Il est devenu difficile de faire confiance à quelqu'un.
Étrangement, les cheveux de Théa sont détachés et virevoltent au rythme de ses pas qui la rapprochent de nous. Elle m'a toujours dit que la sensation de frottement dans son dos ainsi que ses longues mèches tombantes sur son visage pouvaient la rendre si folle qu'elle serait capable de radicalement tout couper, jusqu'à même avoir ma coupe rasée. Et maintenant, fièrement lâchés dans la nature, ils dansent sur son corps sans soucis.
Cachés derrière ses boucles, j'arrive à apercevoir ses yeux effrayés.
Est-ce qu'elle se serait battue avec cette cinglée ?
Putain
Je me suis mise sur mes gardes trop rapidement.
— Théa ! je crie.
Je ne réfléchis pas un instant de plus pour contourner Ruben et courir dans les bras de ma meilleure amie, là où j'ai pu me réfugier un millier de fois, là où je me suis toujours sentie bien, là où je suis en sécurité. Je la serre, j'enfonce ma tête dans son épaule. Elle ne s'y attendait pas, si bien qu'elle valse légèrement en arrière sans m'enlacer à son tour.
Je suis tellement heureuse qu'elle aille bien.
Tout va bien.
Nous sommes enfin tous réunis.
— Heureusement qu'il ne t'est rien arrivé, je souffle d'une voix bancale en la pressant un peu plus fort contre moi.
J'entends les pas de Ruben nous rejoindre, le léger bruit des branches qui se craquent et les cailloux qui sont propulsés.
— Content de te voir en un seul morceau, Théa.
Sauf que la voix de Ruben sonne bien plus grave que d'habitude. Comme lorsqu'il parlait de Yannis, la haine dans le ton. Il dit tous ces mots avec toute cette distance, ce que je ne comprends pas. Là, il s'adresse bien à Théa. Notre amie. Elle n'a rien à voir avec cette meurtrière. Pourquoi se méfie-t-il encore ? Je ne peux pas être en danger dans les bras de ma meilleure amie.
Il finira bien par s'en rendre compte.
— Et qu'est-ce qu'il s'est passé... là-bas ? je lui demande en jouant avec ses mèches.
— Comment ça ?
Elle reste statique, les bras qui pendent.
C'est en rigolant nerveusement que je lui pose la question fatidique.
— Est-ce que tu t'es battue avec elle ? Tes cheveux sont tous détachés et c'est vraiment jamais le cas. Après, c'est peut être ton nouveau style, mais ils étaient pas du tout comme ça lorsque tu es partie la rejoindre. Comme si t'avais perdu ton élastique pendant ta course... ou en l'affrontant. Je sais pas... Tu peux tout me dire. Tu le sais, ça.
Théa daigne bouger pour jouer délicatement avec l'une de ses boucles brunes, la tortillant dans tous les sens dans un silence étouffant.
— J'avais même pas remarqué.
C'est Ruben qui prend son courage à deux mains pour insister.
— Et pour Esther ?
Théa lâche ses cheveux pour me prendre enfin dans les bras. Je ne saurais dire pourquoi je le trouve différent des autres.
— Pour Esther ?
Sa voix est si calme.
Elle me serre un peu plus fort.
Jusqu'à un câlin oppressant.
— Pour Esther, elle va bien. Je viens justement vous parler d'elle. Lorsque je l'ai retrouvée, elle m'a tout expliqué. Tout ça n'est qu'une grosse erreur, une grosse mise en scène. On est tous tombés dans le piège d'Aaron !
Le piège d'Aaron ?
Elle se fout de ma gueule ?
— Qu'est-ce que tu racontes, Théa ?
Cette fois-ci, la voix de Ruben flanche.
Mon cœur palpite, étouffé par cette sensation d'inconfort de plus en plus envahissante. Les bras étouffants de Théa me tiennent prisonnière et m'en échapper serait l'unique façon me permettant de respirer à nouveau à un rythme régulier. C'est lorsque j'essaye de m'extirper de ce cauchemar qu'elle me compresse de plus belle, insistant un peu plus pour me laisser enfermée dans notre étreinte. En un clin d'œil, la vitesse des battements dans ma poitrine double, si bien que je pourrais finir par en tomber d'épuisement.
Et j'ai beau me débattre, elle n'en démord pas.
— Laissez-moi vous expliquer.
Il faut qu'elle me lâche, il faut que je parte.
Je le sens mal, ce coup-là.
Qu'est-ce qu'elle nous veut ? Pourquoi fait-elle ça ? Est-ce que c'est cette meurtrière qui lui a ordonné de nous enterrer six pieds sous terre, nous aussi ? Mes neurones se mettent à tournoyer comme mes jambes qui grelottent.
Puis, d'un coup, une force m'entraîne en arrière, me tenant fermement par les hanches. Là où, à l'écart, je peux voir le corps entier de Théa qui tient difficilement sur ses deux jambes. Un corps taché de terre et dont les vêtements sont déchirés à certains endroits. Un corps qui a besoin de milliers d'inspiration et d'expiration pour ne pas s'effondrer.
— Tu vois pas qu'elle voulait partir ?
Je me tourne machinalement vers Ruben, dont la main reste quelques instants posée sur mon t-shirt.
