. pause clope .
Les flocons virevoltent dans la nuit. Ils tombent avec lenteur et se posent sans bruit, visibles un instant dans la lumière jaune d'un lampadaire puis invisibles, absorbés par la terre. Suspendus dans les airs, le vent glacial les bouscule, les pousse à s'accrocher partout ; jusque dans les cils de Maxime.
D'un battement de paupières, Maxime se débarrasse du flocon, le faisant fondre contre sa peau. Il lève les yeux au ciel, observant les petites plumes de glace tournoyer dans le noir. Le froid lui mordille le visage, mais il reste là, appuyé contre le tronc d'un arbre, les mains enfoncées dans les poches de sa grosse veste matelassée. Il soupire et regarde avec satisfaction son souffle se transformer en un nuage blanc.
Sa tête tourne. Il ne sait plus si les flocons tourbillonnent ou si se sont ses yeux qui lui jouent des tours. S'il ferme les yeux trop longtemps, il sent la terre vriller sous ses pieds et le noir sous ses paupières tourner en même temps. L'écorce de l'arbre dans son dos le rassure. Même s'il a l'impression d'être dans une centrifugeuse, il sait que le tronc derrière lui ne bouge pas. S'il reste appuyé là, il ne peut pas tomber.
Il renifle. Le froid est pénétrant et il ne sent plus le bout de son nez. Il l'imagine être rouge. De plus en plus rouge à mesure que les minutes s'écoulent. Il est dehors depuis une éternité.
Droit devant lui, il voit les gens s'agiter derrière les baies vitrées. Les lumières danser, les corps se rapprocher, les verres s'entrechoquer. Il peut presque voir la musique, il peut presque la toucher. Elle résonne contre les murs, et les basses cognent dans la nuit, assourdies par le vent hivernal. Il voit les gens sourire, rire à gorge déployée, s'embrasser et se lancer des coups de poings amusés. Mais il ne peut pas les entendre, et ça le détend.
La nuit est assourdissante et le froid lui remet les idées en place. Il a trop bu. Et il le sait. Il le savait déjà avant même qu'il n'entame le verre de trop. Mais il l'a quand même descendu, comme s'il avait encore soif. Il se voyait mal le refuser. On lui avait tendu avec un grand sourire. Il avait trinqué. Une petite vague s'était formée, avait débordé légèrement. Il avait ri doucement, puis il avait porté le verre à ses lèvres, les yeux rivés dans ceux de l'homme avec qui il venait de porter un toast.
C'est là qu'il c'était noyé. Dans l'alcool. Dans ses yeux. Deux grandes orbes brillantes, sombres. Le temps c'était arrêté. Et quelque chose en lui c'était illuminé. L'évidence. Après des semaines à marcher dans le noir, à tâtonner dans le vide. Il lui avait fallu ces deux interminables secondes suspendues dans le temps pour comprendre ce qu'il ressentait depuis des mois.
Il avait soutenu son regard avec courage, haussant les sourcils avec une expression joueuse. Tout tanguait au fond de lui, mais il n'en avait rien laissé paraitre. Puis il avait relevé le menton pour boire, perdant le contact visuel.
— Putain, Sid ! Comment t'abuse frère-
Maxime était brusquement revenu à la réalité. Enfin presque – car le sourire immense qui venait de s'étendre sur les lèvres de l'homme était irréel.
Sidjil riait aux éclats face à lui, s'essuyant le menton d'un revers de main, alors que l'ami qui venait de l'interpeller en lui collant un coup de coude dans le flanc pointait tour à tour le sol humide et son pantalon trempé.
— Gros, tu sais pas boire ! C'est trop là !
— Excuse, continuait de rire Sidjil, j'regardais pas ce que je faisais.
Maxime observait la scène de l'extérieur, un léger sourire sur les lèvres, le cœur brûlant. Trente fois il aurait voulu revoir Sidjil renverser la moitié de son verre sur ses potes parce qu'il ne regardait pas ce qu'il faisait. Et pour cause.
Trente fois il aurait voulu revivre la scène, replonger dans ses yeux, le défier une nouvelle fois du regard. Le troubler au point de lui faire perdre le contrôle de ses gestes. Au point d'en oublier même comment boire.
