| 𝐄́ 𝐏 𝐈 𝐋 𝐎 𝐆 𝐔 𝐄 |
LE SANG FLASQUE venait teinter le sol pavé de pierres irrégulières qui se complétaient pourtant parfaitement, apposées là par les Bipèdes. Chacune habituellement d'une pureté blanche, le rouge avait prit le dessus sur le combat sans merci qui s'était livré. Le sang finissait toujours par gagner.
C'était un lien immuable qui liait les uns aux autres sans jamais se briser.
Mais ce n'était pas le seul élément de ce sinistre paysage. Le corps en faisait parti, comme une décoration placée artistiquement par son auteur dans le but de rendre le tout enchanteur. Pour le coup, le résultat était plutôt morbide.
La blancheur des poils n'était d'ailleurs pas sans rappeler celles des dalles, celles de la vie, ironique pour un cadavre mort. La nature imparfaite n'était faite que de contraires.
Et la scène pouvait se terminer par l'assassin, le meurtrier. Enfin, dans ce cas, accorder au féminin serait d'un plus juste respect car c'était une femelle qui avait fait vivre ses derniers instants au chat blanc. Une femelle qui ne pouvait détacher ses yeux écarquillés de ses griffes tachées par le poisseux liquide vital.
Elle venait de tuer un chat, de sang-froid et en toute connaissance de cause. Et désormais, les conséquences lui revenaient en pleine figure.
Elle savait pourtant dans quoi elle s'était engagée. Tuer était un risque qu'elle était jusqu'alors prête à prendre, sans réaliser sa réelle existence. Le sang ne devaient être plus qu'une vue facile et habituelle. Le chemin sur lequel elle marchait désormais était fragile et dangereux, tortionnaire et impitoyable.
Mais elle ne pouvait pas baisser les pattes.
Elle ferma les yeux, tout son être crispé en supplice profond, engagé dans une véritable bataille intérieur.
Poli, allongé face à elle, ne respirerait jamais plus et ce par sa faute. Elle peinait encore à le réaliser, dans toute sa réalité effroyable.
— Félicitation, murmura suavement une voix à son oreille.
C'était le moment d'entrer en scène pour la maîtresse de la danse. Une chatte noire se coula à ses côtés avec un mince ricanement provocateur. Elle savait manier les mots aussi finement que ses griffes et la peur qu'elle inspirait était aussi profonde que l'engouement.
Onyx avait vécu des choses terribles que l'on pourrait qualifier de tragiques mais qu'elle s'amusait à affubler de "fatales", qui avaient sculpté son corps et son mental, ne laissant qu'une statue de chair finement ciselée et imbattable. Elle était l'ennemie parfaite, l'amie diabolique, le cauchemar des faibles, le rêve des plus forts.
Le charme et l'assurance qu'elle dégageait la rendait bien difficile à détester pour quiconque la côtoyait, volontairement destructeurs.
— Était-ce si difficile ? souffla-t-elle en s'approchant pour contempler le corps.
Ses yeux bleus nuits et perçants le regardaient avec une certaine fierté, sans la moindre trace de l'horreur qu'il pouvait représenter.
Des cadavres, elle en avait vu tant défiler qu'ils ne lui faisaient plus aucun effet.
— Non, répondit lentement et tout bas l'autre femelle, plus petite, tremblante. Et c'est bien cela le pire.
Elle n'avait pas réfléchi. Elle n'avait pensé qu'à tuer. Et l'étrange plaisir interdit que cela lui avait provoqué la terrifiait plus que tout.
Elle jeta un regard perdu au mâle, ressentant cependant une pointe de culpabilité à travers son petit cœur peu à peu rabougri par les manigances d'Onyx. Malgré cela et en parfaite connaissance de cause, elle ne cessait de s'en remettre à elle.
— Ce n'était que le début, lui lança la fine chatte noire.
Son ton s'était presque fait plus doux tandis qu'elle faisait le tour du cadavre. Mais la douceur chez elle, restait tout aussi effrayante.
