Chapitre 27
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-̷̰͈͕̖̝̳̙̭̝͚̎̿è̸̙̇̆͂̈́̃͊̚̕_̴͚͇̿́̌̄̑̽̚͘͝͝"̷͙̕'̸̧̪͍̤̎͌̏?̵̠̥̫̪͛͑̌̚ͅà̸̜̦̜̖̣́̊͌̂̿̿̕
└ 𝙀𝙧𝙞𝙣𝙣
Il faut bien que quelqu'un reste pour veiller sur Aaron. Quelqu'un pour le protéger, pour empêcher qu'un malheur ne lui tombe dessus. Heureusement, c'est moi qui ait été désignée d'office. Le reste du groupe est parti en quête d'informations directement dans la gueule du loup, me laissant pour seule et unique garde du corps.
Erinn, 18 ans, toujours 1m62.
On n'est plus en road trip.
Il n'y a plus rien à protéger, parce qu'Aaron n'est plus vraiment là.
J'essaye de faire fonctionner mon cerveau mais, assise sur le matelas déplié de Ruben qui grince à chaque mouvement, je n'arrive qu'à avoir les yeux rivés sur mon frère, étendu d'une façon bien trop symétrique et bien trop raide.
Il ne lui ressemble même plus, comme si c'était juste une réplique ratée. La personne qui a fabriqué ce mannequin s'est vraiment foirée. De un, il n'a toujours pas râlé parce que je prends toute la place dans le lit. De deux, il n'a toujours pas prononcé une de ses blagues pouvant faire taire une pièce entière.
Parce que, si c'était le cas, je me serais déjà enfuie de ce matelas en prenant soin de mettre des bruits de criquet sur mon téléphone – ce qui le faisait toujours bien rire.
Mes pieds se crispent brutalement lorsque je me remémore ce que je faisais sur ce lit il y a quelques heures : embrasser quelqu'un qui ne voulait pas de moi, pendant que mon frère avait besoin de moi.
Je l'ai abandonné.
Et maintenant, il est allongé ici et ne bouge plus.
Je gratte avec hargne la peau de mes mollets, de mon visage, de mon avant-bras, jusqu'au sang, afin de me rappeler continuellement que je suis là, que tout ça est bien réel. Aaron est mort. Voilà. Tout est résumé si facilement, ce n'est pas dur à comprendre. Il ne reviendra pas. Il ne me parlera plus. Il faut que je l'accepte.
Je me force tant de fois à regarder par la fenêtre du camping-car pour ne plus assister à ce spectacle abominable qui m'obsède. Dehors, matelas, dehors, matelas. Mais je finis par craquer et bloquer mes yeux sur les siens.
Non, ça ne peut pas être lui.
Je le connais bien. Il dort. Il fait semblant.
Il m'en veut, c'est tout.
C'est pour ça qu'il ne dit plus rien.
Il est si confortablement installé dans le lit qu'il est en train de s'enfoncer dedans, alors que moi je rêve de m'enfuir de là. J'étouffe avec tous ces rayons agressifs du soleil qui tapent contre la vitre. Je ne sais même plus pourquoi je m'efforce de rester ici, tout ça pour le regarder dormir. C'est un peu bizarre, non ?
Je m'approche de son visage dont les yeux sont fermés.
Alors là, il abuse vraiment. C'est la première fois qu'on passe du temps que tous les deux, entre frère et sœur, depuis l'Incident, et il ose faire la sieste devant moi. Il va râler, je le connais, mais il n'y a que la manière forte qui fonctionne avec cette tête de mule. Alors, je le secoue doucement.
— Aaron, debout, je lui chuchote en souriant.
Il ne bouge pas. Son visage semble figé dans le temps.
Je le secoue un peu plus fort.
— Aaron, j'ai une surprise pour toi.
Ça marche tout le temps, d'habitude.
Comme il décide de m'ignorer, j'approche ma main brûlante de ses paupières lourdement fermées, jusqu'à ce que mes doigts puissent sentir ses globes oculaires tout mous. Il ne bronche même pas un instant lorsque je lui fais ouvrir les yeux. Dit donc, il doit être sacrément endormi – quelle marmotte. Et ma main a beau faire des va-et-vient devant son visage tout pâle, ses pupilles ne me suivent même pas un seul instant.
Je soupire et me redresse.
Il n'y a personne d'autre dans le camping-car, et je ne sais même plus quel jour nous sommes. Ce que j'espère de tout cœur, c'est qu'on ira se baigner au lac aujourd'hui. Si Aaron veut bien bouger son cul. D'ailleurs, qu'est-ce qu'il fabrique dans le lit de Ruben ? Et pourquoi est-ce que j'avais tant envie d'en partir ?
C'est peut-être l'odeur nauséabonde provenant de mon frère qui donnerait envie à n'importe qui de déguerpir en vitesse.
— Tu devrais vraiment te laver, Aaron.
Pas de réponse.
— Je vois que t'as toujours besoin de ta sœur adorée, dis-je avec un sourire sans retour. Je vais t'aider. Mais tu me revaudras ça plus tard.
Qu'est-ce que je ne ferais pas pour lui ?
D'abord, son t-shirt noir n'est pas présentable : il est tout froissé et mal mis. Je le frotte doucement avec ma main pour faire disparaître les quelques plis, puis je l'ajuste parfaitement sur son torse. Voilà qui est déjà mieux.
