| 𝐈 | ━ Pouponnière

SON PLUS VIEUX SOUVENIR remontait à la pouponnière, alors qu'il ne devait avoir pas plus de 2 lunes. Il n'était encore qu'un petit chaton au joli pelage blanc et roux, aux pattes minuscules et duveteuses et aux yeux turquoises comme ceux de son père.
Il avait trouver un petit caillou. Dans son camp se trouvant sur des landes rocheuses, ce n'était pas vraiment extraordinaire. Mais celui-ci était spécial. Il était tout lisse et brillant, d'un blanc presque transparent. Il l'avait appelé le Caillou de Lune. Puis ce caillou avait disparu. Il ne se rappelle plus où, il ne se rappelle plus comment.
Mais il est sûr d'un chose, c'était son plus vieux souvenir.

Lorsqu'il était chaton, il aimait jouer avec sa mère. Cela il s'en souvenait parfaitement. Elle lui lançait une petite boule de branches et il devait s'amuser à la rattraper et à la lui redonner. Ces jeux lui manquaient parfois. Il aimerait tant revenir à cette époque où tout était plus facile. Si seulement...
Mais le temps s'écoule. Les chats arrivent et repartent. Et lui devait faire avec.

Il était né de deux guerriers du glorieux Clan de l'Air, comme il aimait se le raconter. Sa mère était une femelle d'une trentaine de lunes au fort caractère et aux pattes arrières si puissantes qu'elle était capable d'attraper des rapaces au décollage.
Son père était un petit matou souvent discret, assez fort pour la chasse mais excellant peu au combat.
Comment ces deux chats au caractère opposé avaient pu se trouver et finir ensemble restait un mystère pour tout le Clan.
Pour lui, c'était comme cela et puis c'est tout.

Il avait deux sœurs. Le Clan des Étoiles avait décrété qu'il serait le seul garçon de la fratrie. Pourquoi ? Visiblement, ils aimaient lui jouer des tours sur son destin, ce qui ne lui plaisait pas forcément.
Ses deux frangines étaient respectivement Petite Lumière, une femelle adorable au pelage semblable au sien, si ce n'est qu'il était plus clair comme celui de leur père, et Petite Tache, une femelle écaille de tortue, cette fois, tenant plutôt de leur mère au niveau du pelage. A part pour la taille, car elle était courte sur pattes, comme leur géniteur. Tous les trois avaient ces yeux si reconnaissable dans tout le Clan, ces yeux profonds et turquoise.
Il aimait se dire que les siens étaient les plus beaux, ce qui était sans doute vrai puisque ceux de ses sœurs se ternirent un peu avec le temps tandis que les siens restèrent clairs et brillants.

Lui, il était Petit Soleil, un mâle qui avait déjà conquis toutes les femelles de la pouponnière par ses "admirables yeux turquoise" avant même d'atteindre ses 3 lunes.
Quand il ne jouait pas avec sa mère et ses sœurs, il passait son temps à rêver, à penser, à réfléchir sur le monde qui l'entourait. Chaque chose l'étonnait et réveillait en lui quelque chose au fond de son âme, quelque chose de beau, quelque chose de grand. Quelque chose de poétique.

Évidement, il n'en parlait à personne vu que son premier essai s'était soldé par un échec. Son auditeur, en l'occurrence sa sœur Petite Lumière, lui avait rit au nez. Elle ne pouvait pas comprendre.
Alors il pensait tout seul dans son coin, avec pour seul ami les cailloux qui parsemaient le sol. Mais même eux n'étaient pas de vrais amis puisqu'ils rentraient parfois profondément dans ses coussinets ce qui les faisaient souffrir. Et alors, c'était un aller simple pour la tanière de leur guérisseuse Fleur de Nuage.

Fleur de Nuage justement, était leur guérisseuse depuis tellement longtemps que tout le Clan, à part peut être les anciens, avait oublié son prédécesseur. Il faut dire que ce dernier était mort prématurément alors qu'elle venait à peine de finir son entraînement et de recevoir son nom de guérisseuse.
Encore jeune chatte, elle avait dû faire face à une épidémie de mal vert plus coriace que les précédentes, accentuée par le froid mordant et le vent qui sifflait sur les plateaux où était établi le camp. Mais elle avait réussi. Avec des pertes, certes, mais réussit tout de même. L'épidémie avait été éradiquée et l'héroïsme de la guérisseuse, salué.
Depuis, chacun la respectait. Avec sa nouvelle apprentie Nuage de Violette, elle soignait courageusement chaque malade, chaque blessé, et ce depuis des dizaines de lunes. Petit Soleil la connaissait depuis sa naissance et il aimait ses doux sourires, son pelage blanc-gris cotonneux et ses leçons de vie profondes et sages.