Maxime avait repris une gorgée de sa bière, écoutant d'une oreille amusée Sidjil se défendre face aux reproches de son ami, le voyant lever les mains en l'air très exagérément, bredouillant une floppée de « my bad » en manquant de renverser le peu de liquide qui restait dans son verre.
Il avait l'impression d'être ailleurs. De flotter hors de son corps. Il remarquait de tout petits détails, très précis, intenses. Une goutte perler du menton barbu de Sidjil. Attrapant toute la lumière de la pièce avant de s'écraser sur le carrelage. Les longues trainées qui se creusaient au bord de son nez lorsqu'il souriait vraiment. La courbe de son front. La terre qui tourne sous leurs pieds.
Il s'était éclipsé dans le jardin quelques minutes après.
Et maintenant il était là, appuyé contre un tronc d'arbre, la vue brouillée, à se demander si c'était son cerveau qui tournait dans sa boite crânienne ou si c'était le monde qui était bel et bien en train de faire une volte sous ses yeux. Il inspira un grand coup pour se concentrer et ne pas tomber. Il avait bien trop bu. Mais il ne regrettait pas du tout son dernier verre.
Soudain, alors qu'il allait enfin se décider à rentrer, il vit une haute silhouette familière se dessiner entre les flocons.
Sid.
Un sourire irrépressible se dessina sur son visage. Il était un pantin, et quelqu'un tirait sur les ficelles accrochées aux coins de sa bouche. Même s'il avait envie de se retenir, il ne pouvait pas; plus l'homme avançait vers lui, plus son sourire grandissait.
Il le détailla de haut en bas. Ses larges épaules, serrées dans son sweat noir. L'éclat de la chaine qui pendait à son cou. Sa démarche assurée. Il ne pouvait que deviner la courbe de ses jambes sous son jean trop large. Ses yeux glissèrent de nouveau jusqu'à son visage alors qu'il arrivait à sa hauteur, contemplant la lumière dans ses yeux sombres, l'angle de son nez sous la lumière de la lune.
— Hey, Maxou, sourit Sidjil en s'adossant près de lui.
Il avait laissé son manteau à l'intérieur.
— Salut, lui répondit-il doucement, sentant les mots se décoller de ses lèvres avec une horrible lenteur.
Ca y est, ils étaient de nouveau bloqués dans le temps. Maxime n'entendait plus rien à l'extérieur. Il était pris dans une bulle. Il n'y avait plus qu'eux, l'air froid qui perçait sous ses vêtements, et les yeux de Sidjil dans la nuit. Un silence confortable s'installa entre eux alors que le plus grand tirait de sa poche une cigarette et un briquet.
Maxime ne pouvait s'empêcher de le fixer, regardant la flamme chaude projeter une brève lueur sur le visage de l'homme, éclairant ses traits anguleux une seconde avant de replonger la pointe de son menton dans l'ombre.
Sidjil tira sur la cigarette, avant de laisser son crâne reposer contre l'arbre de Maxime, expulsant un nuage de fumée dans les airs. Il avait déjà tiré 3 fois sur sa clope quand Maxime remarqua qu'il était resté bloqué sur la courbe de sa mâchoire inclinée.
— T'es ailleurs là, se moqua Sidjil à voix basse, comme s'ils avaient pu être entendus de quiconque.
— Tu peux parler, rit Maxime. T'as besoin qu'on te rafraichisse la mémoire ou t'as déjà oublié où a fini ta dernière bière ?
— Touché.
Le coin gauche de sa bouche s'étendit, alors qu'il tournait les yeux vers Maxime. Ils se jaugèrent une longue seconde, pendant laquelle la neige continuait de flotter autour d'eux. Un flocon se coinça de nouveau dans les cils de Maxime, et Sidjil ne voyait plus que ça. Et la différence de taille entre eux, les quelques centimètres qui les séparaient. Le pas qu'il lui restait à franchir s'il avait voulu surplomber Maxime de toute sa hauteur et le protéger du vent et des cristaux blancs qui lui fouettaient les joues.
— Ca fait longtemps que t'es là ? demanda Sid.
Il connaissait déjà la réponse. La petite escapade de Maxime ne lui avait pas échappé. Il l'avait même suivi du regard tout le long, en comptant les secondes avant de le rejoindre. Essayant de choisir le bon moment pour le retrouver dans le jardin sans que les autres ne pensent qu'il le suivait volontairement.
— Ouais. J'commence à me les geler sévère, même.
