Chapitre 7
Voilà deux jours que suis sortie de cette chambre immaculée. J'ai fait part de mon doute au groupe et leur ai présenté ensuite la solution que j'ai trouvée. Nous avons donc modifié le plan de sorte à avoir le maximum de chance de notre côté.
En attendant de passer à l'action, ma vie a repris son cours normal. J'ai rattrapé mon retard par rapport aux cours et j'ai commencé hier, comme tous les autres, les cours de maîtrise des pouvoirs. C'était d'un ennui mortel. Le prof qui est censé m'entraîner m'a seulement demandé de mettre l'eau d'une bouteille dans un verre à distance pendant une heure. J'espère que la séance d'aujourd'hui sera plus intéressante. Je suis en train de m'y rendre justement.
Quand je rentre dans la salle, le professeur est debout derrière une table, face à moi et me regarde d'un air sévère. Sur la table, une bouteille et des verres se dressent fièrement. Je comprends tout de suite que l'exercice d'hier sera aussi celui d'aujourd'hui à la seule différence qu'il y a plusieurs verres cette fois. Je m'assois sur la chaise en face de la table et du professeur, croise les bras et plonge mes yeux dans les siens, sans cacher mon animosité envers lui.
- Bien, nous pouvons commencer jeune fille.
Il m'envoie un regard mauvais. Il n'a pas du tout apprécié mon petit coup d'hier. Quand je lui avais dis que ce qu'on faisait ne servait à rien il m'avait purement ignorer, ce qui m'avait grandement énervée. Comme je suis rancunière, il était hors de question qu'il s'en sorte comme ça. Il s'était donc retrouvé trempé à la fin du cours. Il est désormais impossible que notre relation devienne bonne.
- Commence par mettre l'eau de la bouteille dans les verres.
- Oui et je finis par quoi ?
- Et tu finis en mettant l'eau de la bouteille dans les verres.
Même si j'avais un très très très léger doute avant, maintenant je suis sûre que ce prof me déteste. Pourquoi ? Sûrement à cause d'hier. Il doit être un chat. On dirait qu'il déteste l'eau autant qu'il me déteste. Ou alors il me déteste autant qu'il déteste l'eau. Ça expliquerait d'ailleurs son odeur nauséabonde.
J'exécute ses ordres non sans râler et me retiens de lui envoyer la bouteille, pas seulement l'eau, dans la figure. Je laisse cependant un peu d'eau gicler sur mon professeur pendant "l'exercice", ce qui provoque la colère de celui-ci.
- Oups ! Désolée.
Je lui fais mon plus beau sourire d'hypocrite et me remets au travail. Enfin... Je ne sais si on peut appeler ça travailler. Appelons plutôt ça : remplissage des verres.
Quand la sonnerie de la fin de l'heure sonne, je laisse l'eau retomber lourdement et éclabousser le tyran qui me sert de prof. J'ignore les cris de celui-ci et sors de la salle en courant pour me diriger vers le réfectoire. Je retrouve Jim dans la file et enfin assis à une table, nous commençons à manger.
- Alors ? Tes cours de ce matin ? me demande Jim.
- Comme d'habitude, rien de passionnant. Par contre pour ce qui est du cours de maîtrise c'est une catastrophe. Il m'a fait faire la même chose qu'hier mais avec plusieurs verres !
- J'espère pour toi que tu ne l'as pas aspergé à nouveau parce que sinon gare à tes fesses !, répond-il en se marrant.
- J'aimerais bien t'y voir toi ! Pas au point d'hier mais je ne me suis pas retenue de laisser échapper un peu d'eau de temps en temps ! Et toi alors ?
- Moi pareil, hier je devais allumer une ampoule et aujourd'hui plusieurs à la fois ou en alternance.
- Donc tu n'as aucune raison de te moquer de moi monsieur "je-suis-le-meilleur".
Après avoir fini de manger, je monte dans ma chambre pour préparer notre fuite. Nous avons prévu de partir à la fin de la semaine, dans cinq jours, le temps de s'occuper des derniers détails. Nous avons prévenu d'autres Master et quelques Minors, nous serons une trentaine. C'est peut-être beaucoup mais nous serons plus forts et on pourra tous se soutenir. Parmi les Minors, nous avons prévenu Amia. Je ne sais pas si vous vous souvenez d'elle. C'est la future petite amie de Jim, du moins je l'espère.
Alors que je suis en train de mettre quelques vêtements dans mon sac, une alarme se met en route. Quand il y a des alarmes, nous devons généralement rester dans notre chambre. Je ne fais donc pas attention et continue mes préparatifs. Je tourne la tête quand j'entends la porte s'ouvrir. Jim entre et fait non de la tête.
- Encore une expérience qui a mal tourné.
Je lâche mon sac et, en silence, nous nous asseyons sur mon lit. Il me caresse doucement le dos avec sa main. Il sait. Petite je m'étais perdue dans le bâtiment et j'étais passée dans le couloir des expériences. J'avais entendu des cris et des pleurs dans les salles. J'avais commencé à courir jusqu'à ce que je retrouve ma chambre et que je m'enferme dedans. Pendant plusieurs jours ensuite je n'avais plus rien mangé. J'avais 5 ans. Je peux encore entendre leurs cris dans ma tête aujourd'hui.
L'alarme se tait enfin et je soupire de soulagement. C'est toujours un moment difficile pour moi. Je finis rapidement de faire mon sac et me retourne vers Jim qui est toujours assis sur le lit.
- Plus que cinq jours.
- Plus que cinq jours, répète-il en me faisant un sourire rassurant.
Dans sa bouche cela sonne comme une promesse et c'est tout ce qu'il me faut pour m'apaiser complètement.
C'est la fin de la pause déjeuner et nous repartons donc vers nos salles de cours respectives pour les trois prochaines heures. Je ne fais pas attention au discours de madame Poinçon, ma prof de français, ni à l'exercice de madame Ganoli, ma prof de maths, et encore moins à la carte de monsieur Mongo, mon prof d'histoire. Je passe pratiquement toute l'après-midi à regarder dehors en pensant à la liberté. Comment c'est à l'extérieur de l'île ? La ville ? La montagne ? Le désert ? La banquise ? Je suis consciente que nous n'irons pas jusqu'à visiter les pôles mais, ayant passé ma vie enfermée dans un laboratoire, je ne peux m'empêcher de me poser des questions sur le monde. Et puis que ferons-nous là-bas ? Dans ces pays inconnus qui ont condamné notre vie pour de l'argent et le "progrès" de la science ? Travaillerons-nous ? Il le faudra bien si nous voulons vivre.
- Mademoiselle Bott !
Je suis interrompue dans mes réflexions par mon professeur d'histoire qui me regarde plus que sévèrement. Si ses yeux étaient des fusils je serai déjà morte criblée de balles des pieds à la tête. Il faut croire qu'aucun professeur ne me porte dans son cœur.
- Cessez d'être dans vos pensées ! Pouvez-vous me dire où se trouve le Togo sur cette carte ?
Je m'avance doucement vers le tableau, lasse, et pointe un petit pays d'Afrique au hasard en espérant avoir juste pour qu'il me laisse tranquille. Malheureusement, à la tête qu'il fait, je sais immédiatement que j'ai tout faux.
- Retournez à votre place ! Vous me ferez un exposé complet sur le Togo pour la semaine prochaine. Vous passerez devant tous vos camarades.
Si je suis encore là...
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