Mais même s'il aimait passer du temps avec elle, il en souhaitait pas devenir guérisseur. Même si se battre lui semblait parfois vain, il gardait espoir de devenir chef de son Clan et de le guider vers une ère prospère et sans guerre. C'était son plus grand rêve, son objectif. Il se plaisait à y croire, dans la contemplation des étoiles, avant que sa mère ne lui miaule de rentrer.
Même si sa mère n'aimait pas spécialement avoir un fils rêveur et qu'elle l'encourageait volontiers à jouer avec ses sœurs, elle l'aimait de tout son cœur, qu'il soit un poète solitaire ou un robuste guerrier. En revanche, elle le renierait si jamais il devenait un monstre sanguinaire, elle n'arrêtait pas de le lui répéter encore et encore. Heureusement, ce n'était pas dans ses intentions.

A cette époque — la belle époque comme il aimait se le rappeler, quand tout était simple — l'ambiance dans le camp était joyeuse et solidaire. Petit Soleil s'y sentait à l'aise, comme un aigle dans les cieux. Les guerriers s'entendaient bien entre eux, se saluaient les uns les autres. Les disputes étaient rares et même les bêtises des chatons, à part lui, Petit Soleil, sage comme une pierre, ne suffisaient à ternir cette ambiance et cette bonne entente.

Puis elle est arrivée.
La grande, la fracassante, la terrible Prophétie.

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Fleur de Nuage était relativement calme et posée. Elle prenait toujours les nouvelles avec positivité et sang-froid, quelqu'elles soient. Mais cette fois, elle perdit son calme. C'était à l'aube, alors que le Clan se réveillait lentement et sortait d'entre les rochers qui les abritaient. Le soleil faisait briller les nuages dans des teintes rosées et orangées. Sur les hauts-plateaux, on pouvait pleinement l'admirer. Mais pas aujourd'hui. La petite chatte grise et blanche était sortie précipitamment de sa tanière et avait crié d'une voix éraillé, comme si elle n'avait pas arrêté de hurler dans son sommeil, pour que le Clan se rassemble.
Alors le Clan s'était rassemblé. Petit Soleil aussi, aux côtés de Petite Lumière et de Petite Tâche car ils ne faisaient pas exception à la règle, même s'ils n'étaient pas encore apprentis. A l'époque, ils avaient déjà dépassé le cap des 5 lunes.

Lorsque leur meneur Étoile d'Azur avait demandé d'une voix calme :

Que se passe-t-il Fleur de Nuage ?

En tournant ses yeux sombres et paniqués vers lui, la femelle lui avait répondu dans un souffle rauque et inquiétant :

J'ai reçu une prophétie.

Le Clan de L'Air n'était pas du genre à s'émouvoir pour si peu. Petit Soleil ne se souvenait que de la queue de leur mère enroulée autour d'eux trois qui frémit juste un instant. Mais ce fut tout. En revanche, l'enfer se déchaina lorsque la prophétie en question jaillit d'entre les lèvres de la guérisseuse.

« Lorsqu'à Minuit sonnante le Soleil resplendira, alors prends garde à la Cascade qui le noiera. »

L'odeur poisseuse de la peur avait enveloppé Petit Soleil, noyant ses narines sous ses effluves épaisses. Il se souvient de s'être demandé pourquoi tout le monde avait peur ? Ce n'était qu'une phrase après tout. D'autant plus qu'à minuit, le soleil ne pouvait pas briller. Affaire classée !
Lorsque l'Assemblée s'était dissoute et qu'il était rentré à la pouponnière, sa mère s'était couchée sans un mot, en invitant ses petits à venir contre elle. Les deux petites s'étaient précipitées vers le ventre soyeux et lui avait trottiné doucement avant de s'y blottir. Ici, il se sentait en sécurité, comme si rien ne pouvait l'atteindre. Alors qu'il s'apprêtait à fermer les yeux, Petite Lumière, qui était déjà très intelligente pour son jeune âge — son nom étant devenu une étrange coïncidence — avait demandé d'une petite voix :

Pourquoi ont-ils peur ?

Le visage de sa mère était la partie de son corps la moins constellé de tâches, pratiquement blanc. Pourtant, Petit Soleil avait juré la voir blanchir. Mais leur mère — de son vrai nom, Poil de Tortue — n'était pas le genre de parents à mentir uniquement pour ne pas faire de la peine à ses petits. Elle pensait que leur vie serait dure et que leur cacher la vérité ne les aiderait pas. Petit Soleil était entièrement d'accord avec elle.

Ils ont peur, commença-t-elle, s'omettant volontairement du "ils". Parce que cette prophétie annonce la fin. Du soleil ? Du Clan ? D'un chat en particulier ? Personne ne sait ce qu'elle concerne et c'est ce doute qui la rend plus effrayante encore.