Fredonnant Where is My Mind de Pixies en me remémorant cet après-midi où nous avons tous fait de la musique, je passe ma main dans ses cheveux roux qu'il ferait bien de nettoyer le plus tôt possible. Et peut-être un masque en plus. Ou quelque chose pour les réparer. Parce que là, ils sont littéralement en train de tomber dans mes mains.
J'observe sa nouvelle coiffure, satisfaite.
— Fini !
Alors que je me lève et m'apprête à le laisser tranquille, je remarque que sa main est pleine de terre, si bien qu'elle est en train de salir les draps blancs.
Sérieusement, où est-ce que tu t'es encore fourré ?
Je l'attrape, surprise de sa froideur extrême, avant d'essuyer les saletés qui se déversent sur le matelas. Dans l'idée de cacher les preuves – et ne pas me mettre Ruben à dos –, je balance discrètement tout au sol...
Pour constater qu'il y a des tas et des tas de morceaux de terre sèche sur le plancher du camping-car, formant un chemin jusqu'à la porte.
Il a dû entrer avec ses chaussures.
Pourtant, c'est vraiment pas son genre de faire ça.
Je m'assoie à nouveau au bout du lit en soupirant, les pieds qui trempent dans les détritus d'Aaron. Il a intérêt à nettoyer tout ça – dont mes super chaussettes jaunes. Une petite voix dans ma tête me susurre quand même à l'oreille que ce n'est pas vraiment de sa faute. Pour la faire taire, j'attrape sa cheville encore plus gelée pour la soulever légèrement.
Je sursaute en voyant sa couleur bleue, presque pourpre.
Il doit avoir sacrément froid, alors qu'on crève de chaud dans ce four. J'exhale déjà des litres et des litres de sueur. Lui, rien.
Ses chaussures, contrairement au reste de sa tenue, sont parfaitement mises. Et, comme je m'en doutais, parfaitement sales. Voilà notre fautif, l'affaire est close. Je retire celle de droite avec difficulté, parce qu'elle est presque scotchée à son pied, avant de la balancer sur le parquet. Puis vient celle de gauche que je regarde à peine : les doigts dans le nez.
— Parfait, je chuchote.
Je me redresse pour observer avec fierté le lit à nouveau immaculé sur lequel mon frère semble dormir à poing fermé. Plus qu'à ramasser les dernières saletés. C'est lorsque je pars à la recherche d'une balayette que je tombe nez-à-nez avec des tas de traces de semelles différentes sur le parquet, à croire qu'il y a eu des centaines d'allers-retours sans que personne ne prenne la peine de nettoyer.
Et maintenant, il y a les baskets d'Aaron en plein dans le passage.
C'est vraiment chaotique.
J'attrape et dépose au pied du lit la première chaussure balancée qui avait atterri toute droite – un point pour Erinn. La seconde n'a pas eu la même chance : elle est renversée et propulsée jusqu'à la cuisine. En me baissant pour la récupérer, je remarque un bout de papier plié gisant à ses côtés.
Je suis certaine de ne pas l'avoir vu avant.
Il devait être dans sa chaussure ! Drôle de façon de cacher ses mots top secret, Aaron.
Je range sa basket en gardant précieusement la feuille dans ma main. Je sais que je devrais la remettre à sa place elle aussi, mais elle m'obsède. Je ne peux pas m'empêcher de la fixer, elle qui est toute froissée et qui semble tout juste avoir séchée. Je la scrute, en silence, hypnotisée par l'encre qui dégorge à travers le papier.
Pourquoi était-elle dans ta chaussure ?
Je regarde le principal intéressé.
— Aaron ?
Étonnement, il est encore en train de dormir.
Il ne m'en voudra pas. Enfin, je l'espère.
Ma curiosité prend le dessus, il ne me faut pas une seconde de plus pour le déplier comme si nous étions au matin de Noël. Si impatiente de découvrir ce qui s'y cache.
J'y suis prête.
Ça y est.
Je m'arrête net.
Ma peur prend le dessus, il ne faut pas une seconde plus à mes poils pour s'hérisser comme si j'étais face à un film d'horreur. Si affolée que mon rythme cardiaque en fait des siennes. Je relis un million de fois la même phrase, en boucle et en boucle, analysant chaque petit recoin de l'image à la recherche d'une preuve m'assurant que c'est juste une supercherie.
Tournant en rond dans le camping-car, le corps tremblant, j'observe à plusieurs reprises chaque fenêtre en priant pour que personne ne m'ait vue. Heureusement, il n'y a rien que la forêt. Rien que cette maudite forêt.
Je finis par enfouir ce papier au fin fond de la poche de ma salopette, sous les yeux vitreux de mon frère.
Je sais quel jour nous sommes.
Je sais où je suis.
Je sais pourquoi Aaron m'ignore.
Je commence enfin à comprendre ce qu'il lui est réellement arrivé.
Les autres se sont bien trompés.
Et ils se sont bien jetés dans la gueule du loup.
┐
𝘕𝘋𝘈
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❝ Merci d'avoir lu ce vingt-septième chapitre, j'espère qu'il vous a plu !
Que pensez-vous de ce chapitre ?
À votre avis, qu'est-ce qui est écrit sur ce papier ?
Pour savoir quand le prochain chapitre sortira, suivez-moi sur Instagram ! (@orautri). ❞
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