quatorze : 2 jours avant
Célia ne savait plus vraiment différencier le jour et la nuit ; la fatigue et la forme. Quoi qu'il arrivait, jour, nuit, fatiguée, en pleine forme, elle restait dans le même état : triste.
La colère contre Charles était passée. Elle avait duré plusieurs mois. Elle l'avait gardé pour elle, puis lui en avait parlé avec tact, puis s'était énervée. Rien n'avait fonctionné. Il ne se remettait jamais en question, puisque c'était forcément sa faute à elle. Elle ne faisait pas assez d'effort, ne pensait pas à lui, le sous-estimait. Il devait garder un esprit de vainqueur pour pouvoir gagner le championnat. Il ne pouvait pas s'encombrer l'esprit en pensant à la maison ou à la famille. Il gérait bien, de toute manière : il avait raté des rendez-vous pour la construction de la maison, mais il n'y avait pas mort d'homme, la preuve étant que la maison avait été construite quand même. Il avait raté un rendez-vous pendant la grossesse, mais qu'importe, ce n'était de toute façon pas lui qui portait les enfants. Il avait raté l'anniversaire de ses enfants, mais il s'était rattrapé en invitant toute la petite famille pour une journée à Disneyland Paris. Célia, qui ne lui adressait plus la parole depuis des jours, avait bien été obligée d'arrêter de lui en vouloir. Pour ses enfants, pour la journée, pour leur anniversaire. Ils ne méritaient pas une journée où leur mère lançait des éclairs par le regard à leur père. Alors elle avait joué le jeu, profité de la journée pour la rendre inoubliable. Charles ne lui avait pas dit directement, mais elle savait qu'encore une fois, pour lui, cela avait réglé le problème.
Alors Célia avait cessé d'être en colère. Maintenant, c'était la tristesse qui l'envahissait. La tristesse de voir que Charles pensait pouvoir se faire pardonner grâce à son argent. La tristesse de voir que ces événements ne lui servaient pas de leçon pour lever le pied.
Aussitôt la journée terminée, il était retourné à son fidèle simulateur.
Quand il rentrait, Célia ne faisait presque plus attention à lui. Elle faisait tout machinalement, de toute manière : préparer les repas, laver le linge, faire le ménage. Le seul moment où elle réussissait à sortir de sa bulle était lorsqu'elle passait du temps avec les jumeaux. Le temps d'un jeu, d'une histoire, d'un câlin, elle oubliait à quel point elle était triste et se concentrait sur tout l'amour qu'elle recevait.
Un soir où Charles téléphona pour parler à ses enfants, Thalia lui rapporta qu'il avait promis de revenir dans un dodo. Célia passa la nuit à espérer qu'il ne lui avait pas menti. Elle avait beau en vouloir à Charles, elle ne voulait pas que Thiago et Thalia soient déçus de leur père aussi. Le lendemain matin, après une nuit peu reposante, Célia se résilia à ouvrir le placard de la salle de bains pour y trouver un des tests de grossesse non utilisés qu'elle avait acheté plus de quatre ans auparavant. Le résultat ne tarda pas à s'afficher, et elle le laissa traîner sur le lavabo de la salle de bains. Une heure après, Charles rentra.
-Papa, il a dit qu'on va aller dans le parc avec le toboggan et la super balançoire un peu d'araignée, expliqua Thalia à sa mère, qui hocha la tête.
-Super. Tu te souviens que tu as danse, aussi, aujourd'hui ? lui demanda-t-elle, et la petite sourit.
-Bah oui, maman, on a préparé le sac de licorne doré hier ! Il a dit, qu'on ira après la gym de Thiago, et la danse de Thalia.
-Parfait, alors.
Elle attendit leur départ pour retourner dans la salle de bains. Charles avait laissé traîner sa serviette de douche par terre et son déo traînait sur le lavabo. Le test de grossesse était toujours au même endroit, toujours dans la même position. Il ne l'avait pas pris dans ses mains pour vérifier le nombre de barres. Célia ne sut jamais s'il ne l'avait pas vu ou s'il ne voulait pas connaître la réponse. Peut-être que son esprit était trop occupé par sa passion pour le remarquer, posé là, en évidence. Peut-être que sa présence était une menace pour cette même passion.
Dans tous les cas, Célia avait pris sa décision.
Deux jours après, Charles repartait pour le simulateur. Deux jours après, elle annonça à Thiago et Thalia qu'ils allaient rassembler leurs affaires et partir.
La tristesse partit à ce moment-là.
La résilience prit sa place.
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