— Ca se voit, commenta le grand brun.
Maxime l'interrogea du regard. Voyant que Sidjil louchait sur son nez, il leva les yeux au ciel :
— Dit pas que t'as deviné parce que mon nez est rouge. Je sais.
— Ah nan, sourit Sidjil. J'pensais que ça c'était à cause de la boisson.
Maxime laissa claquer sa langue sur son palais dans une fausse expression irritée.
— Ferme-là, c'est toi le poivrot frère. Tu devrais te voir danser, on dirait que t'es à deux doigts d'te ramasser toutes les deux secondes avec ton grand corps tout cassé.
— Ah ! Je vois qu'on a un avis bien tranché par ici..
Sidjil marqua une pause, tapotant du doigt sa cigarette pour en décrocher les cendres. Maxime suivit sa main des yeux, observant les bagues qui brillaient à chacun de ses doigts, une image involontaire se dessinant sous ses paupières. Un frisson descendit dans son dos. Il accusa la température extérieure.
— Tu pouvais regarder ailleurs si t'aimais pas la vue, railla Sidjil.
— On voit que toi aussi.
Les mots s'échappèrent avant qu'il ne puisse y réfléchir. Maxime fit aussitôt la grimace, comme si ses paroles avaient pu revenir d'où elles étaient venues, se retenant de rire alors qu'il sentait son cœur se mettre à cogner contre ses côtes. Sidjil se tourna vers lui et arqua un sourcil épais alors qu'il soufflait du nez, amusé, manquant de s'étouffer avec la fumée de sa cigarette.
— Parce que t'es trop grand, compléta finalement Maxime. On voit que toi, parce que t'es.. Tu vois genre, comme-ça là. Bien..euh... t'as vu. Pas à mon échelle, quoi. Il fait beau là où t'es t'sais. Bref. Haha.
Il sortit ses mains de ses poches, s'agitant pour essayer de montrer qu'il faisait douze têtes de plus que lui, mais fini par abandonner en sentant les yeux du plus grand sur lui et le monde continuer de tanguer sous ses pieds. Il vit les prunelles sombres de Sidjil briller d'un nouvel éclat, avant que ses lèvres ne se fendent d'un sourire immense, blanc immaculé contre sa barbe noire.
— Bouge pas autant, Max. Si tu tombes, j'peux pas te rattraper. J'suis trop arraché.
— Ah, tu vois ! Qu'est-ce-que je disais.
— On est deux par contre. Peut-être que je danse pas droit okay, mais là t'arrive même pas à tenir contre ton sapin.
— Un point partout, sourit Maxime.
Sidjil se pencha pour écraser sa cigarette dans la neige, doucement, pour ne pas se planter dans l'herbe humide puis entama une lente remontée. Sa tête tournait bien autant que celle de Maxime, et lorsqu'il fut complétement redressé, il sentit son équilibre lui échapper.
Il tendit une grande main vers Maxime, s'accrochant à un pan de sa doudoune pour se stabiliser.
— Putain, pouffa-t-il, ses dents se plantant dans sa lèvre inférieure pour contenir son rire. J'parle trop, j'me prends un karma instant'.
— Tu l'as pas volé celui-là j'avoue, renchérit Maxime, à voix basse.
Il était paralysé en réalité. Il était soudainement bien trop conscient de la main de Sidjil sur sa veste, près de sa hanche. Foutue main qu'il avait décidé de ne pas bouger, alors qu'il était de nouveau bien droit devant lui.
Il leva les yeux vers les siens, et ils échangèrent un petit rire stupide, comme s'ils venaient de se faire une blague de gamins. Maxime voyait toujours les yeux de Sidjil briller, devenus deux fentes acérées, tellement il souriait fort. Et Sidjil voyait les yeux de Maxime briller en retour, ronds, avec leur lueur candide à laquelle il avait bien du mal à résister.
— T'as pas froid comme ça? demanda Maxime, tout bas.
— Je meurs de chaud.
— Qu'est-ce-que tu racontes, se moqua le plus petit. Vraiment, t'es déchiré pour dire ça.
Il entendit rire Sidjil, tout bas, et il le sentit serrer un peu plus sa veste dans sa main, se demandant où était la deuxième, trop absorbé par son visage pour la chercher des yeux.
