quatre
Le lendemain, Samuel attendit Rose devant le cimetière. Il ne voulait pas entrer sans savoir qu'il avait tout le temps devant lui à accorder à Violette, aussi stupide que cela pouvait paraître. Il ne fut pas surpris de voir Rose en sortir, souriante.
-Salut, Samuel.
-Salut, fille du cimetière.
Elle leva les yeux au ciel, ce qui le fit rire.
-Je trouvais ça un peu bizarre de me nommer "Rose", haussa-t-elle les épaules, commençant à marcher vers le glacier, et Samuel fronça les sourcils.
-Bizarre ? Mais c'est ton prénom.
-Je sais. Mais pendant des années, j'étais juste la fille du cimetière.
Le reste du trajet se fit silencieusement, et Samuel reprit une glace au café tandis que Rose choisit melon.
-J'ai repris un fruit, pour donner matière à ta théorie, sourit-elle en s'asseyant sur le même banc que la veille, et Samuel rit.
-Merci. Mais Lilith empêche le développement de cette théorie avec sa réglisse.
-Disons qu'elle est l'exception qui confirme la règle.
Rose se mordit la lèvre avant de regarder Samuel.
-Tu as parlé d'elle au présent. De Lilith. Et tu as fait la même chose avec Violette, hier.
Samuel haussa les épaules.
-Je ne peux pas parler d'elles au passé.
-Mais elles sont décédées.
-Bien sûr, mais elles sont toujours là. Elles seront là tant qu'il y aura des gens pour se rappeler d'elles, pour parler d'elles, pour partager des souvenirs dans lesquels elles apparaissent, même si ce n'est qu'une seconde. Tant qu'il y a du monde pour se rappeler une personne, elle est toujours là. Et c'est pour ça que j'utilise le présent.
-C'est beau, souffla Rose après quelques secondes de silence. Et c'est vrai, t'as raison. Violette et Lilith sont toujours là.
Samuel hocha simplement la tête ; parler n'était pas nécessaire dans cette situation. Ils mangèrent leurs glaces en silence, regardant les passants.
-Est-ce que toi aussi, tu te demandes si eux aussi, ils ont perdu quelqu'un qui leur était cher ? demanda tout à coup Samuel, et Rose sourit tristement.
-Tout le temps. Mais jamais avant que Lilith ne meurt. Comme si le fait que ça m'arrive à moi me fasse réaliser que ça arrivait aussi aux autres.
Samuel acquiesça.
-Je repars demain à Barcelone, déclara-t-il soudainement, et Rose hocha la tête comme si elle s'en doutait.
-Quand est-ce que tu reviendras ?
-Dès que possible.
-C'est comment, Barcelone ?
-Très différent d'ici, je trouve. Pas tant la ville en elle-même, mais ce qu'elle dégage, et les gens. Oui, très différent.
-Alors tu préfères là-bas, dit-elle, et Samuel ne savait pas si c'était une question ou une affirmation.
-J'aime beaucoup vivre là-bas. Mais ici..
c'est la maison. C'est vraiment la maison. C'est un sentiment de familiarité que je ne ressens nulle part ailleurs.
Il haussa les épaules.
-On dit que la maison est là où notre cœur est.
Il parlait du club auquel il était très attaché, de ses amis, de sa famille, du fait que c'est ici qu'il avait grandi. Mais il parlait aussi de Violette ; et Rose le savait.
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