Petit Soleil avait fait semblant de dormir, aux côtés de Petite Tâche qui elle dormait vraiment. Mais il avait réfléchi longuement à ces paroles. Quel était le plus effrayant ? Connaître cette fatalité, savoir quand elle arriverait et voir approcher la date fatidique avec angoisse ? Ou au contraire, en douter, être constamment sur le qui-vive sans savoir quand elle nous tomberait dessus ? Aujourd'hui encore, il doute de la réponse.

Le lendemain, chacun reprit ses habitudes. Mais au fond des regards, on pouvait voir luire cette étincelle malsaine que l'on appelle la peur. Tous faisaient semblant. Chacun était terrifié.
Les trois chatons eux aussi recommencèrent à jouer ensemble. Chacun avait un rôle bien précis dans leur jeu. Petite Lumière était la chef, grande stratège et intelligente. Secrètement, Petit Soleil l'enviait mais il ne disait rien. Lui devait se contenter de faire le guérisseur. Quant à Petite Tâche, qui fonçait souvent sans réfléchir, elle jouait le rôle du meneur adverse. Toutes leurs parties étaient basées sur ces rôles. Ensuite, l'histoire différait d'un jour à l'autre.
Parfois, les petits de Cœur Noir se joignait à eux, en tant que guerrier. Petit Jade se joignait à Étoile de Lumière et Feuille de Soleil tandis que Petite Fleur et Petite Nuit venait compléter le Clan d'Étoile Tachetée.

Petit Soleil aimait jouer avec les petits de Cœur Noir, nés deux lunes environ après eux, mais parfois, il préférerait rester seul avec ses sœurs. S'éloigner d'elles lui faisait horriblement peur.
Mais il se taisait, ne voulant pas paraître égoïste, et continuait de s'amuser avec les autres chatons.

Il y avait d'abord Petit Jade, le plus renfermé des trois qui souriait assez rarement. Sa mère leur avait raconté que le jade était une jolie pierre verte qu'elle avait vu lors d'un voyage. Depuis, elle était résolue d'appeler un jour un de ses enfants comme cela. Coïncidence amusante, deux lunes après que Petit Jade ait ouvert les yeux, tous purent voir le vert qui commençait à dépasser le bleu, leur donnant une teinte qui ressemblait à ceux de son père, Pelage de Jais.
Petite Nuit était constamment en train de sourire. Elle était la joie incarnée, toujours de bonne humeur et optimiste mais pas niaise pour autant. Tout l'inverse de son frère Petit Jade quoi. Petit Soleil l'aimait beaucoup et la considérait comme sa meilleure amie, ce qui était réciproque.
Venait enfin le dernier de la bande, celui que Petit Soleil aimait sans doute le moins, Petite Fleur. Un grand mâle noir de 4 lunes avec autant d'arrogance et de fierté que s'il en avait 26. Déjà petit, il avait développé une véritable passion pour ce qu'il appelait "les jolis mots". Il parlait avec des phrases enjolivés, souvent pour tourner en ridicule son interlocuteur, en l'occurrence Petit Soleil car c'était lui qui se faisait martyriser par ses jolis phrases en général.

Une fois par exemple, Petit Soleil regardait les nuages. Certains avaient des formes étranges et tordues. Il aimait les comparer aux rochers qui l'entouraient. Pour lui, les nuages, c'était comme les rochers du ciel.
Puis Petite Fleur était arrivée. Son poil brillait au rythme de sa marche, faisant ressortir sa silhouette élancée.

Salutations Petit Soleil, commença-t-il de sa petite voix de chaton. Comment vas-tu en cette belle journée ?

Le ton de sa voix sonnait horriblement faux et Petit Soleil pouvait entendre toute l'ironie contenue dans ses paroles. Mais il ne broncha pas et joua le jeu en répondant d'une voix égale :

Salutations Petite Fleur. Qu'est ce que tu veux ?

Je peux venir te voir sans vouloir quelque chose en particulier. Je suis simplement venu admirer la magnifique vue s'offrant à moi.

Petit Soleil n'était pas dupe. Il se tenait sur un côté du camp, près de la tanière de la guérisseuse. Il était venu ici car, perché sur un rocher, il pouvait bien voir les nuages. Mais la vue était loin d'être "magnifique" surtout pour Petite Fleur qui fixait un point droit devant lui et non le ciel.
Il gronda un peu mais cela sonnait plus comme un ronronnement. Il ne savait pas faire peur, ni paraître agressif.

C'est bien, articula-t-il, la gorge nouée.

Qu'allait lui faire faire ou dire Petite Fleur cette fois ? Cette questions tournoyait dans sa tête à chaque fois que le petit chaton venait lui parler. Avoir peur de plus petit que soit était le comble non ?