Soudain, Sidjil tourna la tête vers la baie vitrée au loin, voyant un de leurs amis s'écraser contre la vitre en faisant de grands signes dans leur direction. Il s'écarta du plus petit, sa main retombant contre sa cuisse. Ils reconnurent sans mal les silhouettes de Manas et Elian qui les imitaient de loin, faisant semblant de se rouler une pelle dramatique et malaisée. Ils n'eurent même pas le temps de réaliser ce qui était en train de se passer qu'un autre de leurs amis se joignait à eux, baissant son pantalon pour coller son derrière contre la paroi, vêtu d'un caleçon de Noël de très mauvais goût.
Maxime rit en premier, alors que Sidjil gardait les yeux rivés sur la vitre. Sans quitter leurs amis du regard, suivant attentivement les conneries auxquelles ils s'adonnaient, il finit par dire tout bas :
— Dès qu'ils arrêtent de nous fixer on court.
— Hein ?
— Dans deux secondes ils vont se foutre sur la gueule parce que Théo' a pas suivit leur truc. A ce moment-là, on court.
Djilsi se tourna vers Maxime pour chercher son approbation. Ils échangèrent un regard complice et l'instant suivant, ce que Sidjil avait prédit arriva. Ils en profitèrent pour s'élancer dans le jardin à toute vitesse, dérapant sur la neige en direction d'un coin de la maison sur lequel personne n'avait de vue.
Sidjil s'arrêta brusquement, manquant de se ramasser alors que Maxime freinait en s'aidant du mur de la maison. Ils échangèrent un nouveau regard avant d'exploser de rire sous le coup de l'adrénaline, prenant conscience de ce qu'ils venaient de voir derrière la baie vitrée, comprenant ce qu'on avait voulu leur dire, et réalisant mutuellement qu'ils étaient coupables de la chose exacte dont leurs amis se moquaient.
Depuis qu'ils s'étaient rencontrés, il y avait ce truc entre eux. Un truc sur lequel Maxime n'avait jamais osé mettre le doigt. Il s'était muré dans un univers de mensonges, inventant des explications à toutes les situations dans lesquelles il se retrouvait avec le plus grand. Chacun de leurs rapprochements avait trouvé une raison purement rationnelle d'exister.
Mais maintenant qu'il avait dépassé le verre de trop; maintenant qu'il avait senti ses tripes se tordre en croisant le regard de Sidjil au milieu de la foule ; maintenant qu'il avait vu la lumière en le regardant renverser son foutu verre sur lui ; maintenant, il se demandait comment il avait si longtemps trouvé des excuses à tous leurs baisers passés.
— Tu crois qu'ils nous imitaient là ? demanda Maxime, jouant aux cons pour mettre le sujet sur le tapis.
Sidjil se redressa, encore en train de rire doucement et secoua la tête de gauche à droite :
— Peut-être. Mais mal. Vraiment très mal.
Maxime retint un rire, fixant Sidjil sans rien dire pour le laisser continuer sur sa lancée, l'encourageant silencieusement en arquant un sourcil interrogateur.
— Déjà, qui tiens quelqu'un par les épaules comme ça-
Sidjil exemplifia sa critique en attrapant Maxime par les deux épaules pour le placer en face de lui, bras tendus.
— Jamais je fais ça avec toi.
— C'est vrai que t'es un peu plus proche en général, se moqua Maxime.
— Tu vois, rien que ça, c'était mal imité de fou, conclut Sidjil, ses mains descendant doucement des épaules de Maxime pour se retrouver le long de ses bras.
La seconde suivante, ils retombèrent dans un drôle de silence, aspirés dans le regard de l'autre. Cette fois ce n'était plus l'alcool qui faisait tourner le monde à l'envers. Maxime se sentait tanguer, mais les mains de Sidjil l'ancraient là, et tous ses sens étaient en alerte.
Son parfum mêlé à l'odeur de cigarette froide ne lui avait jamais paru si vif. Il avait l'impression d'entendre leurs deux cœurs cogner dans la nuit. Et d'un coup, lui aussi mourrait de chaud. Toutes les cellules de son corps sentirent les mains du plus grand glisser sur sa doudoune, venant se resserrer près de sa taille.
Il ne se rappelait pas avoir fait de pas vers lui, mais soudain, ils étaient tous les deux trop proche pour respirer correctement. Il se forçait à le regarder dans les yeux, mais c'était dur. Tout son corps se liquéfiait. Littéralement. Des mots interdits lui brûlaient les lèvres et la peur lui enserrait la gorge.