— Je veux juste que vous m'écoutiez sérieusement.
"Le piège d'Aaron".
Personne ne répond, mais nous avons les yeux rivés vers Théa, comme pétrifiés.
— C'est Aaron qui a créé l'avis de recherche, qui a gardé le couteau et qui a menacé Esther avec. C'est lui qui a orchestré tout ça. C'est lui qui lui a demandé de le rejoindre dans la forêt. Elle n'a fait que se défendre ! Juste se défendre...
Je serre le poing.
— Et maintenant, c'est elle la fautive pour avoir survécu à ses attaques.
— Théa... Je pense qu'Esther te mène en bateau, explique Ruben en marchant sur des œufs.
Il essaye de calmer le jeu, mais moi je bouillonne sur place.
Théa, le sourire aux lèvres, tente de s'approcher amicalement de nous, avant de se faire rejeter par nos pas à reculons. Lorsqu'elle remarque que nous ne sommes pas coopératifs, son visage s'affaisse. Ses cheveux tombent encore plus devant son visage. Il n'y a plus que des larmes aux creux de ses paupières, mais ça ne me fait rien.
— Si c'était Esther qui était morte, est-ce que vous auriez réagi comme ça ?
Comment peut-elle nous dire tout ça ?
Sans la moindre compassion pour Aaron ?
J'ai tous ces petits couteaux qui viennent sans pitié me lacérer le cœur avec leur lame aiguisée. Et tous ces neurones sur le point d'exploser comme du pop-corn dans mon cerveau en plein incendie. Pourquoi agit-elle comme ça ? Le regard cloué au sol, j'en ai la tête qui tourne. Mon poing est si crispé qu'il pourrait bientôt se briser en deux. Comment ose-t-elle ? Si Aaron était encore là, ces mots tranchants auraient emporté un bout de son cœur sur leur passage.
Elle ne le mérite pas.
Elle n'a pas le DROIT de dire ça.
Je vais imploser sur place.
Je relève la tête vers elle, ma voix s'envole.
— Esther est une putain de grosse tarée ! T'arrives pas à voir qu'elle te manipule comme son nouveau petit pantin ? Aaron n'aurait jamais fait ça. Il y a tellement plus de chances que ce soit elle, puisqu'on connaît à peine cette psychopathe ! Elle est arrivée cette année ! Et, qu'est-ce que tu sais d'elle ? Tu me disais toi-même que t'avais l'impression de pas la connaître réellement. Ouvre les yeux, Théa. Même si j'ai terriblement envie de te détester en ce moment, j'ai pas envie de perdre ma meilleure amie.
Théa éclate en sanglots.
— C'est toi qui te trompe ! Je t'assure, viens lui parler.
Elle me pointe du doigt un coin de la forêt, les yeux grands ouverts. Mais je la regarde, elle. Et je ne vois rien de ma Théa. Juste un énorme vide face à moi. Je ne sais plus qui est cette personne.
— Dégage, Théa.
— Tu peux pas me faire ça...
Elle braque désespérément son regard sur Ruben qui, lui, jongle entre mon visage et celui de Théa, la bouche entrouverte et le regard perdu. Ses sourcils sont légèrement froncés et il se triture frénétiquement la peau autour de ses ongles.
Il finit par baisser la tête face à ce dilemme.
— Je pense qu'on a tous besoin de temps pour réfléchir, murmure-t-il.
Les yeux de Théa s'écarquillent.
— S'il vous plaît, j'essaye simplement de nous unir à nouveau pour traverser cette épreuve tous ensemble !
Elle essuie avec hargne ses larmes qui n'arrêtent pas de couler le long de ses joues. La regarder dans cet état enfonce un peu plus le couteau dans mon cœur. Je rêverais de la prendre dans mes bras, de lui dire que tout va bien se passer et d'en rigoler dans quelques semaines, mais c'est terminé.
Tout se termine maintenant et ici.
Finalement, c'est une partie de mon cœur qui a été emportée par ses mots.
— Retourne avec ta petite tarée, je veux pas te voir.
— Esther n'aimerait pas entendre ça.
Toujours Esther. Il n'y en a que pour elle.
— Je m'en fout d'elle. Et maintenant... de toi.
C'est à son tour de se prendre un coup de poignard dans le cœur. Je ne peux que l'observer s'éloigner dans un silence assourdissant. Et je continue de fixer ce bout de clairière alors même qu'elle a disparu de mon champ de vision, le cœur lourd comme une pierre qui vient de s'écrouler au sol.
Ruben me prend dans les bras, ce qui vaut mieux que des millions de mots maintenant impossibles à prononcer.
J'ai l'impression d'avoir tout perdu.
Je ne sais pas ce que je ferai si je perdais aussi Ruben.
┐
𝘕𝘋𝘈
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❝ Merci d'avoir lu ce trente-troisième chapitre, j'espère qu'il vous a plu !
Que pensez-vous de ce chapitre ?
Que pensez-vous de cette dispute ?
Êtes-vous plutôt du côté de Erinn et Ruben ou d'Esther et Théa ?
Comment auriez-vous réagi à la place d'Erinn ?
Pour savoir quand le prochain chapitre sortira, suivez-moi sur Instagram ! (@orautri). ❞
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