Pourquoi n'es-tu pas avec tes sœurs ? demanda soudain le mâle noir, un léger sourire sur le visage.

Parce que, commença le rouquin en hésitant. Parce que... j'avais... envie ?

Tu préfères rester seul ?

Eh bien... oui...

Tout le corps de Petit Soleil bouillonnait. Il avait la désagréable impression d'être à la place de la boule de branches avec laquelle il jouait avec sa mère.
Cette fois, c'était Petite Fleur le maître du jeu. Il savait quelles questions poser. Et il savait quelles réponses Petit Soleil lui donnerait.

C'est assez étrange, lâcha-t-il d'une voix lente et froide, ce qui faisait assez étrange car elle était plutôt aiguë

Le chaton roux agita les pattes. Ses oreilles le démangeait, tout son corps transpirait. Il voulait partir, partit loin de ce mâle stupide.
Petite Fleur se rapprocha pour lui murmurer dans l'oreille.

Peut être qu'au fond tu as peur. Peur des autres. Peur de toi même.

Petit Soleil se recroquevilla. Le chaton démoniaque venait de toucher un point sensible. Très sensible.
Soudain, une voix, qui lui semblait tout d'un coup si belle et douce - alors qu'elle était en réalité stridente et railleuse - retentit, coupant net le petit mâle dans son élan manipulateur.

Alors Fleurette, on s'la joue comme les grands ? Redescend Tête de Moineau, t'as que 4 lunes !

Petite Nuit s'avançait, un immense sourire sur les lèvres. Elle se sentait incroyablement héroïque et elle l'était, d'après Petit Soleil. Car la petite chatonne était la seule à pouvoir fermer le clapet de Petite Fleur. Ce dernier perdit un peu son calme mais ne s'énerva pas pour autant. Il redescendit calmement du rocher où il se tenait avec Petit Soleil pour regarder sa sœur droit dans les yeux. L'une avait les yeux bleu foncé de leur mère, l'autre les yeux verts, en plus foncés, de leur père. Ces deux regards s'affrontèrent jusqu'à ce que la bouche du chaton se torde en un rictus qui n'avait rien de mignon.

Tiens ma chère sœur. Quel bon vent t'amène ?

Petite Nuit réfléchit un instant, sous le regard plaintif de Petit Soleil. Il regrettait que ce soit elle qui le sorte toujours de ces situations mais il ne savait pas quoi faire ! Les autres le rendaient toujours mal à l'aise.

Je ne sais pas quel bon vent m'amène mais je sais quel bon vent va te faire repartir ! Laisse Soleillou tranquille, espèce de Chat Mouillé !

Petite Fleur eut un reniflement dédaigneux et un geste fier et hautain. Puis, en levant bien les pattes, il repartit, faisant parfois crisser ses griffes sur la pierre, de façon très désagréable.
Petit Soleil le regarda partir, son sentiment de malaise disparaissant avec lui. Ce n'est que quand il sentit l'air pur des hauteurs pénétrer dans ses poumons qu'il comprit qu'il avait retenu sa respiration. Sa sauveuse tira la langue au matou qui s'éloignait avant de se tourner vers lui. Ses yeux bleus pétillaient. Comme toujours, ce regard rassura Petit Soleil.

Merci, balbutia-t-il. Je... je sais pas ce que j'aurai fais sans toi.

Elle eut un geste de patte assez drôle, la mettant en avant, pour ensuite la plier vers le bas, comme de la fausse modestie. Il esquissa un sourire. Lorsque le vent passa doucement entre ses poils, il se sentait soudainement heureux. Il était dans son camp, avec une amie, son ennemi étant parti bien loin grâce à elle, il ne faisait ni trop chaud ni trop froid, tout était parfait.
Ce n'était certainement pas une stupide prophétie incompréhensible qui allait gâcher ce bonheur.

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Voilà pour un premier chapitre !

N'hésitez pas à corriger les éventuels fautes, j'ai essayé de me relire plusieurs fois mais il est possible que j'en ai loupé. (Oui je l'ai déjà écrit dans le chapitre précédent mais je le remets ici-)

Je vous pose juste quelques questions pour savoir votre avis !

Que pensez vous de Petit Soleil ?

Ce premier chapitre met-il bien l'ambiance ?

Trouvez-vous que le passage entre Petite Fleur et Petit Soleil soit crédible (au niveau de la crédibilité des deux chatons et du dialogue) ?

(C'est la partie que j'ai le plus galéré à écrire)

Ça ressemble un peu à une éval de français désolé XD
Bon bref, je vous rassure, je parlerai pas autant que ça à chaque chapitre - -'

~Kiss <3

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