Il n'y avait plus de caméras à impressionner. Plus d'amis à faire rire. Il n'y avait vraiment plus qu'eux. Rien à voir avec la bulle qu'ils se créaient lorsqu'il y avait du monde autour. Là, il n'y avait aucun monde à fuir. Il n'y avait qu'eux, la nuit, et une infinité de possibilités qui lui nouaient le ventre.
— Ca va ? se risqua Sidjil, encore plus bas qu'avant.
Maxime inspira, mais aucune goutte d'oxygène ne montait dans son foutu cerveau. Il était en train de s'intoxiquer complètement. Tout lui montait à la tête. Ses yeux se détachèrent des yeux du plus grand, s'accrochèrent à ses lèvres accidentellement, une demi-seconde, par inadvertance. Il essaya de se reprendre, fixant le collier de perles de l'homme en face de lui, avant de secouer la tête en riant doucement :
— Ouais, ça va. J'ai juste l'alcool qui monte fort là. Si je bouge, je pense que j'me viande. Sincèrement.
— Me dis pas ça, ricana Sidjil, j'suis déjà pas stable sur mes appuis.
— Vraiment ? le taquina Maxime, en posant ses mains sur ses bras avant de lui donner une brusque impulsion en arrière.
Sidjil trébucha aussitôt, surpris, son dos cognant contre le mur gelé de la maison. Ses mains imperturbables avaient entrainé Maxime avec lui. Tous les deux se rattrapèrent en riant comme des imbéciles.
— T'es complètement con, jura Sidjil.
— J'voulais tester les appuis, se justifia Maxime.
— Verdict ?
— Mauvais. Mauvais appuis. Eclatés même. Par contre, très bon grip au niveau des mains.
Maxime ne savait pas où il trouvait le courage de dire des trucs pareils. Sa putain de bière de trop lui donnait un culot dont il avait peur. Mais il le laissait tout contrôler. Parce qu'il voyait que Sidjil réagissait à ses tentatives. Parce qu'à cet instant, il se disait que c'était maintenant ou jamais.
Sidjil sourit à sa réplique, faisant une moue qui montrait bien qu'on venait de le cramer, la main dans le sac, avec ses fichues mains baladeuses. Finalement, il lâcha doucement la veste de Maxime, levant ses mains entre eux, les paumes ouvertes :
— Pardon Max, murmura-t-il.
A cause de leur chute, ils étaient plus proche que jamais et maintenant que Sidjil avait levé ses mains, elles étaient là, abandonnées entre leurs deux torses et il ne savait pas quoi en faire. Il releva les yeux vers le visage de Maxime, et ses doigts suivirent. Hors de son contrôle, Sidjil vit sa main s'approcher du garçon près de lui et son pouce frôler sa mâchoire. Ses phalanges se posèrent dans sa nuque, caressant doucement les cheveux qu'il sentait au bout de ses doigts. Hypnotisé, il laissa sa main faire, effleurant avec une lenteur délibérée la peau de Maxime qui se couvrit d'un frisson.
Celui-ci sentit tout son courage l'abandonner. Son souffle se bloqua une nouvelle fois, et ses yeux retrouvèrent ceux de Sidjil. Il entrouvrit légèrement les lèvres. Il avait l'impression de suffoquer. Il lui fallait de l'air. Vite.
Le pouce de Sidjil glissa contre sa mâchoire, en suivant la courbe doucement, effleurant son menton avant de descendre dans son cou. Maxime ferma les yeux une seconde, se sentant défaillir. Son cerveau se remettait à tourbillonner derrière ses paupières. Il n'avait plus que Sid contre lequel se tenir.
Il était perdu. A bout de souffle. Il cherchait le regard de Sidjil mais ses yeux était clairement posés ailleurs. Maxime sentait ses lèvres le brûler. Son corps entier s'embraser. Ils étaient bien trop proches. Et chaque fois que le pouce du plus grand passait sur sa peau, de plus en plus lentement, avec de plus en plus d'intention, il sentait son ventre se tordre violemment.
Ce qu'il ressentait était viscéral. Il avait besoin de plus. De plus que ça. Et s'il ne pouvait pas l'avoir, alors ils devraient arrêter tout.