— Tu sais pourquoi nous faisons tout cela. Pourquoi je fais tout cela.
— Pour... la vengeance.
— Pas tant, pas tant, renifla la solitaire, visiblement déçue par sa camarade. Contrairement à ce que j'ai pu en laisser penser à tes camarades.
Elle acheva son tour et bondit sur l'une des marches encadrant le perron de la maison encore vide. Heureusement que les Bipèdes dormait encore. Elle sourit à l'idée de la pagaille qu'aurait pu provoquer la découverte du corps d'un chat qui n'était pas le leur. Mais ce ne serait pas à eux que serait fait cet honneur.
Il ne verrait qu'une tâche sanglante.
Et encore, ceci n'était même pas sûre si elle se fiait à l'odeur chargée de pluie.
— Ce n'est pas tant par vengeance mais par respect d'une promesse, murmura-t-elle. Du but de toute une vie.
L'éclat de ses iris prit une teinte plus dure, presque douloureuse. Sa voix n'avait plus rien d'enjoleuse, elle n'était plus que colère.
Mais les émotions étaient une chose bien rare chez Onyx. Elle l'enferma aussitôt dans un corset de froideur.
L'autre chatte releva la tête. Elle avait elle aussi reprit contenance, d'une manière bien difficile consistant à cesser de penser tout simplement. Elle n'était plus qu'une machine obéissante.
Rien ne romprait son serment.
La marque sur son flanc, cachée à travers ses longs poils était la preuve de sa perdition.
— La prophétie s'accomplira, ricana Onyx. Ironique non ? Alors qu'ils cherchent tant un mâle, c'est une femelle qui sera responsable de leur chute.
Elle plongea ses pupilles dans celles de sa subordonnée qui frémit. Oui, elle était entièrement entre ses griffes. Mais malgré tout, cela lui plaisait.
Elle avait déjà renoncé à sa famille et ses amis, pour beaucoup inexistants. À tous ses espoirs de chaton, à chacunes des étoiles du ciel. Elle ne renoncerait pas à cette cause, cette dernière quête.
Les Clans ont eu leur chance.
Elle se répéta cette phrase pour se donner du courage. Encore et encore. Ce serait sa devise, son serment.
Onyx leva les yeux vers le soleil qui perçait tout juste à travers les feuillages. Il allait être l'heure pour elles de partir, la solitaire ne travaillait qu'avec les ombres. Et par conséquent, sa camarade aussi.
— Nous accomplirons la prophétie mais d'une manière que ce "Clan des Étoiles" lui-même n'avait pas prévu.
Elle fit un pas en avant.
Tout en elle était synonyme de danger.
Tout en elle inspirait la dévotion.
— Mais bientôt, nous ne serons plus seules. D'autres nous rejoindront et participeront à cette chute.
Elle eut un léger rire qui résonna d'une manière funèbre.
— Après tout, "les Clans ont eu leur chance". Pas vrai ?
L'autre chatte sursauta. Onyx était tout prêt désormais. Elle eut un dernier rictus sauvage.
— Mais cette femelle responsable de leur chute...
Faire durer le plaisir était son pêché-mignon. Le suspens était un allié fidèle.
— Ce sera toi, Gelée d'Aurore.
Lorsqu'elle releva la tête, les fins yeux en amande de la guerrière brillait d'une lueur nouvelle, déterminée, impitoyable.
Elle qui n'était plus que traîtrise, elle était prête.
Tous tremblaient en entendant le Traître.
Tous trembleront en connaîssant la Traîtresse.
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𝙇𝙖 𝙨𝙪𝙞𝙩𝙚 𝙙𝙖𝙣𝙨 :
𝙋𝙀𝘼𝙍𝙇 𝙇𝙂𝘿𝘾 ━ 𝘾1 𝙏3
𝙇𝙀 𝙈𝙄𝘿𝙄 𝘿𝙀𝙎 𝙁𝙀𝙐𝙄𝙇𝙇𝙀𝙎 𝙍𝙊𝙐𝙂𝙀𝙎
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