Maxime inspira à nouveau, sentant un frisson glisser dans sa nuque et tendre son corps entier. C'était trop.
— Sid, l'appela-t-il tout bas. Tu vas me tuer là.
Sa voix se coinça dans sa gorge alors qu'il le disait, un étrange sourire se dessinant sur leurs deux visages.
La deuxième main de Sidjil revint se loger contre la hanche de Maxime, cette fois agrippant sa doudoune franchement, pour pouvoir sentir son corps en-dessous.
Le sang de Maxime ne fit qu'un tour. S'il ne se décidait pas, lui allait le faire. Sinon il allait vraiment mourir là, contre lui, dans ce putain de froid polaire et rentrer chez lui bredouille, comme une merde et avec un sale cuite.
Il tendit une main vers la nuque de Sidjil et l'attira à lui, plaquant ses lèvres contre les siennes en serrant les paupières. Il venait de se jeter dans le vide. Il était en chute libre. Et c'est la main du plus grand qui le rattrapa, encadrant son visage dans sa paume alors qu'il répondait à son baiser, se pressant contre lui, au point de sentir la joue glacée de Maxime contre son nez. Le temps s'arrêta, jusqu'à ce que les lèvres de Sidjil se fendent en un sourire gigantesque qui les entraina tous les deux dans un rire.
Ils se détachèrent une seconde, Maxime fixant le torse de l'autre, toujours dans son satané sweat.
— Attends, attends, rit doucement Sidjil. Recommence pour voir, j'ai pas compris ce qui vient de se passer.
— Va te faire foutre, Sid, répondit Maxime en soutenant son regard sans ciller.
Ils se fixèrent, et Maxime vit les dents de Sidjil agripper sa propre lèvre, comme s'il se retenait de dire quelque chose. Comme s'il se retenait d'agir tout court. Il n'osait plus bouger. Il sentait encore ses lèvres contre les siennes. Le putain d'incendie dans ses entrailles. Puis dans un souffle, il se repencha contre Maxime :
— Tu fais chier, lui marmonna-t-il.
Il scella leurs lèvres à nouveau. Il sentit les doigts de Maxime glisser dans ses cheveux, s'y accrocher et son corps lui répondre, hors de contrôle.
Lorsqu'il inspira, il n'y avait plus que Maxime là, entre ses mains. Son odeur. Sa peau. Son propre pouce contre son menton, ses doigts sous sa mâchoire, le tenant contre lui pour ne jamais le lâcher, se détachant de ses lèvres pour mieux les retrouver.
Chaque fois que son corps fondait sur celui du plus petit, il le sentait pénétrer encore plus leur bulle. Ils se fracassaient l'un contre l'autre, désespérément. Des semaines d'attentes et d'incompréhension s'envolaient là, sous leurs mains froides qui s'accrochaient à la peau chaude, sous leurs souffles erratiques.
Si Sidjil s'écartait pour reprendre sa respiration, Maxime le ramenait à lui, déposant un baiser chaste sur ses lèvres, comme pour lui rappeler qu'il ne pouvait déjà plus s'en passer, en redemandant encore, un brasier dansant entre leurs poumons.
Sidjil s'écarta une seconde :
— Max, attends, murmura-t-il dans un sourire essoufflé.
Ce qu'il ressentait était trop fort. Il sentait ses doigts trembler d'énergie. Du courant lui parcourir la peau. L'électriser entièrement, alors que la main qui tenait la doudoune de Maxime cherchait un passage pour se réchauffer, venant trouver la peau brûlante sous son t-shirt.
Celui-ci entrouvrit les lèvres, le souffle coupé, à la fois par le froid soudain et la sensation qui lui enserra le corps, son sang battant dans ses veines à toute vitesse, et son ventre se contractant sous le toucher si longtemps désiré. Un sourire en coin se dessina sur le visage de Maxime, alors qu'il penchait le visage en arrière, reposant dans la main de Sidjil, essayant de le regarder d'un peu plus loin.
Il l'avait toujours trouvé charmant. Pour aucune raison particulière. Il avait ce truc insupportable qui l'attirait irrépressiblement. Un truc dans son sourire, dans sa façon d'être, qui le poussait vers lui. Sa façon de le regarder peut-être, comme s'il avait été créé pour marcher à ses côtés. Pour le protéger. Pour ne voir que lui lorsqu'il se résignait à baisser son menton fier.
Maxime sentit ses doigts glisser contre le flanc de Sidjil, venant se loger contre ses côtes, le sentant respirer sous sa main, comme dans un rêve éveillé. Dès qu'il bougeait contre lui, il se sentait incandescent. Il aurait pu faire n'importe quoi de lui.
Tout faisait sens maintenant. Les yeux dans les yeux, ils réalisaient silencieusement ce qu'il venait de se passer. Le pacte qu'il venait de sceller.
La main de Sidjil descendit contre la mâchoire de Maxime, son pouce longeant sa carotide. Ils étaient transportés, transcendés. Complètement ailleurs. Et le temps avait cessé d'exister.
Puis Sidjil posa ses deux immenses mains de chaque côté du visage de Maxime, le fixant comme s'il ne l'avait jamais vu auparavant. Maxime sentait ses appuis devenir bien instables. Il ne put s'empêcher de rire, coupé par les lèvres du plus grand.
Il se laissa aller contre lui, demandant d'une pression s'il pouvait entrouvrir les lèvres, leurs deux langues se rencontrant dans un soupir. Maxime ne savait plus quoi faire de son corps ni de ses doigts, il voulait les poser partout, tenir Sidjil contre lui, le sentir dans le creux de sa main, rien qu'à lui. Mais il perdait pieds.
Leurs baisers se firent plus lascifs, et les lèvres du plus grand dévièrent, se plaquant contre sa mâchoire, descendant dans son cou, sentant le pouls de Maxime contre sa peau, le sentant basculer le visage en arrière pour s'offrir complètement à lui. Sidjil ne put se retenir de sourire, plantant doucement ses dents dans la peau brûlante entre deux baisers.
Lorsque la brûlure dans son ventre devint trop douloureuse, Maxime le repoussa contre le mur. Il entendit sa tête cogner la paroi, avant qu'ils n'éclatent de rire.
— Doucement Max, merde, ricana Djilsi en se frottant l'arrière de la tête.
— Toi, doucement, le provoqua-t-il en retour, en dissimulant aussitôt son cou dans le col de sa veste.
— C'est trop difficile c'que tu me demandes là, s'amusa Sidjil.
Ils marquèrent une pause, entendant des voix au loin hurler leurs prénoms. Ils échangèrent un nouveau regard complice, retenant un rire pour essayer d'être discrets.
— Tu sais pas depuis combien de temps j'attendais ce moment, lui avoua Sidjil dans un murmure.
Maxime s'écarta encore plus, levant les yeux au ciel en se bouchant les oreilles.
— Me dis pas ça, me dis pas ça Sid, tu vas me faire câbler.
Un nouveau cri les coupa. Les voix se rapprochaient d'eux. Maxime s'écarta de lui mais lui décocha un faux regard noir en l'engueulant à mi-voix:
— T'attendais quoi pour me dire que tu voulais mon cul, abruti ?
Sidjil ne put se retenir de rire en voyant Maxime lui faire les gros yeux. Puis il haussa les épaules et enfonça ses mains dans les poches de son pantalon, en indiquant à Maxime de faire le tour de la maison dans l'autre sens d'un coup de menton.
— J'attendais le bon moment, marmonna-t-il dans son dos alors qu'ils fuyaient les voix de leurs amis, revenant comme si de rien n'était vers l'entrée de la maison.
— Tu vas pas t'en tirer comme ça, Sid, le menaça Maxime en poussant le porte d'entrée pour se replonger dans la foule.
— On continue cette conversation plus tard avec plaisir, Maxou, mmh ? le taquina le plus grand, laissant sa grande main se balader nonchalamment l'espace d'une seconde dans le dos de l'autre, avant de disparaitre avec un clin d'œil malin.
Maxime poussa un soupir désespéré, avant de se mettre à sourire tout seul comme un abruti. Ce qui venait de lui arriver était lunaire.
Il se fraya un chemin entre les corps qui dansaient toujours pour aller se servir un verre d'eau dans la cuisine, se posant contre le plan de travail pile à temps pour revoir débarquer leurs imbéciles de potes qui les cherchaient toujours.
Maxime et Djilsi se gardèrent bien d'expliquer ce qu'ils avaient pu se dire pendant cette interminable pause clope.
Ça restait entre eux.
Après tout, les caméras en avaient déjà vu assez.
*
oops 🫣
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top